(3ème chambre A)
VU enregistrée au greffe de la cour le 16 juillet 1999 la requête présentée pour Mme Yvette Z..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; Mme Z... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9409476/6 en date du 6 avril 1999 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à lui verser, à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C, la somme de 125.000 F ;
2 ) de condamner l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris à lui verser l'ensemble des sommes qu'elle a demandées devant le tribunal administratif en réparation de ses différents préjudices ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2001 :
- le rapport de M. PIOT, premier conseiller,
- les observations du cabinet X..., avocat, pour Mme Z... et celles du cabinet HOUDART, avocat, pour l'Etablissement français du sang,
- et les conclusions de M. DE SAINT GUILHEM, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'intervention de l'Etablissement français du sang :
Considérant que la décision à rendre sur la requête de Mme Z... est susceptible de préjudicier aux droits de l'Etablissement français du sang ; que, dès lors, l'intervention de cet établissement est recevable ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme Z... a, en mars 1987, subi une opération chirurgicale consistant en une reconstruction mammaire à l'hôpital Saint-Louis à Paris ; qu'à cette occasion, elle a reçu des transfusions de produits sanguins correspondant à trois concentrés globulaires et trois plasmas frais congelés ; qu'une hépatite C a été diagnostiquée chez elle en 1992 ; qu'elle fait appel du jugement du 6 avril 1999 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a limité la réparation de son préjudice, consécutif à cette contamination, à la somme de 125.000 F ; que, de son côté, l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris conteste, par la voie de l'appel incident, la mise en jeu de sa responsabilité ;
Considérant qu'en vertu de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de contrôle médical des prélèvements sanguins, du traitement, du conditionnement et de la fourniture aux utilisateurs des produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est ainsi confiée par la loi, qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les trois plasmas frais congelés administrés à Mme Z... lors de son hospitalisation à l'hôpital Saint-Louis, en 1987, avaient été préparés par le réseau transfusionnel de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris ; que les donneurs n'ayant pu être soumis à un test de séropositivité, l'innocuité de ces produits n'a pas été établie ; que, par suite, et en l'absence de facteur de risque propre à la victime, c'est à bon droit, et sans irrégulièrement inverser la charge de la preuve, que les premiers juges ont considéré que le lien de causalité entre ces transfusions et la contamination dont a été victime Mme Z... devait être regardé comme établi ; que si l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris fait valoir que les concentrés globulaires administrés à Mme Z... durant son séjour à l'hôpital Saint-Louis ont été élaborés et livrés par le Centre national de transfusion sanguine, personne privée, cette circonstance n'est pas de nature à faire échec à la mise en jeu de la responsabilité de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris dès lors que, en présence comme co-auteurs éventuels du dommage de personnes privées dont la responsabilité ne peut être recherchée que devant le juge judiciaire, la personne publique dont le requérant demande la condamnation doit supporter la réparation de l'intégralité du préjudice subi, à charge pour elle, si elle s'y croit fondée, de mettre en cause devant le juge compétent la personne qu'elle estime conjointement responsable de la contamination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des dommages subis par Mme Z... du fait de la contamination de celle-ci par le virus de l'hépatite C ;
Sur les préjudices :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale déposé par le docteur Y..., qu'après avoir bénéficié d'un traitement entre 1993 et 1995, Mme Z... est atteinte d'une hépatite chronique C active avec "score histologique faible" ; que les multiples prélèvements sanguins subis au cours du traitement et les deux biopsies hépatiques dont elle a fait l'objet ont été, pour elle, à l'origine de douleurs physiques ; qu'elle subit des troubles dans ses conditions d'existence du fait d'un état d'anxiété qui doit être rattaché à sa contamination ; que, dans les circonstances de l'affaire, c'est à bon droit que les premiers juges ont évalué l'ensemble des préjudices ainsi décrits à la somme de 125.000 F ; que, par suite le jugement doit être confirmé sur ce point ainsi que sur le rejet de la demande de la requérante tendant à la réparation du préjudice financier allégué dont il n'est pas établi, par les pièces versées au dossier en appel, qu'il serait la conséquence directe de la contamination ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme Z... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme Z..., par application des mêmes dispositions, à payer à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris la somme que cet établissement demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'intervention de l'Etablissement français du Sang est admise.
Article 2 : La requête de Mme Z... et l'appel incident de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.