(4ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée le 30 décembre 1997, présentée pour la COMMUNE DE CRETEIL, dûment représentée par son maire en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la COMMUNE DE CRETEIL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 971633 du 7 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en date du 1er avril 1997 de son maire déclarant en état de péril imminent l'immeuble situé au ... appartenant à Mme Z... ;
2 ) de rejeter la demande présentée par Mme Z... devant le tribunal administratif de Melun ;
3 ) de condamner Mme Z... à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des collectivités territoriales ;
VU le code de la construction et de l'habitation ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 11 mai 2000 :
- le rapport de Mme MILLE, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour Mme Z..., . - et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, pour annuler l'arrêté de péril imminent du 1er avril 1997, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que la délégation de signature accordée au premier maire-adjoint, signataire de cet arrêté, concernait, non pas la police des immeubles menaçant ruine, mais l'urbanisme ; qu'il ressort des pièces du dossier que dès son mémoire introductif d'instance, Mme Z... avait soulevé le moyen tiré de ce que le premier maire-adjoint n'avait pas reçu une délégation de signature régulière ; que dès lors, et quand bien même elle n'a précisé ce moyen que dans un mémoire du 16 septembre 1997, communiqué à la COMMUNE DE CRETEIL le vendredi 19 septembre alors que l'instruction était close et que l'audience était fixée au mardi 23 septembre, les premiers juges, en ne reportant pas celle-ci, n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er avril 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.2122-17 du code général des collectivités territoriales : "En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau." ;
Considérant que la COMMUNE DE CRETEIL, qui ne conteste pas le motif du jugement, soutient en appel que le premier adjoint était compétent pour signer l'arrêté litigieux dès lors que le maire était absent le 1er avril 1997 et donc empêché au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que si Mme Z... soutient que le maire de Créteil n'était pas empêché, cette allégation n'est pas établie par les pièces du dossier ; que la circonstance qu'un autre acte administratif du maire concernant l'intéressée portait la même date du 1er avril 1997, si elle est de nature à établir que le maire n'était pas empêché durant une partie de ce jour-là, ne saurait constituer la preuve qu'il n'était pas empêché pour la totalité de la journée du 1er avril 1997 ; qu'il s'ensuit que la COMMUNE DE CRETEIL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce motif pour annuler ladite décision ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Z... tant devant la cour que devant le tribunal administratif de Melun ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de la construction et de l'habitation : "Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique ..." ; et qu'aux termes de l'article L.511-3 du même code : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, provoque la nomination par le juge du tribunal d'instance d'un homme de l'art qui est chargé d'examiner l'état des bâtiments dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination. Si le rapport de cet expert constate l'urgence ou le péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité et, notamment l'évacuation de l'immeuble. Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti par la sommation, le maire a le droit de faire exécuter d'office et aux frais du propriétaire les mesures indispensables. Il est ensuite procédé conformément aux dispositions édictées dans l'article précédent." ;
Considérant, en premier lieu, que par l'arrêté de péril imminent litigieux, le maire de Créteil a mis en demeure Mme Z..., propriétaire d'une maison en construction sur un terrain en forte déclivité sis ..., de faire procéder à l'enlèvement des terres et gravats qu'elle avait fait déposer sur ledit terrain en vue de constituer un remblai ; que les risques qui ont motivé cette mesure découlent du fait qu'un tel remblai, en raison de la fragilité de son soutènement, menaçait de s'effondrer sur les propriétés situées en contrebas ; que ces risques ne peuvent être regardés comme ayant une cause naturelle extérieure à l'édifice dont s'agit ; que dès lors, ladite mesure pouvait être prescrite par le maire de Créteil sur le fondement des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que l'avertissement prévu par les dispositions de l'article L.511-3 précité n'ait pas été adressé à Mme Z... avant la désignation de l'expert par le juge du tribunal d'instance n'est pas de nature à avoir vicié la procédure de péril imminent suivie par l'administration communale ;
Considérant en troisième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge du tribunal d'instance de Saint-Maur et qu'il n'est pas contesté que le 28 mars 1997, jour de l'expertise, étaient présents des représentants de la mairie, ainsi que Mme Z..., assistée de son conseil ; que cette dernière n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les opérations d'expertise n'auraient pas présenté un caractère contradictoire ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en affirmant que "les remblais hétéroclites (gravats de fondation et terres épandues en vrac) non stabilisés ni mis en oeuvre dans les normes, risquent de s'ébouler contre la propriété située en contrebas, pouvant provoquer sa fissuration ou même son écroulement" et que "l'abri construit dans l'épaisseur du talus en partie basse, après le mur de soutien, risquerait d'être submergé par les terres d'éboulement", l'expert a suffisamment motivé son rapport sur la question de l'urgence ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort également du rapport d'expertise que les terres dont s'agit, qui n'étaient pas compactées et dont il n'est pas contesté qu'elles correspondaient au contenu de six camions, soit 48 tonnes épandues en vrac sur un terrain en pente de 84,50 m, étaient retenues uniquement par un mur en béton en bas de pente, sans ouvrage apparent de retenue intermédiaire ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient Mme Z..., le péril représenté par l'édifice revêtait un caractère imminent ; que la mesure d'enlèvement prescrite par l'arrêté litigieux était nécessaire pour garantir la sécurité des voisins de Mme Z... ;
Considérant, enfin, que si les dispositions précitées de l'article L.511-3 du code de la construction et de l'habitation relatives à la procédure de péril imminent n'autorisent le maire qu'à prendre des mesures provisoires, il ressort des pièces du dossier que seul l'enlèvement des terres dont s'agit était susceptible, dans un bref délai, de faire cesser le risque d'effondrement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE CRETEIL est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé sa décision en date du 1er avril 1997 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme Z... à verser à la COMMUNE DE CRETEIL la somme de 8.000 F au titre de ces dispositions ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNE DE CRETEIL, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme Z... une somme au titre des frais qu'elle a exposés dans cette instance ;
Article 1er : Le jugement en date du 7 octobre 1997 du tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Z... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : Mme Z... versera à la COMMUNE DE CRETEIL la somme de 8.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.