(2ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée le 27 février 1997 au greffe de la cour, présentée par M. Albert X..., ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9309953-9309954/1 en date du 15 octobre 1996 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1982, 1983, 1984 et 1985, dans les rôles de la commune de Sceaux ;
2 ) de le décharger des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 27 novembre 2001 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
En ce qui concerne l'étendue du litige :
Considérant que par une décision non datée postérieure à l'introduction de la requête, enregistrée au greffe le 25 octobre 2001, le directeur des services fiscaux des Hauts-de-Seine-Sud a prononcé le dégrèvement, s'élevant à la somme de 39.711 F, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1982 assignée à M. X... ; que les conclusions de la requête de M. X... relatives à cette imposition sont devenues sans objet ;
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., les premiers juges n'étaient pas tenus, en vertu du respect du principe du contradictoire, de lui communiquer les travaux parlementaires relatifs à la rédaction de l'article 156-I 2 du code général des impôts, issue de la loi du 27 décembre 1973 ;
En ce qui concerne les redressements consécutifs à la vérification de comptabilité :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions des articles L.47 à L.52 du livre des procédures fiscales, les opérations de vérification de comptabilité doivent se dérouler chez le contribuable ou au siège de l'entreprise et un débat oral et contradictoire doit avoir lieu avec le vérificateur ; qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité dont a fait l'objet M. X..., administrateur judiciaire, s'est déroulée en totalité dans son cabinet ; que le requérant ne démontre pas que le vérificateur se serait refusé, au cours des opérations de vérification qui se sont déroulées pendant près de dix jours, à tout débat oral et contradictoire ; qu'en outre, si l'intéressé entend se prévaloir de l'absence d'un tel débat, sur le fondement des dispositions de la "charte des droits et obligations du contribuable vérifié", un tel moyen est inopérant s'agissant d'une vérification de comptabilité antérieure au 1er janvier 1988 ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée" ;
Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la notification, en date du 21 décembre 1987, par laquelle le service a fait connaître au contribuable les rehaussements qu'il entendait apporter à ses bases d'imposition au titre des années 1983, 1984 et 1985, qu'elle indique la nature, les motifs ainsi que le montant détaillé des redressements envisagés en matière de bénéfices non commerciaux ; que la motivation de cette notification de redressement était ainsi suffisante pour permettre au contribuable de présenter ses observations ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales que si l'administration doit, même succinctement, répondre aux principales observations du contribuable, elle n'est cependant pas tenue de répondre à tous ses arguments ; qu'en l'espèce, compte tenu de cette règle, l'administration doit être regardée comme ayant suffisamment répondu, par lettres en date des 11 mars et 21 avril 1988, aux observations présentées par M. X... alors même qu'elle n'a pas évoqué les énonciations par lesquelles M. X... s'était borné à faire allusion et sans en tirer aucune conclusion juridique, à l'absence d'entretien ou de demande de renseignements avant envoi de la notification de redressements ainsi qu'à la date de réception par lui de l'original de la notification de redressement en date du 23 décembre 1986 ;
Sur le bien-fondé des impositions et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, tel qu'il résulte de l'article 10-I de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ... " ; qu'il appartient cependant au contribuable, que la commission départementale des impôts ait été saisie ou non, de justifier tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité ; qu'ainsi, alors même que la comptabilité tenue par le contribuable a été reconnue comme régulière par le vérificateur, il appartient à M. X... de justifier des charges que l'administration a réintégrées dans ses bénéfices non commerciaux des années 1983 à 1985 restant en litige ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ... " ; qu'il résulte des dispositions précitées que les frais de toute nature qu'exposent les titulaires de bénéfices non commerciaux sont déductibles sous la condition que ces derniers justifient qu'ils découlent nécessairement de l'exercice de leur profession ;
Considérant, en premier lieu, qu'en se prévalant de ce que l'immatriculation dans la Nièvre d'un second véhicule lui appartenant lui aurait permis de réaliser, en les acquittant auprès de la mutualité d'assurances agricoles, une économie sur les frais d'assurance, M. X..., qui possède d'ailleurs une exploitation agricole dans ce département, n'établit pas que les frais afférents à ce véhicule auraient été nécessités par l'exercice de sa profession d'administrateur judiciaire ni, par suite, qu'ils auraient à tort été exclus par le service de ses charges déductibles ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... n'établit pas, en se bornant à soutenir que les déplacements concernés auraient été appelés par la visite de sociétés dont il avait la gestion, ou à des "rappels en urgence" du pôle desservant des stations de sports d'hiver, que les frais de transport à destination notamment de Londres et de la Savoie, ainsi que les frais de réception à Londres, devraient être regardés comme ayant été nécessités par l'exercice de sa profession ; qu'il en est de même des dépenses d'entretien du jardin d'agrément du domicile personnel du contribuable, des frais d'employée de maison, des dépenses de réception à domicile, ou encore des cotisations à des cercles privés ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance qu'au cours d'une vérification portant sur une période antérieure, l'administration n'aurait pas remis en cause la déductibilité de charges de la même nature que celles réintégrées dans les bénéfices non commerciaux des années en litige, ne saurait constituer une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, au sens de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, dont le requérant puisse utilement se prévaloir à l'encontre des compléments d'impôt sur le revenu établis à son encontre au titre des années 1983 à 1985 restant en litige ;
En ce qui concerne les autres redressements :
