(1ère Chambre A)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 août 1999, présenté pour le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 98164-98168-98173 en date du 22 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Melun a, à la demande de M. Jaureguizuria X..., annulé une décision du 22 août 1997 par laquelle il aurait "remis" ce dernier entre les mains de forces de sécurité espagnoles ;
2 ) de rejeter la demande de M. Jaureguizuria X... présentée devant le tribunal administratif de Melun ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 16 mai 2000 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MASSIAS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par deux arrêtés du 22 août 1997, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a respectivement prononcé l'expulsion de M. Jaureguizuria X..., ressortissant basque espagnol et membre de l'ETA militaire, et désigné l'Espagne comme pays de renvoi ; que M. Jaureguizuria X... a indiqué, devant le tribunal administratif de Melun, qu'il contestait "la décision d'éloignement vers l'Espagne et de remise entre les mains des forces de sécurité espagnoles" et précisé ultérieurement qu'il attaquait "la décision prise le 22 août 1997 par le ministre de l'intérieur fixant l'Espagne comme pays de renvoi" ainsi que "la décision de remise de l'intéressé aux forces de sécurité espagnoles" ; que par un jugement en date du 22 juin 1999 le tribunal a fait droit à ces dernières conclusions en annulant la décision en date du 22 août 1997 "en tant qu'elle remet M. Jaureguizuria X... entre les mains des forces de sécurité espagnoles" ; que le MINISTRE DE L'INTERIEUR conteste ce jugement en faisant valoir qu'il distingue à tort, au sein de l'arrêté fixant le pays de renvoi, une telle décision de "remise" ;
Considérant que les modalités d'exécution d'office des deux arrêtés ci-dessus mentionnés du 22 août 1997, au nombre desquelles figure notamment la conduite, sous escorte policière, de l'intéressé à la frontière franco-espagnole, ne constituent pas une décision distincte de ces deux actes, susceptible d'être contestée séparement de ceux-ci ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que la demande présentée par M. Jaureguizuria X... devant les premiers juges doit être interprétée comme dirigée exclusivement contre l'arrêté ministériel du 22 août 1997 fixant le pays d'origine de l'intéressé comme pays de renvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.94 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, " la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ... " ;
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR a opposé à la demande présentée par M. Jaureguizuria X... devant le tribunal administratif une fin de non recevoir tirée de ce qu'elle n'était pas accompagnée de la décision que celui-ci attaquait ; que, par une lettre du 2 octobre 1997 adressée au tribunal qui l'avait invité à régulariser sa demande, l'intéressé a soutenu qu'il ne détenait aucun exemplaire de cette décision ; que le procès-verbal de notification du 23 août 1997 produit devant le tribunal administratif par l'administration, qui a été établi par deux agents de police judiciaire et dont le contenu n'est pas critiqué par M. Jaureguizuria X..., mentionne toutefois, d'une part, qu'un "exemplaire officiel (ampliation)" de l'arrêté ministériel du 22 août 1997 décidant que celui-ci serait reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, lui a été remis, d'autre part, que M. Jaureguizuria X... a refusé de signer ce procès-verbal ; que l'intéressé, qui ne fait pas valoir que l'administration aurait opposé un refus à une demande par laquelle il aurait sollicité la délivrance d'une copie de ladite décision, ne peut être regardé comme ayant justifié de l'impossibilité pour lui de produire la décision attaquée ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Melun a écarté la fin de non recevoir qu'il avait opposée à la demande de M. Jaureguizuria X... ; qu'ainsi, ce jugement doit être annulé et la demande présentée par M. Jaureguizuria X... devant le tribunal administratif de Melun rejetée ;
Sur les conclusions de M. Jaureguizuria X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Jaureguizuria X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 22 juin 1999 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Jaureguizuria X... devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.