(2ème chambre B)
VU la requête, enregistrée le 23 décembre 1996 au greffe de la cour, présentée pour M. Hervé X..., demeurant ..., par Maître Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9101475-9300315/2 en date du 20 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1986, 1987 et 1988, dans les rôles de la commune de Meudon, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de le décharger des impositions contestées ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser 15.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code de justice administrative ;
VU la loi n 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes ;
VU la loi n 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2001 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X... a contesté les compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1986 à 1988, à raison de ses parts de copropriété des navires "Prince Z...", "Blushing Groom" et "Bold Lad", en conséquence, d'une part, de la réintégration dans ses bases d'imposition, sur le fondement des dispositions de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, de la dotation d'amortissement qu'il avait déduite de ses bénéfices industriels et commerciaux et, d'autre part, de la remise en cause par le service de la déduction pour investissements productifs réalisés dans les départements d'outre-mer qu'il avait imputée sur ses résultats imposables en application du I de l'article 238 bis HA alors applicable du même code ; que par un jugement en date du 20 juin 1996, le tribunal administratif de Paris a donné satisfaction à la demande de M. X... tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu procédant du premier de ces chefs de redressement pour ce qui concerne les années 1986 et 1987, par un motif tiré de l'insuffisance de motivation sur ce point de la notification de redressement en date du 2 juin 1989, mais a rejeté le surplus de sa demande ; que M. X... fait appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a ainsi été donné que satisfaction partielle ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 8 novembre 2000, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du département des Hauts-de-Seine Sud a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 80.523 F et 22.578 F en droits et de 14.493 F en pénalités, des compléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. X... au titre des années 1986 et 1987 ; que par une seconde décision, en date du 21 février 2001, la même autorité a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 74.703 F en droits et 4.125 F en pénalités, du complément d'impôt sur le revenu assigné au contribuable au titre de l'année 1988 ; que les conclusions de M. X... tendant à la décharge desdites impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur les impositions demeurant en litige :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales : "Les procédures ... de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie ... des bénéfices industriels et commerciaux ... sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la notification en date du 2 février 1990, par laquelle le vérificateur a communiqué au contribuable les rectifications qu'il se proposait d'apporter aux déclarations, souscrites par ce dernier, relatives aux revenus qui, provenant de l'exercice par celui-ci de l'activité de location de navires dont il détenait des parts de copropriété, sont taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, était libellée au nom de "M. ou Mme X...", cette circonstance n'est pas constitutive d'une violation des dispositions précitées de l'article L. 54 du livre des procédures fiscales et n'a pu affecter la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard du contribuable, auquel cette notification est bien parvenue et sur la portée de laquelle il ne s'est au demeurant nullement mépris ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification susmentionnée, en date du 2 février 1990, par laquelle le vérificateur a communiqué au contribuable les redressements qu'il se proposait d'apporter à ses bases d'imposition de l'année 1988 à l'impôt sur le revenu, comportait, outre la mention des éléments de droit et de fait permettant à ce dernier d'apprécier la remise en cause de la déduction pour investissement en outre-mer prévue par le I de l'article 238 bis HA du code général des impôts, l'indication de la règle, contenue à l'article 31 de l'annexe II au même code, que le vérificateur entendait lui opposer, et précisait, en faisant référence aux montants des produits et des charges que le contribuable avait indiqués dans les déclarations de bénéfices industriels et commerciaux qu'il avait souscrites en sa qualité de détenteur de parts de copropriété des navires susmentionnés, les conséquences chiffrées de son application auxdits montants, laquelle se soldait nécessairement par la réintégration de la totalité des dotations d'amortissement qui avaient été effectuées par l'intéressé ; que si M. X... entend faire valoir que ces éléments chiffrés utilisés par l'administration fiscale pour pratiquer le redressement litigieux auraient été inexacts ou auraient reçu une qualification erronée, une telle argumentation ne concernerait pas la motivation de la notification de redressement mais le bien-fondé des impositions ; que l'absence de mention du montant des dotations d'amortissement remises en cause par le vérificateur ou encore de la règle du report, sur les années ultérieures, des amortissements pratiqués au cours d'une année déficitaire, n'affecte pas la validité de la notification de redressement ; qu'ainsi, M. X..., qui avait d'ailleurs parfaitement cerné les éléments du litige ainsi qu'il