(2ème chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 21 février 1997, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9302077/1 en date du 13 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Pierre Z... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1988, 1989 et 1990, dans les rôles de la ville de Paris ;
2 ) de remettre à la charge de M. Pierre Z... les impositions contestées et de rejeter la requête de première instance ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 1er février 2000 :
- le rapport de M. HEU, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, substituant Me Y..., avocat, pour M. Z...,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE fait appel du jugement en date du 13 juin 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé M. Z... des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il avait été assujetti, au titre des années 1988, 1989 et 1990, à la suite de la remise en cause par le service du régime d'exonération des salaires perçus par un contribuable en rémunération d'une activité à l'étranger, prévu par l'article 81-A-II du code général des impôts, sous lequel l'intéressé s'était placé ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant, en premier lieu, que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour le 21 février 1997, soit dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois, courant de la date de notification du jugement, imparti au service local pour transmettre au ministre le jugement et le dossier d'une affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, dès lors que le directeur régional d'Ile-de-France Ouest a, ainsi qu'il ressort de l'accusé de réception versé au dossier de première instance, reçu notification du jugement attaqué au plus tôt le 28 octobre 1996 ;
Considérant, en second lieu, que la circonstance que l'original du recours du ministre n'ait été enregistré au greffe que le 25 février 1997 alors que le recours envoyé en télécopie a été enregistré dès le 21 février 1997 est, en tout état de cause, sans incidence sur sa recevabilité ; que la circonstance que la page de garde de cette télécopie ait comporté une mention, d'ailleurs erronée, selon laquelle le délai de recours expirait le 24 février 1997 n'affecte pas davantage la recevabilité du recours présenté par le ministre ;
Sur le droit à exonération des revenus provenant d'une activité exercée à l'étranger :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 81-A du code général des impôts : "Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l'étranger par des personnes de nationalité française autres que les travailleurs frontaliers, qui ont leur domicile fiscal en France et qui, envoyés à l'étranger par un employeur établi en France, justifient d'une activité à l'étranger d'une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de douze mois consécutifs, ne sont pas soumis à l'impôt. Cette exonération n'est accordée que si les rémunérations considérées se rapportent aux activités suivantes à l'étranger : a) Chantiers de construction ou de montage, installation d'ensembles industriels, leur mise en route et leur exploitation, la prospection et l'ingénierie y afférentes ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z..., ingénieur-conseil exerçant les fonctions de directeur général de la succursale française de la société de droit américain Booz-Allen and Hamilton, laquelle réalise des prestations de conseil au profit notamment de grandes entreprises industrielles, a été, au cours de chacune des années en litige, envoyé par son employeur dans plusieurs pays étrangers pendant une durée totale excédant 183 jours, ainsi qu'il ressort des attestations délivrées par cette société et des états annexés à ses déclarations de revenus ; que, cependant, si M. Z... justifie ainsi d'une activité professionnelle à l'étranger pour le compte de la société Booz-Allen and Hamilton satisfaisant à la condition de durée exigée par les dispositions précitées du II de l'article 81-A du code général des impôts, il n'établit pas, en se bornant à produire les seules pages de couverture de divers rapports établis par cette société ainsi que des extraits de journaux et des copies de son passeport, qu'il aurait lui-même effectivement participé, directement et personnellement, à des opérations se rapportant à des activités telles que la prospection ou l'ingénierie afférents à la création ou à l'exploitation d'ensembles industriels ou encore à la réalisation ou à la conduite de chantiers, seules susceptibles d'ouvrir droit au régime d'exonération ; que les états récapitulatifs versés par le contribuable à l'appui des déclarations de revenus qu'il a souscrites au titre des années en litige, dès lors qu'ils se bornent à indiquer le nom des entreprises ayant confié des études à son employeur et à mentionner de façon extrêmement sommaire la nature ou l'objet du contrat conclu entre celles-là et celui-ci, sans comporter à cet égard de précisions pertinentes pour l'appréciation des conditions d'ouverture au régime d'exonération en cause, ne suffisent pas non plus à justifier de ce que l'intéressé aurait participé à des opérations lui ouvrant droit audit régime ; qu'ainsi, M. Z... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les rémunérations qu'il a perçues se rapportaient à des activités qui sont au nombre de celles que visent les dispositions précitées du II-a de l'article 81-A du code ; que, par suite, le contribuable n'était pas en droit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Paris, de bénéficier de l'exonération prévue par ce texte, à concurrence de la fraction des salaires qu'il a perçus au titre des années en litige pour son activité à l'étranger ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'instruction administrative en date du 26 juillet 1977, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts 5-B-24-77 : "En outre, conformément aux engagements pris par le ministre au cours des débats parlementaires, la situation des salariés exerçant leur activité dans la prospection de certains marchés extérieurs sera examinée avec compréhension. Ainsi, l'exonération prévue par la loi pourra être accordée par le service, après examen du cas particulier, aux salariés dont les rémunérations se rapportent à la prospection de la clientèle de certains marchés commerciaux, lorsqu'il sera établi que cette prospection conditionne réellement l'implantation de sociétés françaises à l'étranger" ;
Considérant que M. Z... ne peut utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative précitée, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale, dès lors en tout état de cause que, si elle vise les activités se rattachant à la "prospection de la clientèle de certains marchés commerciaux", le contribuable n'établit pas davantage que les activités qu'il auraient exercées à l'étranger correspondraient à cette qualification ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est également fondé, pour décharger M. Z... des compléments d'impôt sur le revenu en litige, sur le terrain de la doctrine administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, M. Z... ne pouvant utilement se prévaloir non plus d'indications verbales que lui auraient données des agents du service ni de ce que l'exonération n'a pas été remise en cause par l'administration pour des années antérieures, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Z... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1988, 1989 et 1990, d'autre part, à demander le rétablissement à la charge du contribuable des impositions dont s'agit ;
Sur les conclusions de M. Z... tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que M. Z... succombe dans la présente instance ; que la demande qu'il a présentée en appel tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser la somme de 20.000 F au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Sur les conclusions de M. Z... tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens :
Considérant que M. Z... ne justifiant pas avoir engagé de frais constitutifs de dépens au sens des articles R.217 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et R.207-1 du livre des procédures fiscales, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens ne sont pas recevables ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 13 juin 1996 est annulé.
Article 2 : Les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Z... a été assujetti au titre des années 1988, 1989 et 1990 sont entièrement remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de M. Z... sont rejetées.