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'alors même que le vérificateur a informé M. X..., par un avis en date du 31 janvier 1986, de ce qu'il allait faire l'objet d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble sur ses revenus des années 1982, 1983 et 1984, la circonstance qu'il ne lui ait pas également été notifié un semblable avis pour l'année 1985 est sans incidence sur la régularité de la procédure au terme de laquelle l'administration lui a notifié des redressements du revenu global au titre de ladite année, par notification du 18 janvier 1988, dès lors que ces redressements, ainsi d'ailleurs qu'il résulte des termes mêmes du document, procèdent exclusivement du contrôle sur pièces par le vérificateur des déclarations souscrites par le contribuable et tirent les conséquences sur son revenu global du rehaussement envisagé à la suite de la vérification de comptabilité dont il a parallèlement fait l'objet ; qu'en outre, la circonstance que l'administration, par une lettre en date du 11 mars 1988 répondant à une demande en ce sens de M. X..., lui ait indiqué les conséquences d'une acceptation éventuelle des rehaussements envisagés au titre de l'année 1985, alors qu'elle n'avait pas l'obligation de le faire, dès lors que les dispositions de l'article L.48 alors en vigueur du livre des procédures fiscales en réservent l'application au cas où des redressements envisagés à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle, n'est pas de nature à établir que le service aurait, pour cette année-là, procédé à des opérations présentant, du fait de leur nature ou de leur ampleur, le caractère d'un pareil examen d'ensemble de sa situation fiscale, comme tel soumis à l'obligation d'avis préalable contenue à l'article L.47 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le contribuable entend se prévaloir, à l'encontre des redressements consécutifs à la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble dont il a fait l'objet pour les années 1982 à 1984, d'un moyen tiré de ce que ne lui aurait pas été offerte la possibilité d'un débat oral et contradictoire, en méconnaissance de la "charte des droits et obligations du contribuable", un tel moyen est inopérant s'agissant d'une vérification approfondie d'ensemble de situation fiscale antérieure au 1er janvier 1988 ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'administration a refusé de faire droit à la demande du contribuable tendant à ce que la commission départementale des impôts soit saisie ; que cependant, le désaccord qui portait sur la question de savoir si l'activité de sous-location de locaux nus par des sociétés civiles immobilières dont M. X... détenait des droits sociaux, présentait un caractère professionnel et si, en conséquence, la part correspondant à ces droits, du déficit enregistré par cette activité était imputable sur les bénéfices non commerciaux retirés par le contribuable de son activité professionnelle d'administrateur judiciaire posait une question de droit, laquelle en tant que telle ne relevait pas de la compétence de la commission départementale des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration n'a pas donné suite à la demande de M. X... tendant à ce que le différend l'opposant sur ce point au vérificateur fût soumis à ladite commission ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 3 de l'article 13 du code général des impôts : "Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. Le résultat d'ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière" ; que la catégorie des bénéfices non commerciaux est définie par le 1 de l'article 92 du code général des impôts dans les termes suivants : "Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus" ; que, selon l'article 156 du même code, l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal, "sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : 2 Des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants ; ces déficits peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités semblables durant la même année ou les cinq années suivantes " ;
Considérant qu'il résulte de ces dernières dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 9 de la loi n 73-1150 du 27 décembre 1973 dont elles sont issues, que le législateur a entendu déroger, en ce qui concerne la catégorie des bénéfices non commerciaux définie par l'article 92 du code général des impôts, à la règle, établie par le 3 de l'article 13 et par le premier alinéa du I de l'article 156 du même code selon laquelle le montant imputable sur le revenu global du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus est déterminé par l'excédent des résultats négatifs sur les résultats positifs de l'ensemble des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie, en distinguant les déficits provenant des professions libérales et des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, seuls déductibles en totalité du revenu global, des déficits provenant d'une ou plusieurs des autres occupations, activités lucratives et sources de profits visées à l'article 92, telles, par exemple, que la sous-location d'immeubles, qui sont exclusivement imputables sur les revenus, assimilés à des bénéfices non commerciaux, qui ont pu être en même temps tirés de pareilles occupations, activités ou sources de profits ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, sans que ces principes soient affectés par les dispositions des articles 1er et 158 du code général des impôts, que les dispositions particulières du I-2 de l'article 156 du code général des impôts font obstacle à ce que M. X... puisse imputer sur les bénéfices non commerciaux qu'il a retirés, en 1983, 1984 et 1985, de son activité d'administrateur judiciaire, les déficits qu'il a subis en tant qu'associé de trois sociétés civiles immobilières ayant pour activité la sous-location nue de locaux dont elles avaient acquis la disposition par des contrats de crédit-bail, dès lors qu'il ne justifie pas, en invoquant dans des termes généraux les tâches relevant de la gestion d'immeubles, que l'activité de sous-location aurait présenté pour lui le caractère d'une véritable profession et non pas seulement celui d'une simple activité lucrative non professionnelle ;
Considérant, en second lieu, que M. X... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir, ni sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ni sur le fondement de l'article 1er du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983, de l'instruction administrative 5 G-5-74 du 19 février 1974, laquelle ne donne pas des dispositions législatives précitées une interprétation différente ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1983, 1984 et 1985 ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 39.711 F, correspondant au complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1982, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.