(1ère Chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 novembre 1998, présentée pour Mlle Mary Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; Mlle Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 934354 en date du 18 septembre 1998 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite opposé par le ministre de l'intérieur à sa demande en date du 3 mars 1993 d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 24 décembre 1987 ;
2 ) d'annuler cette décision implicite ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le Traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 modifié notamment par le Traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 ;
VU l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 5 juillet 2000:
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour Melle Y...,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mlle Y..., ressortissante britannique, conteste le jugement du 18 septembre 1998 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à l'annulation du refus implicite du ministre de l'intérieur d'abroger l'arrêté du 24 décembre 1987 prononçant l'expulsion de la requérante ;
Considérant, d'une part, que si Mlle Y... a entendu exciper de l'illégalité de l'arrêté du 24 décembre 1987 prononçant son expulsion, celui-ci, qui n'a pas été contesté dans le délai du recours contentieux, est devenu définitif, comme l'a jugé le Conseil d'Etat dans une décision du 7 décembre 1992 ; que, par suite, l'illégalité de l'arrêté d'expulsion, qui constitue une décision individuelle, ne saurait être utilement invoquée par Mlle Y... au soutien de sa requête dirigée contre le rejet implicite de la demande d'abrogation de cet arrêté qu'elle a présentée à l'autorité administrative le 3 mars 1993 ;
Considérant, d'autre part, que la requérante soutient que l'arrêté ordonnant son expulsion serait devenu illégal à la suite de trois changements de circonstances postérieurs à son édiction ;
Considérant, en premier lieu, qu'à la date de la décision attaquée de refus d'abrogation de la mesure d'expulsion susdésignée, soit le 4 mai 1993, l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction issue de la loi n 89-548 du 2 août 1989, disposait que "sous réserve des dispositions de l'article 25, l'expulsion peut être prononcée par arrêté du ministre de l'intérieur si la présence sur le territoire français d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public" ; que si la rédaction de l'article 25 de l'ordonnance précitée, qui dresse la liste des catégories d'étrangers inexpulsables, a été également modifiée par l'intervention de la loi du 2 août 1989, Mlle Y... ne saurait utilement se prévaloir de ce changement dans les circonstances de droit pour soutenir que le ministre de l'intérieur avait l'obligation d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre sous l'empire d'un état antérieur de la législation relative à la police des étrangers, à savoir la loi n 86-1025 du 9 septembre 1986 ; qu'il appartenait seulement au ministre, saisi d'une demande d'abrogation, de déterminer si, en vertu de l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande d'abrogation, la présence de l'intéressée sur le territoire français présentait une menace grave pour l'ordre public ;
Considérant, en deuxième lieu, que Mlle Y... invoque l'arrêt du 21 février 1991 par lequel la cour d'appel de Riom l'a relaxée des fins de la poursuite pénale engagée contre elle pour retour illicite sur le territoire français le 8 décembre 1990, en déclarant illégal, nonobstant son caractère définitif, l'arrêté d'expulsion du 24 décembre 1987, au motif qu'il repose sur une application illégalement rétroactive de la loi du 9 septembre 1986 précitée aux délits commis par l'intéressée antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi et aux condamnations pénales dont elle avait fait l'objet également avant la promulgation de cette loi, plus sévère que la loi précédente n 81-973 du 29 octobre 1981 ; que, cependant, en refusant d'abroger l'arrêté prononçant l'expulsion de Mlle Y..., le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu la chose jugée par le juge pénal le 21 février 1991 dès lors qu'en dehors du cas où la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits servant de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'autorité administrative et au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que le juge répressif a retenues et qui sont le support nécessaire de sa décision ; que, par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Riom pour soutenir que le ministre était tenu d'abroger l'arrêté ordonnant son expulsion en raison du changement dans les circonstances que cet arrêt constituait ;
Considérant, en troisième lieu, que la requérante invoque l'intervention des articles 8 A et 8 C introduits dans le Traité instituant la Communauté européenne du 25 mars 1957 par le Traité sur l'Union européenne du 7 février 1992 et relatifs à l'institution d'une citoyenneté de l'Union et au droit de tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; que, cependant, ces stipulations communautaires n'imposaient pas à l'administration d'abroger l'arrêté d'expulsion si la présence sur le territoire français de Mlle Y... constituait une menace grave pour l'ordre public à la date à laquelle il était statué sur sa demande d'abrogation ;
Considérant, enfin, qu'il résulte des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'a commis aucune erreur d'appréciation en estimant, au vu de la gravité croissante des délits commis par l'intéressée de 1981 à 1986 et de son comportement asocial et violent et en l'absence de tout gage d'amendement, que la présence de la requérante en France constituait une menace grave pour l'ordre public ; qu'il a donc pu légalement refuser d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite de rejet de sa demande d'abrogation ;
Sur les conclusions de Mlle Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mlle Y... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de Mlle Y... est rejetée.