La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2000 | FRANCE | N°99PA02663

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 04 juillet 2000, 99PA02663


(4ème chambre A)
VU la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la cour les 9 août, 8 et 27 octobre 1999 présentés pour les HERITIERS DE Mme A... représentés par la SCP de CHAISEMARTIN- COURJON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; ils demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1999 qui a rejeté leur demande qui tendait à l'annulation de la décision du ministre de la culture, en date du 4 septembre 1996, refusant à Mme A... le certificat destiné à l'exportation

du tableau de Paul Z... "portrait de Vallier" ;
2 ) d'annuler la décis...

(4ème chambre A)
VU la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la cour les 9 août, 8 et 27 octobre 1999 présentés pour les HERITIERS DE Mme A... représentés par la SCP de CHAISEMARTIN- COURJON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; ils demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1999 qui a rejeté leur demande qui tendait à l'annulation de la décision du ministre de la culture, en date du 4 septembre 1996, refusant à Mme A... le certificat destiné à l'exportation du tableau de Paul Z... "portrait de Vallier" ;
2 ) d'annuler la décision du 4 septembre 1996 susvisée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU le réglement CEE n 3911/12 du 9 décembre 1992 ;
VU la loi n 92-1477 du 31 décembre 1992 ;
VU la décret n 93-123 du 29 janvier 1993 ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 20 juin 2000 :
- le rapport de M. AUPOIX, premier conseiller,
- les observations de Me de Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme X... et autres et celles de M. C..., pour la ministre de la culture et de la communication,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par une demande en date du 6 mai 1996, Mme A... a sollicité du ministre de la culture, sur le fondement de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1992 susvisée, l'autorisation d'exporter le tableau de Paul Z... intitulé "portrait de Vallier" ; que par une décision en date du 4 septembre 1996, prise après avis de la commission prévue à l'article 7 de la même loi, le ministre de la culture a opposé un refus à cette demande ; que les HERITIERS DE Y... demandent à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1999 qui a rejeté la demande qui tendait à l'annulation de la décision ministérielle du 4 septembre 1996 précitée ;
Sur l'exception de non -lieu :
Considérant que si, par une décision du 11 janvier 2000, la ministre de la culture et de la communication a délivré à la succession DE Y... le certificat pour l'exportation du bien en litige, une telle décision demeure sans influence sur la décision de refus attaquée, qui a produit des effets de droit ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter l'exception de non-lieu à statuer ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les requérants soutiennent que le jugement attaqué est insuffisamment motivé eu égard à l'argumentation précise et détaillée qu'ils avaient developpée dans leur mémoire enregistré au greffe du tribunal le 20 mai 1998 ; qu'en se bornant à indiquer que la décision ministérielle en litige était motivée "par le fait qu'il s'agit d'un grand chef-d'oeuvre de Z... et d'une des dernières "effigies "monumentales peintes par l'artiste à la fin de sa vie et par son importance pour le patrimoine national" les premiers juges ont, dans les circonstances de l'espèce, insuffisamment motivé leur jugement ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler ledit jugement qui est entaché d'irrégularité ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme de Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que la requérante soutient que la désignation de M. B..., directeur du musée d'Orsay, méconnaitrait le principe d'impartialité qui s'attache au fonctionnement des instances consultatives placées auprès de l'administration ; que, toutefois, aux termes du premier alinéa de l'article 3 du décret du 29 janvier 1993 susvisé : "L'examen de chaque demande de certificat est confié par le ministre chargé de la culture à une ou plusieurs personnes qui apprécient l'interêt historique, artistique ou archéologique du bien. Cet examen donne lieu à l'établissement d'un rapport scientifique joint au dossier" ; qu'en vertu de l'article 5 du même décret, outre son président, membre du Conseil d'Etat, nommé pour quatre ans par décret, la commission chargée de rendre un avis au ministre comprend onze membres dont six membres de droit : le directeur général des Archives de France, le directeur du livre et de la lecture, le directeur du patrimoine, le directeur des musées de France, le délégué aux arts plastiques, le directeur de la recherche et des études doctorales du ministère de l'éducation nationale ainsi que cinq personnalités qualifiées nommées par arrêté du ministre chargé de la culture ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions réglementaires susrappelées, qu'en choisissant de confier l'examen de la demande de délivrance de certificat en litige à un fonctionnaire du ministère de la culture ayant la qualité de directeur du musée d'Orsay, le ministre n'a pas, eu égard, d'une part, aux connaissances professionnelles et aux fonctions exercées par un tel fonctionnaire, d'autre part, à la circonstance que le rapporteur ainsi désigné ne participe pas au délibéré de ladite commission, qui ne rend par ailleurs qu'un avis au ministre, et enfin à la composition de cette commission, porté, dans les circonstances de l'espèce, atteinte au principe d'impartialité ;
Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que le rapport établi le 2 septembre 1996 par M. B... et soumis à l'examen de la commission de spécialistes chargée de donner son avis au ministre, serait entaché de partialité ; que le fait que ledit rapport est intitulé "rapport pour la commission de refus du certificat" alors que la commision n'est saisie par le ministre que si ce dernier envisage d'opposer un refus à la demande de certificat et la circonstance, à la supposer avérée, que ce rapport contiendrait des mentions inexactes sur les effigies monumentales de Z... détenues par les collections nationales ne suffisent pas à établir que son auteur aurait porté sciemment une appréciation erronée sur le caractère de trésor national de l'oeuvre en cause et a, par suite, méconnu le principe d'impartialité ;
Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que les dispositions issues du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1992 susvisée qui dispose :"En cas de refus du certificat, les demandes présentées pour le même bien sont irrecevables pendant une durée de trois ans ( ...)" ne seraient pas conformes à l'article 2 du règlement CEE n 39/11/12 du 9 décembre 1992 qui dispose : " L'autorisation d'exportation peut être refusée, aux fins du présent règlement, lorsque les biens culturels en question sont couverts par une législation protégeant des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique dans l'Etat membre concerné" ; que toutefois, le statut provisoire ainsi conféré pendant une durée de trois années à un bien culturel qui se voit reconnaître la valeur de trésor national, n'est pas incompatible, eu égard à la durée limitée dans le temps de l'atteinte portée au droit de propriété, avec le règlement communautaire susvisé ;
Considérant, en deuxième lieu, que les requérants soutiennent que la législation issue de la loi du 31 décembre 1992 et notamment son article 9 dont il a été fait application par le ministre en l'espèce, serait incompatible avec l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui stipule : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international-Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage de biens conformément à l'intérêt général ( ...) ;
Considérant que si les stipulations ci-dessus reproduites ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent au législateur une marge d'appréciation étendue en particulier pour mener une politique de protection du patrimoine culturel, tant pour choisir les modalités de mise en oeuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'interêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi ;
Considérant que si l' article 9 de la loi du 31 décembre 1992 susrappelée prévoit, d'une part, que le bien qui fait l'objet d'un refus de certificat d'exportation ne peut faire l'objet d'une nouvelle demande avant un délai de trois années et, si d'autre part, aucune indemnité durant cette période triennale n'est prévue au profit de son détenteur, cet article n'est pas incompatible, eu égard à la durée limitée dans le temps de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété et au fait qu'à l'expiration dudit délai le bien redevient exportable ou fait l'objet d'une mesure de classement par l'Etat, avec les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il y a lieu, en conséquence d'écarter ce deuxième moyen ;

Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1992 : "Le certificat ne peut être refusé qu'aux biens culturels présentant le caractère de trésor national" et qu'aux termes de l'article 4 de la même loi : "les biens appartenant aux collections publiques ( ...) ainsi que les autres biens qui présentent un intérêt moyen pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie sont considérés comme trésors nationaux" ; qu'il ressort des pièces du dossier, que le tableau en litige est particulièrement représentatif de la dernière expression artistique de Z... et qu'il constitue une des dernières "effigies " monumentales peintes par l'artiste ; que, d'une part, le fait souligné par les requérants tiré de ce que les collections nationales détiennent déjà d'autres effigies monumentales proches de la conception de cette oeuvre comme la "Femme à la cafetiére" exécutée vers 1895 ou le portrait d'Ambroise D... et, d'autre part, la circonstance que Mme DE Y... ait fait don aux collections nationales de plusieurs oeuvres de Cézannne, ne sauraient faire perdre à ladite oeuvre son caractère de trésor national au sens des dispositions précitées ; que, par suite, la décision attaquée n'est entachée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit ;
Considérant, en quatrième lieu, que les requérants soutiennent que la décision attaquée est entachée d'erreur de droit comme étant motivée, en méconnaissance de la loi du 31 décembre 1992 susvisée, par la valeur patrimoniale reconnue à ce tableau ; que toutefois, contrairement à ce que font valoir les requérants, le ministre, en se réferant à cet adjectif, a entendu se fonder sur l'intérêt artistique et historique que présente cette oeuvre pour le patrimoine national et nullement sur sa valeur financière sur le marché de l'art ;
Considérant, en dernier lieu, que contrairement à ce qu'affirment les requérants, le ministre n'a pas justifié sa décision par les impératifs d'acquisition des musées nationaux ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le ministre de la culture et de la communication a refusé à Mme DE Y... le certificat destiné à l'exportation du tableau de Paul Z... "portrait de Vallier" ;
Article 1er : Le jugement n 9616664/7 du tribunal administratif de Paris en date du 30 juin 1999 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme DE Y... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 99PA02663
Date de la décision : 04/07/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

01-03-02-06 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - FORME ET PROCEDURE - PROCEDURE CONSULTATIVE - COMPOSITION DE L'ORGANISME CONSULTE


Références :

Décret 93-123 du 29 janvier 1993 art. 3, art. 5
Loi 92-1477 du 31 décembre 1992 art. 5, art. 7, art. 9, art. 4


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. AUPOIX
Rapporteur public ?: M. BROTONS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-07-04;99pa02663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award