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10/04/2003 | FRANCE | N°01PA01604

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre, 10 avril 2003, 01PA01604


VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 11 mai et 20 juin 2001 au greffe de la cour, présentés pour la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie ayant son siège ..., par la SCP VIER-BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99 3666-4 en date du 1er mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 juillet 1999 par lequel le préfet de Seine-et-Marne

a délimité le biotope dit des plans d'eau de Cannes-Ecluse et interdit dan...

VU la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 11 mai et 20 juin 2001 au greffe de la cour, présentés pour la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie ayant son siège ..., par la SCP VIER-BARTHELEMY, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99 3666-4 en date du 1er mars 2001 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 16 juillet 1999 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a délimité le biotope dit des plans d'eau de Cannes-Ecluse et interdit dans ce périmètre certaines activités ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

VU le code rural ;

VU le code de l'environnement ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2003 :

- le rapport de M. KOSTER, premier conseiller,

- les observations de Me X..., avocat, pour la société civile immobilière MORILLON-CORVOL et Cie,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 16 juillet 1999 le préfet de Seine-et-Marne a, à la demande du conseil municipal de Cannes-Ecluse, déterminé les parties du territoire de cette commune formant le biotope dit des plans d'eau de Cannes-Ecluse et fixé les mesures de protection de ce biotope ; que la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie, propriétaire de plusieurs parcelles comprises dans ledit périmètre, fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs en ce que le tribunal administratif après avoir souligné que le préfet de Seine-et-Marne a arrêté toute une série d'interdictions, dont certaines absolues sur la totalité du site, admet que l'arrêté litigieux n'impose pas aux propriétaires des contraintes excessives, il ressort de l'examen dudit jugement que le tribunal administratif a également souligné que l'arrêté attaqué prévoit la possibilité d'accorder des dérogations ; que, par suite, le moyen manque en fait ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-12 du code rural : Afin de prévenir la disparition d'espèces figurant sur la liste prévue à l'article R. 211-1, le préfet peut fixer par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d'un département à l'exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport scientifique établi à la demande de la direction régionale de l'environnement d'Ile-de-France par l'association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau que le site des plans d'eau de Cannes-Ecluse présente un intérêt ornithologique exceptionnel ; que la liste des espèces arrêtées à janvier 1998 a permis de recenser la présence de 51 espèces nicheuses totalement protégées, figurant sur la liste prévue à l'article R. 211-1 du code rural, dont certaines très rares en Ile-de-France ; que les données observées depuis plus de vingt cinq ans démontrent la richesse biologique et les capacités d'accueil du périmètre concerné, notamment pour certaines espèces migratrices ou hivernantes d'oiseaux d'eau ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la plupart des clichés photographiques figurant dans le rapport scientifique ont bien été pris dans le périmètre défini par l'arrêté litigieux ; que les circonstances que le site a été inventorié en 1985 comme zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et se trouve inclus dans l'inventaire des ZNIEFF au titre d'une zone II plus vaste ainsi que dans une zone d'intérêt communautaire pour la conservation des oiseaux portant sur plusieurs communes du département ne démontrent nullement l'existence d'une erreur de fait mais confirment l'intérêt de cette zone pour la préservation des oiseaux sauvages ; que, par suite, la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'un inventaire précis et récent des espèces qu'il entend protéger et repose sur des documents non probants ;

Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que l'ensemble des plans d'eau de Cannes-Ecluse forme une unité biologique, écologique et fonctionnelle, nécessaire à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie des espèces au sens de l'article R. 211-12 précité du code rural ; qu'il est établi qu'en raison notamment de la surfréquentation des berges et du développement des activités nautiques des mesures locales s'imposaient pour veiller à la conservation de ce biotope ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une protection supplémentaire des espèces et de l'espace naturel en cause n'était pas nécessaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les plans d'eau de Cannes-Ecluse constituent le biotope de nombreuses espèces protégées ; que si la société requérante fait valoir que ces plans d'eau proviennent de l'exploitation de sabilières entre les années 1960 et 1985 et sont le résultat du travail de l'homme, cette circonstance est, dès lors, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué portant protection dudit biotope ;

