(2ème chambre B)
VU le recours, enregistré le 28 mars 1996 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9107716/2 en date du 17 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société de droit suisse Interhome AG des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
2 ) de remettre à la charge de la société Interhome AG les cotisations précitées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2000 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations de M. X..., pour la société Interhome AG,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : "I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ..." ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : "1) Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement ..." ; qu'aux termes de l'article 5 de cette convention : 1) Au sens de la présente convention, l'expression "établissement stable" désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) L'expression "établissement stable" comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière, ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois ... 4) Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme "établissement stable" dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise ... 7) Le fait qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant contrôle ou est contrôlée par une société qui est un résident de l'autre Etat contractant ou qui y exerce son activité (que ce soit par l'intermédiaire d'un établissement stable ou non) ne suffit pas, en lui-même, à faire de l'une quelconque de ces sociétés un établissement stable de l'autre ..." ;
Considérant que la société Interhome AG, dont le siège est en Suisse, reçoit mandat de propriétaires de logements meublés de les faire figurer dans un guide de vacances qu'elle diffuse dans toute l'Europe et d'en assurer la location saisonnière pour leur compte ; qu'elle dispose, en ce qui concerne ceux de ces biens immobiliers situés en France, de deux filiales à 98 %, la société à responsabilité limitée Interhome, laquelle, ayant le statut d'agent de voyages, assure la réception des réservations et l'encaissement du prix des séjours, et la société à responsabilité limitée Interhome Gestion, qui est agent immobilier et principalement chargée de la gestion des locations saisonnières, toutes deux sociétés étant imposées en France à raison des rémunérations perçues de leur société-mère ou de la clientèle ; que l'administration a regardé comme également imposables en France les bénéfices que ladite société-mère requérante a tirés, sous la forme de commissions perçues sur les loyers, des locations consenties dans ce pays ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des stipulations des contrats conclus entre les propriétaires des logements et la société Interhome AG que cette dernière disposerait sur ces biens, dont elle se borne à assurer la location sans en avoir l'usage, d'autres droits que ceux impliqués par un simple mandat d'intermédiaire, ni qu'ils seraient susceptibles de constituer le siège d'une quelconque activité de l'intéressée ; qu'ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que les 4.500 logements constituant le parc permettant les locations réalisées en France par la société Interhome AG constitueraient autant d'installations fixes d'affaires au sens du 1) de l'article 5 précité de la convention fiscale franco-suisse ;
Considérant, en second lieu, que si l'administration soutient que, par delà son indépendance juridique, la société à responsabilité limitée Interhome Gestion n'agirait que sur ordre et pour compte de sa société-mère de droit suisse et, assurant, par l'intermédiaire de bureaux répartis sur l'ensemble du territoire français, une prestation de caractère global la rendant "présente du début à la fin de la chaîne qui aboutit à la location des logements", exercerait "tous les pouvoirs relatifs à l'exécution du contrat liant sa société-mère aux propriétaires des résidences", la société suisse avance de son côté, sans être contestée, que sa filiale ne disposait pas du pouvoir de conclure en son nom les contrats de mandat de location avec les propriétaires ; que, dès lors, et sans qu'y puisse faire obstacle l'importance, selon le service, du pourcentage qu'elle prélevait à titre de rémunération sur le prix des locations, ni la circonstance qu'elle versait à la société à responsabilité limitée Interhome Gestion une subvention d'équilibre, la société Interhome AG ne peut être regardée comme ayant disposé, avec cette dernière société, d'un établissement stable en France, au sens des articles 5 et 7 de la convention fiscale précitée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à la société Interhome AG la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles celle-ci avait été assujettie en France au titre des années 1984, 1985 et 1986 ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie et des finances est rejeté.