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06/07/2000 | FRANCE | N°97PA02827

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 06 juillet 2000, 97PA02827


(5ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 octobre 1997, présentée pour la société FRANCK ANNA, société anonyme dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société FRANCK ANNA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n° 9401025/2 en date du 13 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987 ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
VU les autres piè

ces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administ...

(5ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 octobre 1997, présentée pour la société FRANCK ANNA, société anonyme dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société FRANCK ANNA demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n° 9401025/2 en date du 13 mars 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987 ;
2 ) de prononcer la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 22 juin 2000 :
- le rapport de M. BOSSUROY, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a notamment notifié à la société FRANCK ANNA, qui exerce une activité de fabrication et de vente de vêtements, son refus d'admettre en déduction de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle était redevable au titre de la période du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987 les taxes portées sur un certain nombre de factures de travaux à façon ; que la société FRANCK ANNA fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a refusé de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué a répondu à l'ensemble des moyens soulevés par la requérante en première instance et indiqué de façon suffisamment précise les motifs sur lesquels il s'est fondé ; que le moyen tiré de ce que ledit jugement ne serait pas motivé doit dès lors être écarté ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; que les notifications adressées à la société FRANCK ANNA le 21 décembre 1987 et le 28 mars 1988 lui ont indiqué l'ensemble des motifs de droit et de fait des redressements litigieux ; qu'elles sont dès lors conformes aux prescriptions de l'article précité ;
Considérant, d'autre part, que la notification de redressements du 21 décembre 1987 a suffisamment informé la société de l'existence et de la teneur du procès-verbal en date du 14 mars 1988 sur lequel le vérificateur s'est notamment fondé pour refuser la déduction de la taxe figurant sur certaines factures comptabilisées en 1984 ; qu'il n'appartenait pas au service de communiquer cette pièce à la redevable en l'absence de toute demande de sa part ; que si les motifs de la décision de rejet de la réclamation de la société font référence à deux autres procès-verbaux en date du 17 mars 1987 et du 21 mars 1988, concernant des sociétés dont les factures ont été comptabilisées en 1986, il n'est ni établi, ni même allégué, la requérante soutenant au contraire que le vérificateur en ignorait l'existence, que les redressements auraient été fondés notamment sur ces documents et que, par suite, l'administration aurait dû mettre la redevable en mesure d'en demander communication avant la mise en recouvrement ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la prescription :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les notifications de redressements adressées à la société FRANCK ANNA sont suffisamment motivées ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que ces notifications de redressements seraient irrégulières pour défaut de motivation et n'auraient pu, en conséquence, interrompre la prescription du droit de reprise de l'administration, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant, qu'aux termes de l'article 272 du code général des impôts : "2. La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies à l'article 283-4 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu" ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 du même code : "Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée" ; qu'enfin, aux termes du 1 de l'article 223 de l'annexe II audit code : "La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures" ; que, sur le fondement de ces dispositions, l'administration refuse la déduction par la société FRANCK ANNA de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur un certain nombre de factures de travaux à façon, au motif que, si ces prestations ont effectivement été réalisées pour la redevable, elles ne l'ont pas été par les sociétés qui ont émis ces factures ;
Considérant que l'administration ne soutient pas que les sociétés qui ont émis les factures en cause n'auraient pas été inscrites au registre du commerce et des sociétés, ne se seraient pas présentées à leurs clients comme assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ni qu'il aurait été manifeste qu'elles n'auraient pas rempli les obligations les autorisant à faire figurer cette taxe sur leurs factures ; qu'il lui appartient, dès lors, d'établir qu'il s'agissait de factures de complaisance ;
Considérant que l'administration n'apporte aucun élément de preuve en ce sens pour ce qui concerne les factures émises par les sociétés Eric, Hua Tong et Jan Lui, sur lesquelles figurait un montant total de taxe sur la valeur ajoutée de 78.850,37 F ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la réduction à due concurrence des droits et pénalités mis à la charge de la société FRANCK ANNA ;