Considérant qu'il est constant que les activités d'extraction ont pris fin sur le site au milieu des années 1980 ; que si trois parcelles comprises dans le périmètre déterminé par l'arrêté attaqué font partie intégrante d'une ferme, il n'est pas contesté qu'elles sont de taille modeste et à l'état de friche ; que la chambre d'agriculture elle-même souligne que les terres agricoles ne sont pas directement touchées par le projet ; que les activités nautiques et touristiques qui se déroulent sur le site sont limitées à certains lieux et à certaines périodes de l'année ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Melun a estimé que les plans d'eau de Cannes-Ecluse constituent des formations peu exploitées par l'homme au sens des dispositions susmentionnées du code rural ;

Considérant qu'en observant que les différents bassins ne font pas l'objet d'une exploitation commerciale mais d'une utilisation occasionnelle à des fins touristiques ou de loisirs le tribunal administratif n'a nullement ajouté une condition non prévue par les textes applicables ; que, par suite, la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une erreur de droit sur ce point ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les dispositions interdisant sur la totalité du site l'extraction de matériaux, le dépôt d'ordures ou de déchets variés, l'allumage de feux, le comblement des plans d'eau et l'introduction d'animaux non autochtones sont nécessaires à la conservation du biotope et ne portent atteinte à aucune liberté fondamentale ; que si la circulation des véhicules terrestres à moteur est également interdite sur la totalité du site en dehors des voiries existantes ou à créer, des exceptions sont prévues pour la circulation des véhicules liés à la culture des terres agricoles et de ceux nécessaires aux opérations de sécurité ou de police et à l'entretien du site ; que, par suite, ces mesures ne sont pas excessives au regard des intérêts des propriétaires et gestionnaires des terrains concernés ;

Considérant que si toute activité motonautique est interdite toute l'année sur le grand bassin, l'arrêté attaqué autorise des activités nautiques et la pêche à partir d'embarcation en dehors de la période comprise entre le 15 novembre et le 1er mars ; que si la construction de bâtiments est interdite dans les zones B, C et E, elle reste possible dans les autres zones ; que si l'arrêté attaqué interdit de façon permanente l'accès aux berges sur deux zones, l'usage normal réservé aux propriétaires riverains est prévu ainsi que l'accès du public par des chemins destinés à cet effet ; qu'alors que le rapport scientifique proposait une interdiction totale d'accès aux plans d'eau entre le 15 octobre et le 15 mars, l'arrêté attaqué limite cette interdiction aux plans d'eau les plus fréquentés par les oiseaux et en réduit la durée du 15 novembre au 1er mars ; qu'enfin l'article 4 de l'arrêté attaqué prévoit que des dérogations aux interdictions susmentionnées pourront être accordées par le préfet afin de permettre l'entretien et la valorisation du site, la réalisation d'études scientifiques et le développement éventuel d'activités pédagogiques ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les mesures adoptées sont manifestement excessives par rapport à l'objectif poursuivi et portent atteinte à la liberté d'aller et venir ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ;

Considérant que si l'article L. 211-1 du code rural, repris à l'article L. 411-1 du code de l'environnement, prévoit une série d'interdictions lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques , lesdites interdictions n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les propriétaires concernés de leurs biens mais seulement d'en limiter l'usage conformément à l'intérêt général ; que, dès lors, nonobstant l'absence d'indemnisation prévue par la loi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article L. 211-1 du code rural doivent être regardées comme contraires aux stipulations précitées du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 16 juillet 1999 délimitant et organisant la protection du biotope dit des plans d'eau de Cannes-Ecluse ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamné sur leur fondement à verser une somme à la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société immobilière MORILLON-CORVOL et Compagnie est rejetée.

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N° 01PA01604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 01PA01604
Date de la décision : 10/04/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MERLOZ
Rapporteur ?: M. KOSTER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : SCP VIER BARTHELEMY ;

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-04-10;01pa01604 ?
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