(2ème chambre B)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 12 mars 1997 et 3 août 1998, au greffe de la cour, présentés pour la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO, dont le siège social est ... Monaco, par Maître Denis X..., avocat ; la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9218952/1 en date du 18 juin 1996 en tant que, par ledit jugement, le tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la taxe parafiscale sur la publicité à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 ;
2 ) de la décharger de l'imposition contestée et de condamner l'Etat à lui verser 25.000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution des poursuites en recouvrement de l'imposition restant en litige ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
VU la directive du 17 mars 1977 du conseil des ministres de la communauté européenne ;
VU la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 ;
VU la loi n 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, et notamment son article 49 ;
VU le décret n 87-826 du 9 octobre 1987 portant création d'une taxe parafiscale au profit d'un fonds de soutien à l'expression radiophonique ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO a été assujettie à la taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision, instituée par le décret susvisé n 87-826 du 9 octobre 1987, au titre des années 1988, 1989 et 1990 et de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 ; qu'après admission seulement partielle de sa réclamation préalable par une décision du service en date du 4 juin 1992, elle a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge de la totalité des taxes auxquelles elle demeurait assujettie ; que le tribunal s'est borné, par le jugement attaqué en date du 18 juin 1996, à statuer sur les conclusions relatives aux taxes maintenues à la charge de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO au titre des années 1988, 1989 et 1990 ; que, pour décharger, il s'est fondé sur ce que le service n'avait pu régulièrement les asseoir sur le fondement de l'article 259-B du code général des impôts, lequel concerne exclusivement la taxe sur la valeur ajoutée ; que par une requête d'appel qui ne présente pas, contrairement à ce qu'elle soutient, le caractère d'une demande en rectification d'erreur matérielle, la société fait régulièrement appel de ce jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de sa demande tendant à la décharge des taxes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a présenté quant à lui, le 19 octobre 1998, un appel incident tendant à l'annulation du jugement susvisé en tant qu'il a prononcé la décharge des taxes parafiscales sur la publicité réclamées à ladite société au titre des années 1988, 1989 et 1990, et à leur rétablissement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Paris s'est borné à statuer sur les conclusions de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO relatives aux taxes parafiscales sur la publicité mises à sa charge au titre des années 1988, 1989 et 1990 doit être annulé, conformément à la requête d'appel présentée par cette société, en tant que le tribunal administratif a, par ce jugement, omis de se prononcer sur les conclusions de la demande relatives à la taxe parafiscale sur la publicité réclamée à ladite société au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'évoquer et de statuer sur lesdites conclusions ;
Sur la recevabilité de l'appel incident présenté par le ministre :
Considérant que les taxes parafiscales sur la publicité contestées par la société ont été, dans leur ensemble, mises en recouvrement par un même avis en date du 10 avril 1992 qui, s'il distingue les droits et les pénalités réclamés au titre de chacune des années concernées, porte sur la période allant du 1er janvier 1988 au 30 septembre 1991 ; que l'appel incident du ministre, qui tend à l'annulation du jugement susvisé en date du 18 juin 1996 par lequel les premiers juges ont accordé à la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO décharge des taxes auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990 par l'avis de mise en recouvrement susmentionné, ne soulève pas un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel principal de ladite société tendant à l'annulation dudit jugement et à la décharge de la même taxe établie au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 ; que par suite, l'appel incident présenté par le ministre est recevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de statuer sur le bien-fondé des taxes parafiscales sur la publicité auxquelles a été assujettie la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO, par voie d'évocation en ce qui concerne les taxes mises à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991 et par l'effet dévolutif de l'appel sur l'appel incident en ce qui concerne les taxes mises à sa charge au titre des années 1988, 1989 et 1990 ;
Sur le bien fondé de l'assujettissement de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO à la taxe parafiscale sur la publicité :
Considérant que le décret susvisé n 87-826 du 9 octobre 1987 a, dans son article premier, institué une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision au profit d'un fonds d'aide aux titulaires d'une autorisation de service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne ne collectant pas de ressources publicitaires et ne diffusant pas de messages publicitaires et, à partir du 1er mai 1990, tirant des ressources commerciales de la diffusion à l'antenne de messages de toute nature n'excédant pas un certain pourcentage de leur chiffre d'affaires total ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret, codifié à l'article 365 A de l'annexe II au code général des impôts : "La taxe est assise sur les sommes, hors commission d'agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires à destination du territoire français. Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires" ; qu'enfin, aux termes de l'article 4 de ce décret, codifié à l'article 365 C de l'annexe II au même code : "La taxe est assise, liquidée et recouvrée, pour le compte du fonds, par la direction générale des impôts selon les mêmes règles, garanties et sanctions que celles qui sont prévues pour la taxe sur la valeur ajoutée" ;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de base légale en droit interne :
