(2ème Chambre B)
VU le recours, enregistré le 12 décembre 1997 au greffe de la cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9308882/2 en date du 19 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé M. et Mme X... des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils avaient été assujettis au titre des années 1986 et 1987 ;
2 ) de rétablir à la charge de M. X... les impositions susvisées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X... ont contesté les compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils avaient été assujettis, au titre des années 1986 et 1987, en conséquence de la réintégration dans leurs bases d'imposition, sur le fondement des dispositions de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, de la dotation d'amortissement qu'ils avaient déduite de leurs bénéfices industriels et commerciaux à raison de leur part de copropriété du navire Nijinsky ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement en date du 19 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris leur a donné satisfaction ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements qui a été adressée le 6 septembre 1988 à M. et Mme X... comportait l'indication de la règle, contenue à l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, que le service entendait leur opposer et précisait, pour chacune des deux années en litige, en faisant référence aux déclarations catégorielles n 2031 N sur lesquelles les contribuables avaient indiqué des montants de produits et de charges qui n'étaient pas remis en cause, les conséquences chiffrées de son application auxdits montants, laquelle se soldait nécessairement par la réintégration de la totalité des dotations d'amortissement qui avaient été effectuées par les intéressés et dont les montants leur étaient rappelés ; que si M. et Mme X... entendent faire valoir que ces éléments chiffrés utilisés par l'administration fiscale pour pratiquer les redressements litigieux auraient été inexacts, une telle argumentation ne concernerait pas la motivation de la notification de redressements mais le bien-fondé des impositions ; que dans ces conditions, les contribuables, qui d'ailleurs avaient parfaitement cerné les éléments du litige ainsi qu'il ressort de celles qu'ils ont formulées en date du 29 septembre 1988, doivent être regardés comme ayant été mis en mesure par ladite notification de présenter utilement leurs observations ; qu'il suit de là que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que cette notification de redressements était irrégulière pour n'avoir pas satisfait aux dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X... tant devant la cour que devant le tribunal administratif ;
Sur l'impôt sur le revenu :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements en date du 6 septembre 1988 concernait à la fois les bénéfices industriels et commerciaux de M. X... et les conséquences sur le revenu global de M. et Mme X... des redressements catégoriels ; que, dès lors et en tout état de cause, c'est sans enfreindre les dispositions de l'article L.54 du livre des procédures fiscales, qui prévoient que les procédures de rectification des déclarations relatives aux revenus d'une activité dont les produits relèvent des bénéfices industriels et commerciaux sont suivies avec celui des époux qui est titulaire des revenus, que l'administration a adressé la notification susvisée à M. et Mme X... ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le redressement relatif à l'application de l'article 238 bis HA du code général des impôts a fait l'objet d'un dégrèvement de la part du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; que, par suite, le moyen soulevé concernant l'insuffisance de motivation de la notification de redressements et de la réponse aux observations du contribuable en ce qui concerne ce chef de redressement est dépourvu d'objet ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans sa réponse aux observations des contribuables en date du 7 novembre 1988, l'administration, en rappelant précisément sa conception du champ d'application de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, a répliqué de manière suffisante aux trois arguments présentés en observation par les contribuables ; que ces derniers ne peuvent assimiler à un défaut de motivation la circonstance que l'administration fiscale a décidé dans sa réponse de maintenir son interprétation du texte fiscal ;
Considérant, enfin, que si M. et Mme X... ont entendu soutenir que l'administration fiscale n'aurait pas, en ce qui concerne le redressement procédant de la limitation des amortissements sur le fondement de l'article 31 de l'annexe II au code général des impôts, respecté les garanties de procédure prévues aux articles L.64 et R.64-1 du livre des procédures fiscales, relatifs à la procédure de l'abus de droit, un tel moyen, alors que le différend ne porte que sur le champ d'application d'un texte fiscal et ne résulte en rien de la remise en cause de la portée d'actes juridiques, n'est pas fondé ;
Sur la contribution sociale de 0,4 % :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n 86-966 du 18 août 1986 : "Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont assujetties sur leurs revenus de 1985 et 1986 à une contribution dont le produit est versé à la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés." ; qu'aux termes de l'article 2 : "La contribution est égale à 0,4 p.100 du revenu net global de l'année considérée ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 5 : "Sous réserve des dispositions des articles 3 et 7, la contribution est établie et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu ..." ; que, par ces dispositions, le législateur ne s'est pas borné à majorer un impôt existant, mais a créé une contribution nouvelle, qui, si elle se rattache, sur un certain nombre de points, aux règles établies en matière d'impôt sur le revenu, n'en constitue pas moins un impôt distinct ; que cette contribution a été reconduite pour les revenus de l'année 1987 en vertu des dispositions de la loi n 89-18 du 13 janvier 1989 ;
Considérant qu'ainsi qu'il n'est pas contesté par l'administration, la notification de redressements qui a été adressée à M. et Mme X... ne mentionnait pas la contribution sociale précitée parmi les impositions concernées par les redressements ; qu'ainsi, en l'absence d'une telle mention, cette notification n'a pu servir de fondement à l'établissement du complément de contribution assigné au requérant au titre des années 1986 et 1987 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est, sauf en ce qui concerne la contribution sociale de 0,4 % qui a été irrégulièrement établie, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à M. et Mme X... la décharge qu'ils sollicitaient ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. et Mme X... tendant à ce que l'Etat soit, en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, condamné à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés ;
Article 1er : L'impôt sur le revenu auquel M. et Mme X... ont été assujettis au titre des années 1986 et 1987 est remis intégralement à leur charge.
Article 2 : Le jugement n 9308882/2 du tribunal administratif de Paris en date du 19 décembre 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre et les conclusions de M. et Mme X... sont rejetés.