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13/07/1999 | FRANCE | N°96PA02356

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 13 juillet 1999, 96PA02356


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 août 1996, présentée pour le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; le groupe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9401939/7 en date du 17 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 décembre 1993 par laquelle la Commission de contrôle des assurances a rejeté sa réclamation en date du 17 novembre 1993 tendant au versement d'une somme de 7.092.582 F correspondant aux indemnités no

n réglées par la compagnie d'assurances Défense Générale Tous Risq...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 août 1996, présentée pour le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE, dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; le groupe demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9401939/7 en date du 17 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 décembre 1993 par laquelle la Commission de contrôle des assurances a rejeté sa réclamation en date du 17 novembre 1993 tendant au versement d'une somme de 7.092.582 F correspondant aux indemnités non réglées par la compagnie d'assurances Défense Générale Tous Risques (DGTR) et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite indemnité avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 1993 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7.092.582 F avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 1993 ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des assurances ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 1999 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le GROUPE DENTRESSANGLE, qui a souscrit auprès de la compagnie d'assurances "Défense Générale Tous Risques" (DGTR) un contrat couvrant l'ensemble de sa flotte avec effet au 1er janvier 1990, recherche la responsabilité de l'Etat à raison du retard mis par les services de contrôle des assurances, la direction des assurances du ministère de l'économie et des finances, relayée par la Commission de contrôle des assurances à partir du 25 juin 1990, à prononcer, en application de l'article L.310-18 du code des assurances, le retrait de l'agrément obtenu par la compagnie DGTR pour la branche "protection juridique" à effet du 1er janvier 1979, étendu par arrêté du 3 février 1988 ; que le GROUPE DENTRESSANGLE soutient que la mesure de retrait, au lieu d'être prise par la Commission de contrôle des assurances le 12 mars 1991, aurait pu l'être dès décembre 1989 suite au premier rapport administratif d'enquête ou, au plus tard, en juillet 1990 à la suite de la remise du second rapport d'expertise ; qu'il a été ainsi privé de la possibilité de changer d'assureur en temps utile et que cette carence lui a causé un préjudice, qu'il évalue à la somme de 6.045.846,39 F, correspondant au montant de l'indemnisation de sinistres qu'il n'a pu recouvrer auprès de la compagnie DGTR du fait de la liquidation judiciaire de celle-ci, outre un préjudice financier d'un montant de 3.000.000 F consécutif à l'immobilisation de cette somme depuis l'année 1991 ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat, à l'occasion de l'exercice, par la Commission de contrôle des assurances, de sa mission de surveillance et de contrôle des entreprises d'assurances prévue par l'article L.310-12 du code des assurances est susceptible d'être engagée pour faute simple ; qu'en revanche, elle ne peut l'être à l'occasion de l'exercice par la Commission de contrôle des assurances, de sa mission disciplinaire de caractère juridictionnel prévue par l'article L.310-18 du même code, que pour faute lourde ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une mission de contrôle des comptes et de la gestion de l'exercice 1988 de la compagnie DGTR a été effectuée, à la suite de laquelle un rapport contradictoire, soulignant divers manquements au respect de la réglementation, notamment en matière de constitution de marge de solvabilité et de couverture des engagements réglementés, a été établi le 6 octobre 1989 ; que les critiques portaient sur des irrégularités et insuffisances en matière de provisions, le danger constitué par un risque non réassuré de 38 MF concernant un ensemble à usage hôtelier situé à Saint-Martin dans les Antilles franco-néerlandaises, le risque de ne pas atteindre la marge à constituer