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 365 C de l'annexe II au code général des impôts que la taxe parafiscale sur la publicité est assise, liquidée et recouvrée selon les règles, garanties et sanctions définies pour la taxe sur la valeur ajoutée, et que l'article 2 également précité du décret du 9 octobre 1987, codifié à l'article 365 A de la même annexe, précise que cette taxe a pour assiette les sommes payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires à destination du territoire français et est due par les régisseurs de publicité, sans que ces dispositions instituent aucune différence de traitement selon le lieu d'établissement de ces derniers ; qu'ainsi, la société anonyme RADIO MONTE-CARLO ne peut soutenir qu'elle ne serait pas légalement redevable de la taxe au seul motif qu'elle a son siège à Monaco ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations alors codifiées à l'article 95 du traité instituant la communauté européenne :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 95 du traité instituant la communauté européenne : "Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires" ;
Considérant que si l'article 95 du Traité instituant la communauté économique européenne interdit de frapper les produits importés d'impositions intérieures discriminatoires ou de nature à protéger indirectement d'autres productions, ces dispositions sont en tout état de cause inapplicables à des taxes frappant des prestations de services ; que le moyen tiré de ce que cet article ferait obstacle à l'assujettissement de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO à la taxe parafiscale sur la publicité, à raison des sommes qu'elle a perçues pour la diffusion de messages publicitaires à destination du territoire français, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité de la taxe parafiscale sur la publicité avec les dispositions de l'article 33 de la 6ème directive du 17 mars 1977 du conseil des ministres de la communauté européenne :
Considérant que la taxe parafiscale en cause, qui est assise sur les sommes payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires et est perçue par période trimestrielle sur cette base, est ainsi limitée à une seule catégorie de services incluant l'ensemble des messages publicitaires, diffusés par voie de radiodiffusion sonore ou de télévision à destination du territoire français, et ne porte pas sur la valeur ajoutée ; que par suite, et bien qu'elle soit assise sur la valeur de prestations rendues à des assujettis, elle ne constitue pas une taxe sur le chiffre d'affaires incompatible avec l'article 33 de la 6 directive adoptée par le conseil des ministres de la communauté européenne le 17 mai 1977, relative à l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des stipulations de la convention franco-monégasque conclue le 18 mai 1963 :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 15 de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963 : "Les taxes sur le chiffre d'affaires et les taxes de remplacement sont appliquées dans la Principauté sur les mêmes bases et aux mêmes tarifs qu'en France" ; qu'aux termes de l'article 17 de ladite convention : "Le produit total des perceptions opérées dans les deux Etats contractants, au titre des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxe de remplacement ... est réparti entre les deux Gouvernements, selon les modalités fixées entre eux, d'un commun accord" ; qu'enfin, le paragraphe IV du protocole de signature en date du 21 mai 1963 stipule que : "Les taxes sur le chiffre d'affaires visées à l'article 15 s'entendent actuellement : - de la taxe sur la valeur ajoutée ; - de la taxe sur les prestations de services ; - de la taxe locale sur le chiffre d'affaires ;
Considérant qu'aucune des stipulations précitées de la convention fiscale franco-monégasque ne fait obstacle à l'assujettissement de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO, en sa qualité de régisseur de publicité, à la taxe parafiscale instituée par le décret susvisé n 87-826 du 9 octobre 1987, à concurrence des sommes qui lui sont payées par les annonceurs pour la diffusion, à partir des installations dont elle dispose, de leurs messages publicitaires à destination du territoire français ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO n'est pas fondée à demander la décharge des taxes parafiscales sur la publicité qui lui sont réclamées au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991, d'autre part, que le ministre est fondé à demander, par la voie d'appel incident, le rétablissement des taxes dont le tribunal administratif avait prononcé la décharge au titre des années 1988, 1989 et 1990 au motif erroné que le service ne les aurait établies sur aucun fondement légal qui ne fût pas contredit par la convention fiscale franco-monégasque ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement n 9218952/1 du tribunal administratif de Paris en date du 18 juin 1996 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO tendant à la décharge de la taxe parafiscale sur la publicité à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 30 septembre 1991.
Article 2 : Les taxes parafiscales sur la publicité auxquelles la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO avait été assujettie au titre des années 1988, 1989 et 1990, et dont le tribunal administratif de Paris a accordé à tort le dégrèvement, sont remises à sa charge.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société anonyme monégasque RADIO-MONTE-CARLO est rejeté.