(1ère Chambre B)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 17 juin et 15 octobre 1997, présentés pour M. Jacques Y... demeurant ... (17ème arrondissement) et pour la société civile "SCCV ...", représentée par son gérant, dont le siège est ... (17ème arrondissement), par Me X..., avocat ; M. Y... et la SCCV ... demandent à la cour
1 ) d'annuler le jugement n 9508095/7 du 20 février 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que la commune de La Garenne Colombes soit condamnée à verser à M. Y... une somme de 10.501.894 F augmentée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice causé par l'illégalité des permis de construire délivrés par le maire de la commune les 16 novembre 1990 et 21 novembre 1991 et annulés respectivement par jugements du tribunal administratif de Paris des 20 février et 25 juin 1992 ;
2 ) de condamner la commune de La Garenne Colombes à verser à M. Y... la somme de 2.323.917,70 F et à la SCCV ... la somme de 9.438.036 F, augmentées des intérêts au taux légal à compter du recours gracieux et de dire que ces intérêts seront capitalisés ;
3 ) de condamner la commune de La Garenne Colombes à leur verser une somme de 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2000 :
- le rapport de Mme HELMLINGER, premier conseiller,
- les observations de la SCP HUGLO-LEPAGE et associés, avocat, pour M. Y... et la SCCV et celles du cabinet DS PARIS, avocat, pour la commune de La Garenne Colombes ;
- et les conclusions de M. BARBILLON, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées par M. Y... relatives à l'indemnisation du coût d'une expertise judiciaire, de frais de chantier et d'une indemnité d'éviction :
Considérant que les conclusions de M. Y... tendant à la condamnation de la commune de La Garenne Colombes à l'indemniser du coût d'une expertise judiciaire, de frais de chantier et d'une indemnité d'éviction pour des montants respectivement de 14.839,23 F, 22.182,34 F et 1.500.000 F n'ont pas été présentées devant les premiers juges ; qu'elles ne procèdent ni d'une aggravation des chefs de préjudice invoqués en première d'instance, ni de conséquences dommageables fondées sur la même cause de responsabilité qui se seraient révélées postérieurement à cette instance ; que, par suite, ces conclusions présentées pour la première fois en appel qui ont un objet distinct des conclusions soumises au tribunal administratif, ne sont pas recevables ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées en première instance par la SCCV ... :
Considérant que, par une réclamation préalable en date du 10 juin 1994, M. Y... a mis en cause la responsabilité pour faute de la commune de La Garenne Colombes à raison de l'illégalité des permis de construire qui lui avaient été délivrés les 16 novembre 1990 et 21 novembre 1991, et lui a demandé le versement d'une somme de 10.501.894 F en réparation du préjudice qu'il prétendait avoir ainsi subi ; que la circonstance que M. Y... était l'associé majoritaire et le gérant de la SCCV ... ne lui donnait aucune qualité pour agir, en son nom propre, en remboursement des dépenses supportées par ladite société dotée d'une personnalité juridique distincte ; que s'il avait, en qualité de gérant, la capacité d'agir également au nom de ladite société civile, il résulte explicitement de sa réclamation préalable que celle-ci a été présentée exclusivement en son nom personnel ; qu'ainsi, cette demande n'a pu donner lieu à une décision implicite de rejet de nature à lier le contentieux à l'égard de la SCCV ... ; que, par suite, à supposer même que ladite société ait entendu présenter, devant les premiers juges, des conclusions propres afférentes aux préjudices qu'elle avait elle-même subis, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande comme irrecevable, la commune de La Garenne Colombes n'ayant pas lié le contentieux en cours d'instance ;
Sur la responsabilité de la commune de La Garenne Colombes :
Considérant que, par deux jugements devenus définitifs en date des 20 février et 25 juin 1992, le tribunal administratif de Paris a annulé respectivement le permis de construire initial et le permis de construire modificatif délivrés les 16 novembre 1990 et 21 novembre 1991 par le maire de la commune de La Garenne Colombes à M. Y..., à raison de l'illégalité de l'article UA 15 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune qui ne fixait pas les conditions et limites du dépassement du coefficient d'occupation des sols qu'il autorisait ;
Considérant que la délivrance d'un permis irrégulier constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard du bénéficiaire de ce permis, que cette irrégularité soit intrinsèque au permis délivré ou qu'elle procède, comme en l'espèce, d'une illégalité d'une disposition du règlement du plan d'occupation des sols sur laquelle il était fondé ; qu'aucune imprudence fautive de nature à atténuer la responsabilité de la commune ne peut, dans les circonstances de l'espèce, être retenue à l'encontre de M. Y..., dès lors qu'il avait déposé des demandes en conformité avec le plan d'occupation des sols en vigueur ;
Considérant, toutefois, que, si M. Y... soutient que les annulations ainsi prononcées l'ont conduit à l'abandon définitif de l'opération immobilière, il résulte de l'instruction que le terrain d'assiette du projet demeure constructible ; que ses allégations selon lesquelles la configuration de la parcelle et les contraintes imposées par le respect de l'harmonie architecturale ne permettraient pas, sans dépassement du coefficient d'occupation des sols, de présenter un nouveau projet financièrement équilibré, équilibre qui devrait être apprécié au regard du prix initial d'acquisition du terrain, ne sont assorties d'aucune justification ; que, par suite, M. Y... ne peut prétendre à l'indemnisation des frais financiers qu'il a supportés, en qualité de caution de la SCCV ..., et qui sont afférents au crédit bancaire en compte courant souscrit par ladite société civile notamment en vue de la réacquisition du terrain d'assiette du projet auprès de lui-même ;
Considérant, en revanche, que le requérant est en droit de prétendre à l'indemnisation des charges correspondant aux travaux et prestations engagés à la suite de la délivrance des deux permis susmentionnés ; que, toutefois, les frais de géomètre expert imputés à la charge de M. Y... ont été engagés antérieurement à la délivrance du premier permis de construire annulé ; qu'il en va de même des frais de publicité ainsi que d'une partie des honoraires d'architectes dont il demande l'indemnisation ; que, par suite, les frais d'exécution des travaux auxquels il peut prétendre doivent être limités à la somme de 271.181,36 F hors taxes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de La Garenne Colombes à lui réparer le préjudice causé par l'illégalité des permis de construire délivrés par le maire de la commune les 16 novembre 1990 et 21 novembre 1991 et annulés respectivement par jugements du tribunal administratif de Paris des 20 février et 25 juin 1992 ; qu'il y a lieu de condamner la commune de La Garenne Colombes à verser à M. Y... une somme de 271.181,36 F ;
Considérant que M. Y... a droit aux intérêts de cette somme à compter du 14 juin 1994, date de réception par la commune de sa demande ; que la capitalisation des intérêts a été demandée les 24 mai 1995 et 15 octobre 1997 ; que, seul à cette deuxième date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il n' y a lieu de faire droit qu'à cette dernière demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner la commune de La Garenne Colombes à payer à M. Y... une somme de 10.000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 20 février 1997 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par M. Y....
Article 2 : La commune de La Garenne Colombes est condamnée à verser à M. Y... la somme de 271.181,36 F avec intérêts au taux légal à compter du 14 juin 1994. Les intérêts échus le 15 octobre 1997 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de La Garenne Colombes versera à M. Y... une somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... et de la SCCV ... est rejeté.