Considérant, en revanche, qu'en se référant aux arrêts de la cour d'appel de Paris du 19 mars 1987 et du 20 septembre 1989 selon lesquels, respectivement, les sociétés SMR et Virginie Y... se sont livrées à l'émission de factures de complaisance, et en indiquant que la société King's Confection a employé deux personnes pendant les deux premiers mois de son activité seulement et que la société Sojutex n'a jamais eu d'activité officielle de façonnage, l'administration apporte des indices sérieux de ce que ces entreprises n'ont pas réalisé elles-mêmes les travaux facturés à la société FRANCK ANNA ; que celle-ci, en se bornant pour sa part à faire valoir, de façon générale, que rien n'interdisait à ces sociétés de faire effectuer une partie des travaux par leurs propres sous-traitants, n'apporte aucun commencement de preuve de ce que les travaux facturés ont été réellement effectués par ou pour le compte des quatre sociétés précitées ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de ce que les factures remises à la requérante au nom des sociétés SMR, Virginie Y..., King's Confection et Sojutex constituaient des factures de complaisance ; qu'en faisant valoir par ailleurs, sans être contredite, que la plupart de ces factures mentionnaient seulement le nombre de pièces façonnées sans en préciser la nature, que la redevable n'a pu présenter ni bon de commande ou de livraison, ni registre des confiés, ni donner l'identité des personnes prenant en charge des marchandises ou apportant les factures, ni indiquer le numéro de téléphone de l'atelier où étaient assemblées les pièces, et que, pour certaines de ces factures, contrairement aux usages de la profession, aucun acompte n'avait été versé et le paiement effectué seulement vingt jours après la livraison, l'administration apporte également la preuve que la société FRANCK ANNA ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de factures de complaisance ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.80 E du livre des procédures fiscales : " La décision d'appliquer les majorations prévues à l'article 1726 du code général des impôts, lorsque la mauvaise foi est établie ou lorsque le contribuable s'est rendu coupable de man uvres frauduleuses, est prise par un agent ayant au mois le grade d'inspecteur principal qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités " ; que la lettre en date du 24 mai 1988 comportant la motivation des pénalités de mauvaise foi infligées à la société FRANCK ANNA a été visée par un inspecteur principal ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que les notifications de redressements soient également visées par un inspecteur principal ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable" ; que, par la lettre du 24 mai 1988 précitée, l'administration a suffisamment motivé les pénalités de mauvaise foi mises à la charge de la requérante ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L.189 du livre des procédures fiscales : " La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L.188 est interrompue par la mention portée sur la notification de redressements qu'elles pourront être éventuellement appliquées " ; que la notification de redressements afférente à l'année 1984, reçue par la société le 22 décembre 1987, indiquait que les droits résultant de ces redressements pourraient être assortis de sanctions fiscales, et notamment de pénalités de mauvaise foi ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, cette indication a eu pour effet d'interrompre la prescription des pénalités afférentes aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période de l'année 1984, même s'il s'agissait d'une mention imprimée ne faisant pas spécifiquement référence à la situation de l'entreprise concernée ;
Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts, en application desquelles des pénalités de mauvaise foi ont été infligées à la société FRANCK ANNA, qui proportionnent les sanctions selon les agissements commis par le redevable et prévoient des taux de majorations différents selon la qualification qui peut être donnée aux agissements de celui-ci, sont compatibles avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en cinquième lieu, que la mauvaise foi de la société est établie dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société ne pouvait ignorer que les factures émises au nom des sociétés SMR, Virginie Y..., King's Confection et Sojutex constituaient des factures de complaisance ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FRANCK ANNA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de réduire le rappel de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987 à concurrence de 78.850,37 F de droits en principal ;
Article 1er : Le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société FRANCK ANNA au titre de la période du 1er janvier 1984 au 30 septembre 1987 est réduit à concurrence de 78.850,37 F en droits en principal et des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris n 9401025/2 en date du 13 mars 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA02827
Date de la décision : 06/07/2000
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CONDITIONS DE LA DEDUCTION.


Références :

CGI 272, 283, 1729-1
CGI Livre des procédures fiscales L57, L80 E, L80 D, L189


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOSSUROY
Rapporteur public ?: M. HAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-07-06;97pa02827 ?
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