de 5 MF, risque minimisé, toutefois, par l'augmentation prévue sur quatre ans du capital social de 6 à 10 MF, l'insuffisance d'un montant de 5,1 MF de couverture des engagements réglementés, enfin, certaines ambiguïtés juridiques des contrats ; que la réponse de la compagnie au premier rapport susdit a justifié de nouvelles observations du corps de contrôle le 7 décembre 1989 insistant sur l'incompétence partielle du directeur de la DGTR, encourageant celle-ci, par une mauvaise appréciation du risque dans la branche automobile, à un développement très rapide ; que, toutefois, le corps de contrôle aboutit à la conclusion que "à la fin 1988 la solvabilité réelle est largement assurée", grâce à "une réserve occulte de l'ordre de 5 MF" et que "le véritable danger réside dans la progression très rapide prévue pour le chiffre d'affaires" ; que, dans ces conditions, les manquements relevés, ainsi que le soutient le ministre de l'économie et des finances, ne pouvaient, dès ce stade du contrôle, en décembre 1989, être regardés comme des manquements graves justifiant un retrait d'agrément ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'un nouveau contrôle sur place a donné lieu à un second rapport contradictoire en date du 5 juillet 1990 dont il ressort, d'une part, que, du fait notamment des risques encourus concernant les contrats SEDRI, les prévisions pour 1990 laissent craindre une insuffisance de marge de 5 MF et que les insuffisances de représentation réglementaires s'élèveraient en l'état des informations disponibles à 11,5 MF fin juin 1990 ; qu'en outre certaines opérations sont telles qu'il n'y a pas mutualisation, tels les contrats afférents au risque hôtelier à Saint-Martin non réassuré et avec ANTVERPIA-Vie Belgique ou que la réalisation d'un seul risque, dans le cas du contrat SEDRI, peut être supérieure aux fonds propres de la compagnie ; que les réponses à ce nouveau rapport, communiqué à la compagnie DGTR le 6 juillet 1990, ont été apportées par celle-ci le 31 juillet 1990 ; qu'à partir des constats selon lesquels : a) DGTR présentait "une insuffisance de représentation réglementaire de 6 MF, soit 20 % des engagements réglementés", b) les risques en cours liés au risque hôtelier situé à Saint-Martin augmentaient "le passif de la DGTR d'environ 10 MF", c) "en ce qui concerne les contrats SEDRI ... la DGTR est en risque pour 28 MF au 30 juin 1990, ce qui est disproportionné tant à l'égard de ses fonds propres (7 MF) que de son chiffre d'affaires." ... "L'importance des sommes que la DGTR serait, ainsi amenée à débourser en cas de survenance d'un seul sinistre caractérise un comportement de nature à mettre en péril la solvabilité de cette entreprise", d) "La caution pour 40 MF de l'emprunt contracté par la Financière Beaulieu relève de la même analyse de comportement.", ladite compagnie a été avisée, par lettre du 14 août 1990 de la Commission de contrôle des assurances, qu'elle était susceptible de se voir appliquer la procédure disciplinaire aboutissant aux sanctions prévues par l'arti-cle L.310-18 du code des assurances, et a été simultanément mise en demeure de soumettre à la commission, "dans le plus bref délai, un calendrier précis de mesures destinées à : 1) réaliser la représentation réglementaire des engagements ; 2) couvrir les pertes probables liées au risque hôtelier de Saint-Martin et aux contrats SEDRI ; 3) dégager le DGTR de la caution de 40 MF ou lui donner les moyens financiers de l'honorer" et, enfin, mise en demeure, sous peine de sanction pour entrave au contrôle, de fournir des documents demandés notamment dans le rapport précité ; qu'en l'absence de réponse, une nouvelle lettre en date du 1er octobre 1990 a été adressée à la compagnie l'informant du début de la procédure disciplinaire ; qu'après réponse de celle-ci par lettre en date du 12 octobre 1990, la Commission de contrôle des assurances s'est réunie en formation disciplinaire le 13 novembre 1990 ; que l'affaire a été maintenue en délibéré jusqu'au 3 décembre 1990 cependant que le dossier était transmis au procureur de la République ; qu'il résulte de ce qui précède que la Commission de contrôle des assurances a fait toute diligence pendant la période du 6 décembre 1989 au 3 décembre 1990, soit une année, pour s'assurer, dans le respect du principe du contradictoire posé par les articles L.310-16 et L.310-17 du code des assurances, de la gravité des manquements susceptibles d'aboutir à un retrait d'agrément ;

