VU, I) enregistrée au greffe de la cour le 6 novembre 1997, sous le n 97PA03060, la requête présentée pour Mlle Véronika A...
B... et M. Haroutioun A...
B..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; les consorts A...
B... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-19055/6 en date du 22 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a limité à 150.000 F la somme qu'il a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser en réparation des conséquences dommageables de la contamination de M. Yéghia Z... par le virus de l'immunodéficience humaine et le virus de l'hépatite C ;
2 ) de faire droit à leur demande de première instance et de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser solidairement une somme de 1.146.500 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 1995, capitalisés le 27 mars 1997 ;
3 ) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au paiement d'une somme de 16.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU, II) enregistrée au greffe de la cour le 23 décembre 1997 sous le n 97PA03603, la requête présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-4891/6 en date du 22 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser aux consorts A...
B... la somme de 150.000 F en réparation des conséquences dommageables de la contamination de M. Yéghia Z... par le virus de l'immunodéficience humaine ;
2 ) de rejeter la demande de première instance ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2000 :
- le rapport de M. DEMOUVEAUX, premier conseiller,
- les observations du cabinet Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS,
- et les conclusions de M. DE SAINT-GUILHEM, commissaire du Gouvernement ;
Sur la jonction :
Considérant que les requêtes nos 97PA03030 et 97PA3603 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué sur l'ensemble par un seul arrêt ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en relevant que la victime a reçu, avant sa contamination, des produits élaborés par l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS dont l'innocuité n'est pas établie, les premiers juges ont suffisamment répondu à l'argument de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS tiré de ce que certains des produits administrés à la victime provenaient du centre national de la transfusion sanguine ; qu'ainsi, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que sept produits sanguins labiles, préparés par le réseau transfusionnel de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, ont été administrés à la victime, lors de ses séjours à l'hôpital Cochin en juin et juillet 1983 ; que les donneurs n'ayant pas été soumis à un test de séropositivité, l'innocuité des produits transfusés n'a pas été établie ; que, par suite, et en l'absence de facteur de risque propre à la victime, c'est à bon droit, et sans irrégulièrement inverser la charge de la preuve, que les premiers juges ont considéré que le lien de causalité entre ces transfusions et la contamination dont a été victime M. Z... devait être regardé comme établi ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS fait valoir que d'autres produits sanguins, élaborés et livrés par le centre national de la transfusion sanguine, ont été administrés à la victime durant son traitement ; que cependant, en présence comme co-auteur éventuel du dommage d'une personne privée dont la responsabilité ne peut être recherchée que devant le juge judiciaire, la personne publique dont la condamnation est demandée doit supporter la réparation de l'intégralité du préjudice subi, à charge pour elle, si elle s'y croit fondée, de mettre en cause devant le juge compétent la personne qu'elle estime conjointement responsable de la contamination ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable des dommages subis par M. Yéghia Z... du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine ;
Sur le préjudice :
Considérant que les requérants, en leur qualité d'héritiers de leur frère M. Yéghia Z..., demandent la condamnation de l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à leur verser, une somme de 2.000.000 F en réparation des préjudices liés à la contamination de celui-ci ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que les préjudices allégués avaient été suffisamment réparés par les sommes allouées par le fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature subis par M. Z... en les évaluant à une somme de 2 millions de francs ; qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants ont reçu 853.500 F du fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et du fonds privé de solidarité des hémophiles, en réparation des mêmes préjudices et qu'ils ont accepté cette somme ; que le juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant de la contamination par le virus de l'immunodéficience humaine et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont été déjà indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, doit d'office déduire la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les héritiers de M. Z... sont fondés à demander que la somme de 150.000 F que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS a été condamnée à leur payer, en réparation du préjudice spécifique subi par celui-ci du fait de sa contamination par le virus de l'immunodéficience humaine, soit portée à 1.146.500 F ; que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS doit donc être condamnée à verser aux consorts A...
B... la partie de cette somme représentant leur quote-part dans la succession de M. Yéghia Z... ; que le jugement attaqué doit donc être réformé sur ce point ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que les consorts A...
B... ont droit à compter du 17 juillet 1995, jour de la réception par l'Assiistance publique-Hôpitaux de Paris de leur réclamation préalable, aux intérêts de la somme qui leur revient ; qu'ils ont demandé la capitalisation de ces intérêts le 27 mars 1997 et le 12 janvier 1999 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à verser aux consorts A...
B... la somme de 10.000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La somme de 150.000 F que l'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS a été condamnée à payer aux héritiers de M. Yéghia Z... est portée à 1.146.500 F. Mme Véronika A...
B... et M. Haroutioun A...
B... recevront sur cette somme, la partie qui leur revient au titre de leur quote-part dans la succession de leur frère Yéghia, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 1995. Les intérêts échus le 27 mars 1997 et le 12 janvier 1999 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS versera à M.Véronika A...
B... et à M. Haroutioun A...
B..., pris solidairement, la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n 97PA03060 est rejeté.
Article 4 : La requête n 97PA03603 est rejetée.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 22 octobre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.