(2ème chambre)
VU le recours, enregistré le 7 mai 1996 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la cour :
1 ) d'annuler l'article 1er du jugement n 9211282/2 et 9211241/2 du tribunal administratif de Paris en date du 26 octobre 1995 en tant qu'il a accordé à la S.A. Général Motors France décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui avaient été assignés, à concurrence d'un montant en droits de 9.247.398 F en ce qui concerne l'année 1987 et de 12.938.201 F en ce qui concerne l'année 1988 ;
2 ) de remettre les impositions susmentionnées à la charge de la S.A. Général Motors France en droits et pénalités ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2000 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société Général Motors,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la S.A. Général Motors France a contesté devant le tribunal administratif de Paris les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988, à la suite d'une vérification de sa comptabilité, en raison de la remise en cause par l'administration de la déduction opérée de la taxe afférente aux frais d'acquisition, d'entretien et de réparation de véhicules de service ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES fait appel du jugement en date du 26 octobre 1995 par lequel le tribunal a fait droit à la demande de la société et lui a accordé décharge de l'imposition contestée ;
Sur la nature des véhicules concernés :
Considérant que, par véhicules d'occasion, il convient d'entendre les véhicules qui, sortis de leur cycle de production par suite d'une vente ou d'une livraison à soi-même réalisée par un producteur, ont fait l'objet d'une utilisation, mais sont encore propres à être employés, soit en l'état, soit après réparation ; qu'il résulte de l'instruction que les véhicules qui ont donné lieu au rappel contesté ont été achetés aux constructeurs par la S.A. Général Motors France, laquelle les a mis, pour les besoins de l'exercice de sa double activité de négoce d'automobiles et de fabrication de pièces détachées, à la disposition de ses cadres et dirigeants ainsi que des membres de son service commercial ; qu'il n'est pas contesté par le ministre que ces véhicules avaient une durée d'utilisation par l'entreprise très inférieure à un an et étaient systématiquement remplacés tous les 10.000 km ; qu'il suit de là que ces biens, eu égard aux conditions susindiquées de leur acquisition et de leur utilisation par la société, doivent être regardés comme ayant été au moment de leur revente des véhicules d'occasion et, d'autre part, qu'ils n'ont pas constitué, eu égard à leur durée d'utilisation et à l'objet même du négoce de la société, contrairement à ce que soutient le ministre, des éléments durables d'exploitation au sens des dispositions de l'article 261-3-1 du code général des impôts, lesquelles exonèrent de la taxe sur la valeur ajoutée les opérations de revente des biens usagés utilisés pour les besoins de l'exploitation, mais ont fait partie du stock de l'entreprise ;
Sur le principe de la déduction de taxe litigieuse :
Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : "Sont également soumises à la taxe sur le valeur ajoutée : ... Les prélèvements, utilisations, affectations de biens achetés, importés, extraits, fabriqués ou transformés par les assujettis ainsi que les prestations de services qu'ils effectuent lorsque ces opérations sont faites pour des besoins autres que ceux de l'entreprise et, notamment pour les besoins de ses dirigeants, de son personnel ou de tiers, pour les besoins d'une activité non imposable ou pour les besoins d'une activité imposable si le droit à déduction de la taxe afférente au bien ou au service peut faire l'objet d'une exclusion, d'une limitation ou d'une régularisation ..." ; qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts pris en application de l'article 273-2 de ce code relatif aux exclusions ou aux restrictions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction ...." ; que l'article 241 de cette annexe prévoit que "Les services de toute nature afférents à des biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction. "; qu'enfin aux termes de l'article 232 de la même annexe : Les entreprises qui vendent des articles d'occasion ne peuvent opérer la déduction de la taxe ayant grevé ces biens que dans la mesure où elles acquittent l'impôt sur le prix total versé par l'acquéreur ... ;
Considérant que si les dispositions combinées des articles 257-8 du code et 237 et 241 de son annexe II font obstacle à la déduction, pendant toute la durée de l'utilisation par l'entreprise des véhicules de service en cause, de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais d'acquisition, d'entretien et de réparation s'y rapportant, les dispositions de l'article 232 de l'annexe II, dans le champ d'application duquel ces véhicules, éléments du stock de l'entreprise et biens d'occasion ainsi qu'il a été dit ci-dessus, entrent nécessairement, autorisent en revanche une telle déduction lors de leur revente, à la condition que la taxe sur la valeur ajoutée ait été à cette occasion facturée sur le prix de vente total du véhicule ;
Considérant qu'il résulte des affirmations de la société requérante, qui ne sont pas contredites par le ministre, que les frais d'entretien et de réparation en litige ont été exposés pour la revente des véhicules de service dont il s'agit ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif, se fondant sur les dispositions précitées de l'article 232 de l'annexe II au code général des impôts, a reconnu à la S.A. Général Motors France le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente tant à ces frais qu'au prix d'acquisition des véhicules en cause ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à la S.A. Général Motors France la décharge qu'elle sollicitait ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.