Considérant, en troisième lieu, que le 3 décembre 1990 l'affaire a de nouveau été maintenue en délibéré, la Commission de contrôle des assurances estimant "qu'il restait un espoir de sauver la société" ; que ce n'est qu'après audition du nouveau représentant légal de la compagnie le 11 mars 1991 que la Commission de contrôle des assurances a décidé de retirer l'agrément de la compagnie, les contrats d'assurance cessant d'avoir effet le quarantième jour à midi après la publication de la décision au Journal officiel le 20 mars 1991 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission de contrôle des assurances doit être regardée comme s'étant acquittée, sans retard constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, de sa mission de contrôle de la compagnie DGTR portant, en vertu de l'article L.310-12 du code des assurances, sur le respect par celle-ci des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'assurance, le respect des engagements contractés à l'égard des assurés et sa capacité à être toujours en mesure de les respecter, et, sans retard constitutif d'une faute lourde, de sa mission de répression disciplinaire à elle confiée par l'article L.310-18 du même code ; qu'ainsi, le GROUPE DENTRESSANGLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'il aurait subi en raison du retrait, prétendu tardif, de l'agrément de la compagnie d'assurances DGTR ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser au GROUPE DENTRESSANGLE la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du GROUPE DENTRESSANGLE est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02356
Date de la décision : 13/07/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 - RJ2 - RJ3 ASSURANCE ET PREVOYANCE - ORGANISATION DE LA PROFESSION ET INTERVENTION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - CAResponsabilité de l'Etat - Commission de contrôle des assurances - a) Mission de surveillance et de contrôle prévue par l'article L - 310-12 du code des assurances - Responsabilité pour faute simple (1) (2) - Absence de faute (1) - b) Mission disciplinaire prévue par l'article L - 310-18 du code - Responsabilité pour faute lourde (2) (3) - Absence de faute (1).

12-01 La Commission de contrôle des assurances exerce à l'égard des entreprises d'assurances d'une part, une mission de surveillance et de contrôle prévue par l'article L. 310-12 du code des assurances, d'autre part une mission disciplinaire de caractère juridictionnel, prévue par l'article L. 310-18 du même code. La responsabilité de l'Etat, du fait de la mission de surveillance et de contrôle exercée par la Commission de contrôle des assurances peut être engagée sur le fondement d'une faute simple. En revanche, la responsabilité de l'Etat, du fait de la mission disciplinaire de caractère juridictionnel, exercée par cette commission ne peut être engagée que sur le fondement d'une faute lourde. En l'espèce, aucune faute n'a été retenue à l'encontre de l'Etat du fait de l'activité de la commission ni dans sa mission de contrôle, ni dans sa mission disciplinaire.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - CAResponsabilité de l'Etat à raison de la mission de surveillance et de contrôle de la Commission de contrôle des assurances (article L - 310-12 du code des assurances).

60-01-02-02-02 La responsabilité de l'Etat du fait de la mission de surveillance et de contrôle, exercée par la commission de contrôle des assurances en vertu de l'article L. 310-12 du code des assurances, peut être engagée sur le fondement d'une faute simple. En l'espèce, absence de faute.

- RJ3 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE LOURDE - CAResponsabilité de l'Etat à raison de la mission disciplinaire de la Commission de contrôle des assurances (article L - 310-18 du code des assurances).

60-01-02-02-03 La responsabilité de l'Etat du fait de la mission disciplinaire de caractère juridictionnel exercée par la commission de contrôle des assurances en vertu de l'article L. 310-18 du code des assurances, ne peut être engagée que sur le fondement d'une faute lourde.


Références :

Arrêté du 03 février 1988
Code des assurances L310-18, L310-12, L310-16, L310-17
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1. Sol. inf. par CE, 2002-02-18, Groupe Norbert Dentressangle, n° 214179, à mentionner aux Tables. 2.

Rappr. pour la Commission bancaire CAA de Paris, 1999-03-30, El Shikh, p. 505, et CE, Ass., 2001-11-30, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Epoux Kechichian et autres, n° 219562, à publier au Recueil. 3. Sol. conf. par CE, 2002-02-18, Groupe Norbert Dentressangle, n° 214179, à mentionner aux Tables


Composition du Tribunal
Président : M. Fournier de Laurière
Rapporteur ?: M. Bataille
Rapporteur public ?: Mme Heers

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-07-13;96pa02356 ?
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