(Formation Plénière)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 22 juin 2001, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9921272 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 mai 2001 en tant qu'il a fixé au 8 septembre 1999 la date à laquelle la somme de 1.299.039 F visée par deux avis à tiers détenteur délivrés le 3 septembre 1999 à l'encontre de la société Micro Leader Business par le comptable du Trésor d'Aulnay-sous-Bois pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices 1993 et 1994 a cessé d'être exigible ;
2 ) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution dudit jugement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2001 :
- le rapport de M. PRUVOST, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BOSSUROY, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le comptable du Trésor d'Aulnay-sous-Bois a, le 3 septembre 1999, délivré deux avis à tiers détenteur notifiés aux banques de la société Micro Leader Business, pour avoir paiement d'une somme de 1.299.039 F se rapportant à des compléments d'impôt sur les sociétés mis en recouvrement le 31 mai 1999 dont cette société était redevable au titre des exercices 1993 et 1994 ; que la société Micro Leader Business a saisi le directeur des services fiscaux de Paris-Est, le 8 septembre 1999, d'une réclamation contentieuse relative à l'assiette de ces impositions assortie d'une demande de sursis de paiement sur le fondement des dispositions de l'article L.277 du livre des procédures fiscales ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 mai 2001 en tant que, statuant sur la contestation de la société Micro Leader Business dirigée contre ces avis à tiers détenteur , il a fixé au 8 septembre 1999 la date à laquelle, en raison de la caducité de ces actes de poursuites , les impositions pour le recouvrement desquelles ils avaient été émis ont cessé d'être exigibles ;
Considérant d'une part qu'aux termes de l'article L.263 du livre des procédures fiscales: "L'avis à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des impositions privilégiées ...Il comporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article 43 de la loi n 91-650 du 9 juillet 1991"; que ce dernier article dispose que : "L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires ...";
Considérant d'autre part qu'aux termes de l'article L.277 du livre des procédures fiscales : "Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s'il n'a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ..." ;
Considérant en premier lieu qu'aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que le comptable chargé du recouvrement de l'impôt engage des poursuites par la voie d'avis à tiers détenteur notifiés au débiteur du contribuable pour avoir paiement de l'impôt dès la date où celui-ci devient exigible ; que la notification d'un avis à tiers détenteur par le comptable emporte, dès réception de celui-ci par son destinataire, attribution immédiate au profit du Trésor, à concurrence du montant de l'imposition, de la créance disponible entre les mains du tiers saisi ; que cet effet d'attribution immédiate prévu par l'article L.263 du livre des procédures fiscales, qui est l'unique effet de l'avis à tiers détenteur, le comptable ne pouvant exiger le paiement de la créance saisie avant l'expiration du délai de contestation de cet avis ou avant l'issue d'une contestation engagée dans le délai légal, s'oppose à ce qu'un avis à tiers détenteur notifié au débiteur du contribuable avant que le contribuable ait pu faire usage du droit qu'il tient de l'article L.277 du livre des procédures fiscales précité de demander le sursis de paiement de l'impôt, soit regardé comme caduc du seul fait de la présentation ultérieure d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement ;
Considérant toutefois en second lieu que l'effet attributif attaché à l'avis à tiers détenteur par les dispositions de l'article L.263 du livre des procédures fiscales ne saurait faire obstacle ni à ce que le contribuable obtienne le sursis de paiement lorsque le comptable a préalablement diligenté des mesures d'exécution telles qu'un avis à tiers détenteur ni à ce que, dès l'obtention du sursis, la propriété des sommes entrées dans le patrimoine de l'Etat et qui doivent, le cas échéant, être regardées à hauteur des montants saisis comme valant consignation au sens de l'article L.279 du livre des procédures fiscales soit restituée au contribuable ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que si le contribuable qui, une fois l'impôt rendu exigible, a fait l'objet de poursuites sous forme d'avis à tiers détenteur conserve le droit d'obtenir le sursis de paiement pourvu qu'il en remplisse les conditions, il ne peut en revanche prétendre que la seule présentation d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement rendrait caduc un avis à tiers détenteur délivré antérieurement ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour déclarer caduques les poursuites effectuées par voie d'avis à tiers détenteur et en déduire dans les motifs de son jugement que la société Micro Leader Business était en droit de demander la décharge de l'obligation de payer la somme de 1.299.039 F, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce que la société Micro Leader Business avait déposé le 8 septembre 1999 une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement ; qu'il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal, en fixant au 8 septembre 1999 - date de réception par l'administration de la réclamation de la société- la date à compter de laquelle la somme de 1.299.039 F visée par les avis à tiers détenteur du 3 septembre 1999 avait cessé d'être exigible, a entendu décharger la société de l'obligation de payer ladite somme ;
Sur les conclusions de la société Micro Leader Business tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société Micro Leader Business la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 mai 2001 est annulé.
Article 2 : La contestation formée par la société Micro Leader Business à la suite des avis à tiers détenteur du 3 septembre 1999 ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.