ressort de celles qu'il a formulées le 1er mars 1990, doit être regardé comme ayant été mis en mesure par ladite notification de présenter utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite notification de redressements serait irrégulière pour n'avoir pas satisfait aux dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ne peut qu'être rejeté ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que, compte tenu de la décharge prononcée par les premiers juges et des dégrèvements accordés par l'administration en cours d'instance d'appel, seul demeure en litige le redressement procédant de la remise en cause de la dotation d'amortissement au titre de l'année 1988 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 quater du code général des impôts : "Chaque membre des copropriétés de navire régies par le chapitre IV de la loi n 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu à raison de la part correspondant à ses droits dans les résultats déclarés par la copropriété" ; qu'en vertu de l'article 35-1 7 du même code, l'imposition se fait dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'aux termes de l'article 39 E du code : "Pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1978, chaque membre des copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires" ; qu'aux termes de l'article 61 A du code : "Les résultats à déclarer par les copropriétés de navires mentionnées à l'article 8 quater sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel, avant déduction de l'amortissement du navire" ; qu'aux termes de l'article 39 C du code général des impôts : "L'amortissement des biens donnés en location est réparti sur la durée normale d'utilisation suivant des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat" ; qu'aux termes de l'article 31 de l'annexe II à ce même code : "Si la location est consentie, directement ou indirectement, par une personne physique, le montant de l'amortissement ne peut excéder le montant du loyer perçu pendant l'exercice considéré diminué du montant des autres charges afférentes au bien donné en location" ;
Considérant qu'il résulte, d'une part, des dispositions insérées au chapitre IV de la loi susvisée n 67-5 du 3 janvier 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer et, en particulier, des articles 11 et 24 de cette loi, que les membres d'une copropriété de navire détiennent un droit de propriété direct sur celui-ci à proportion de leurs parts dans la copropriété, d'autre part, des dispositions, issues de l'article 73 de la loi de finances pour 1978 n 77-1467 du 30 décembre 1977, des articles 39 E et 61 A du code général des impôts qui énoncent, respectivement, que chaque membre des copropriétés de navires "amortit le prix de revient de sa part de propriété suivant les modalités prévues à l'égard des navires ..." et que les résultats à déclarer par les copropriétés de navires sont déterminés dans les conditions prévues pour les exploitants individuels soumis au régime du bénéfice réel "avant déduction de l'amortissement du navire", que les membres des copropriétés de navires amortissent eux-mêmes leur part de copropriété, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article 8 quater du même code, qui, bien qu'elles les soumettent personnellement à l'impôt sur le revenu "à raison de la part correspondant à (leurs) droits dans les résultats déclarés par la copropriété", n'ont ni pour objet, ni pour effet de les faire regarder comme les détenteurs de parts d'une société ; que le droit ainsi reconnu à chaque membre d'une copropriété de navire d'amortir sa part de copropriété ne peut toutefois s'exercer, lorsque le navire est donné en location, que dans la limite tracée par les dispositions, déjà citées, de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, issu de l'article 2 du décret n 65-1100 du 15 décembre 1965, dont les auteurs n'ont pas excédé les limites de l'habilitation législative donnée au pouvoir réglementaire par l'article 39 C du même code ni contredit les dispositions de l'article 39 B relatives au mode de comptabilisation des amortissements et non à leur déductibilité fiscale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la loi susvisée n 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritimes : "Par affrètement "coque nue", le fréteur s'engage, contre paiement d'un loyer, à mettre, pour un temps défini, à la disposition d'un affréteur, un navire déterminé, sans armement, ni équipement ou avec un équipement et un armement incomplets" ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. X... doit, en tant que membre des copropriétés des navires susmentionnés ayant signé un contrat d'affrètement "coque nue", être regardé comme ayant lui-même, avec les autres copropriétaires, donné en location ce navire et perçu, en proportion de sa part dans la copropriété, des revenus ayant le caractère de loyers ; que, dans ces conditions, M. X... n'est pas fondé à reprocher à l'administration de lui avoir opposé les dispositions précitées de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts ni, par suite, à demander la décharge du complément d'impôt sur le revenu demeurant en litige ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer à M. X... une somme de 8.000 F au titre des frais qu'il a exposés ;
Article 1er : A concurrence, d'une part, des sommes de 80.523 F et 22.578 F en droits et de 14.493 F en pénalités, d'autre part des sommes de 74.703 F en droits et 4.125 F en pénalités, en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre respectivement des années 1986 et 1987, et 1988, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à M. X... une somme de 8.000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.