(2ème chambre B)
VU la requête, enregistrée le 29 janvier 1998 au greffe de la cour, présentée pour la société anonyme TOTAL, venant aux droits de la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance), dont le siège social est Tour Total, 24, cours Michelet, Cedex 47, 92069 Paris-la-Défense, par son directeur financier ; la société TOTAL demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9402369-9402370/2 en date du 12 novembre 1997 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquels la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance) a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1988, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de la décharger des impositions contestées et de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu respectivement des dispositions des articles 225 et 235 ter E du code général des impôts, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue sont assises sur les salaires selon les modalités prévues aux articles 231 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 231-1 de ce code : "Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes ... qui paient des traitements, salaires, indemnités, et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ..." ; qu'aux termes de l'article 51-2 de l'annexe III audit code : "la taxe à la charge des personnes, associations et organismes visés à l'article 50 est calculée sur le montant total des rémunérations effectivement payées par ces personnes, associations et organismes à l'ensemble de leur personnel - y compris la valeur des avantages en nature - quels que soient l'importance des rémunérations et le lieu du domicile des bénéficiaires" ;
Considérant qu'en vertu des dispositions susmentionnées du code général des impôts, la taxe d'apprentissage et la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue sont dues par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu'il paye à son personnel salarié, sans qu'il y ait lieu d'opérer de distinctions, que la loi ne fait pas, selon le lieu où il exerce son activité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les personnels qui étaient, au titre des années 1986 à 1988 en litige, détachés par la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance), laquelle était établie en France, auprès de sociétés filiales implantées à l'étranger, étaient recrutés par ses soins et liés à elle par un contrat de travail ; qu'ils recevaient leur affectation et percevaient leur rémunération de la société mère, qui fixait leurs conditions d'emploi et conservait la possibilité de les licencier ; que la circonstance que ces salariés aient exercé leurs fonctions conformément aux instructions et directives des sociétés filiales, auprès desquelles ils avaient également conclu un contrat de travail, ne permet pas de considérer que ce sont ces dernières qui auraient eu à leur égard la qualité d'employeur, dès lors que les intéressés conservaient le bénéfice de leur contrat d'origine avec la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance), qui continuait de leur verser leur rémunération ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et étaient ainsi en position de reprendre leurs fonctions au sein de cette entreprise, à l'issue de leur mise à disposition de la société filiale ; que, dès lors, bien qu'expatriés, ils demeuraient des salariés de la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance), laquelle, par application des dispositions précitées du code général des impôts, était par suite redevable, en sa qualité d'employeur établi en France, de la taxe d'apprentissage et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue afférentes aux rémunérations versées à ces personnels ;
Considérant, en second lieu, que la société TOTAL demande, sur le fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'interprétation administrative contenue dans la circulaire n 2261 du 11 mai 1950, paragraphe 531, aux termes de laquelle "les entreprises françaises qui possèdent à l'étranger ... des centres d'opérations présentant un caractère de permanence suffisant et dotés d'une certaine autonomie ... ne sont point passibles en France du versement de 5 % à raison des salaires payés au personnel relevant de ces centres" ; mais que la doctrine ainsi énoncée concerne, d'après ses termes mêmes, "les entreprises françaises qui possèdent" des centres d'opérations à l'étranger et ne peut donc pas être appliquée, dans le silence du texte, dans le cas de centres d'opérations appartenant non à une entreprise française, mais à une société étrangère, dotée d'une personnalité juridique distincte, même si une fraction plus ou moins importante du capital de cette société étrangère est détenue par l'entreprise française dont les salariés sont en cause ; que, par suite, la société TOTAL ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer l'interprétation administrative contenue dans la circulaire en date du 11 mai 1950 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TOTAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en décharge des compléments de taxe d'apprentissage et de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue auxquels la société Total Compagnie Française des Pétroles (Gérance) a été assujettie au titre des années 1986, 1987 et 1988 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la société TOTAL succombe dans la présente instance ; qu'en conséquence, sa demande tendant à ce que l'Etat soit, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, condamné à lui verser, au titre des frais qu'elle a exposés, une somme dont elle ne précise d'ailleurs pas le montant, doit, en tout état de cause, être rejetée ;
Article 1er : La requête de la société TOTAL est rejetée.