(2ème chambre B)
VU la requête, enregistrée le 27 août 1997 au greffe de la cour, présentée pour M. François Y..., demeurant chez Mme Odette Y..., ..., par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9310211/1 en date du 25 février 1997 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1986 et 1987, dans les rôles de la ville de Paris, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
2 ) de prononcer respectivement la décharge et la réduction des impositions établies au titre des années 1986 et 1987 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 2 mai 2000 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 24 février 2000, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux a accordé à M. Y... un dégrèvement, à concurrence de 104.081 F, de la cotisation d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1987, ainsi que des pénalités afférentes ; que, dans cette mesure, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y... ;
Sur la forclusion opposée par le ministre à la demande en décharge de l'imposition établie au titre de l'année 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article R *196-1 du livre des procédures fiscales : "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle ... de la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ..." ; qu'aux termes de l'article R* 196-3 du même livre : "Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations" ; qu'enfin, aux termes de l'article L.169 du même livre, dans sa rédaction issue de l'article 18-I et IV de la loi n 86-824 du 11 juillet 1986, applicable à la date du fait générateur de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1986, soit le 31 décembre de ladite année : "Pour l'impôt sur le revenu ..., le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce ... jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ;
Considérant, d'une part, que l'imposition contestée par M. Y... a été mise en recouvrement le 31 mai 1990 ; qu'ainsi, au regard des dispositions précitées de l'article R *196-1 du livre des procédures fiscales, le contribuable disposait, pour présenter sa réclamation préalable, d'un délai expirant le 31 décembre 1992 ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des dispositions également précitées des articles R* 196-3 et L.169 du livre des procédures fiscales qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de redressement dispose, pour présenter sa propre réclamation, d'un délai qui expire le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle les redressements lui ont été notifiés ; que la notification, en date du 11 décembre 1989, des redressements opérés à son encontre en matière d'impôt sur le revenu, a été régulièrement présentée à M. Y... le 18 décembre 1989 ; qu'il s'ensuit que le délai spécial dont, en vertu des dispositions susrappelées, il disposait pour présenter sa réclamation expirait également le 31 décembre 1992 ;
Considérant que le ministre chargé du budget soutient pour la première fois en appel, comme il est recevable à le faire, que, dès lors que son administration "ne détient pas" le courrier en date du 4 décembre 1992 par lequel M. Y... aurait présenté une réclamation contre l'impôt établi au titre de l'année 1986 et que la réclamation présentée le 22 février 1993 par son conseil y faisant référence est quant à elle entachée de forclusion, la demande en décharge présentée devant le tribunal administratif aurait par suite été, en tant qu'elle est afférente à cette année, irrecevable ;
Mais considérant qu'une copie d'une réclamation de M. Y... afférente à l'année 1986 et datée du 4 décembre 1992, a été produite par l'administration elle-même au dossier de première instance, qui comporte une mention manuscrite d'où il ressort qu'elle a été reçue le 23 décembre 1992, soit le jour même de l'enregistrement par le même centre des impôts du 17ème arrondissement - Les Ternes de la réclamation présentée aux fins de dégrèvement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année suivante 1987 ; qu'il suit de là, alors d'ailleurs que l'administration n'avait soulevé de forclusion ni dans sa décision en date du 19 mai 1993 rejetant la réclamation préalable du contribuable ni devant les premiers juges, que M. Y... doit être regardé y compris pour l'année 1986 comme ayant saisi l'administration des impôts dans le délai légal ; que, par suite, la fin de non recevoir soulevée par le ministre ne peut être accueillie ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'imposition relative à l'année 1986 :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du code général des impôts : "1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérées comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnées au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention "Monsieur ou Madame". ... 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : a) lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; b) Lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; c) Lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts.";
Considérant que dès lors qu'il est constant qu'ils ne relevaient pas, au titre de l'année 1986, de l'un des cas définis au 4 de l'article 6 précité du code général des impôts, M. et Mme Y... devaient, en application des dispositions du 1 du même article, être soumis à une imposition commune établie au nom de "M. et Mme Y..." ; que le service, ainsi qu'il ressort des extraits du rôle produits au dossier, a toutefois établi cette imposition au nom du seul M. Y... sans la faire précéder de la mention "Monsieur ou Madame" ; que, comme le soutient d'ailleurs le requérant, cette erreur sur la personne du redevable de l'impôt est de nature à entraîner la décharge de l'imposition qui lui a été assignée au titre de l'année 1986 et, en conséquence, l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a écarté les conclusions de sa demande relatives à cette année ;
En ce qui concerne l'imposition relative à l'année 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé ... sous déduction : ... II Des charges ci-après : ... 2 ... pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice, en cas de séparation de corps ou de divorce ..." ;
Considérant qu'en exécution des stipulations de la "convention définitive portant règlement des effets du divorce" homologuée par le jugement prononcé le 29 avril 1987 par le juge délégué aux affaires matrimoniales auprès du tribunal de grande instance de Paris, M. Y... a, au cours de l'année 1987, versé à son ex-épouse, à laquelle avait été confiée la garde de leurs deux enfants, une pension alimentaire pour l'entretien et l'éducation de ces derniers d'un montant mensuel de 3.500 F par enfant ; que par le dégrèvement susmentionné accordé en cours d'instance d'appel, le service a tenu compte du droit du contribuable à déduire de son revenu imposable cette pension servie sur la base de la convention susdite ; que si le requérant prétend à la déduction supplémentaire d'une somme de 1.500 F qu'il a versée par chèque libellé au nom de son ex-épouse le 20 novembre 1987, les dispositions précitées de l'article 156-II-2 du code général des impôts impliquent que soient exclues du droit à déduction toute autre dépense exposée en faveur du ou des enfants par celui des parents qui n'en a pas la garde ; que, par suite, la prétention de M. Y... ne peut être admise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu établie à son nom au titre de l'année 1986 ;
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Y... à concurrence du dégrèvement de 104.081 F qui lui a été accordé en ce qui concerne l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987.
Article 2 : M. Y... est déchargé de la cotisation d'impôt sur le revenu établie à son nom au titre de l'année 1986.
Article 3 : Le jugement n 9310211/1 du tribunal administratif de Paris en date du 25 février 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.