(5ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 1997, présentée par l'association "INVITATION A LA VIE" , dont le siège social est ..., représentée par son président ; l'association "INVITATION A LA VIE" demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n° 9300644/1 en date du 29 octobre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris ne lui a accordé qu'une réduction insuffisante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 et de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987, et a rejeté sa demande de décharge de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et de la taxe d'apprentissage auxquels elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
3 ) de prononcer le sursis à exécution du jugement ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 1999 :
- le rapport de M. BOSSUROY, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 12 mars 1997, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement des cotisations de taxe sur les salaires que l' association "INVITATION A LA VIE" avait acquittées au titre des années 1985, 1986 et 1987 ; que les conclusions de la requête de l'association "INVITATION A LA VIE " relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne le principe de l'imposition au regard du caractère lucratif de l'association :
Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article 206 du code général des impôts que sont passibles de l'impôt sur les sociétés notamment les personnes morales se livrant à une exploitation de caractère lucratif ; que ces mêmes personnes sont également passibles de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés et de la taxe d'apprentissage sur le fondement des dispositions des articles 222 septies et 224 du même code ; qu'enfin, certaines opérations réalisées par les organismes sans but lucratif sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée par les dispositions du 1 du 7 de l'article 261 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l' association "INVITATION A LA VIE", créée en 1983 à l'initiative notamment de Mme Yvonne Y... et qui a pour objet "d' uvrer au développement spirituel et harmonieux de l'être humain et de favoriser son épanouissement, l'accomplissement bénéfique de sa vie et sa plénitude, par l'accueil, l'assistance, l'écoute et le partage", organise des pèlerinages, des séminaires, et diverses manifestations, et diffuse un bulletin d'information, des livres et des cassettes ; que, Mme Y..., membre fondateur et principale animatrice de l'association, recevait au cours des années en litige une rémunération de 12.000 F par mois ; que l'activité de la société en nom collectif "Itinéraires", dont les résultats ont été bénéficiaires en 1986 et 1987, et dont M. Philippe Y..., fils de Mme Yvonne Y... et autre membre fondateur de l'association, était associé, était assurée par l'organisation des pèlerinages proposés par l'association et payés à ladite société par les adhérents, à des prix au demeurant supérieurs à ceux du secteur ; que la gestion de l'association, par les bénéfices directs et indirects qu'elle procure à deux de ses membres fondateurs, ne peut ainsi être regardée comme désintéressée ; que l'association a, par suite, le caractère d'un organisme à but lucratif redevable de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et de la taxe d'apprentissage et ne bénéficiant pas de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par les dispositions précitées ;
Considérant, par ailleurs, que l'existence d'une gestion non désintéressée conférant un caractère lucratif à l'ensemble des activités de l'association, celle-ci ne saurait soutenir qu'il y aurait lieu d'isoler un secteur d'activité non imposable, pour les recettes autres que celles provenant de la vente de livres et de cassettes, sur le fondement de l'article 271 du code général des impôts et de l'article 213 de l'annexe II audit code, pour la taxe sur la valeur ajoutée, et de la note du 27 mai 1977 référencée 4 H-2-77 reprenant la réponse ministérielle à M. X... du 29 octobre 1955, pour l'impôt sur les sociétés ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
S'agissant de la vérification de comptabilité :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : " une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification" ; que l'association "INVITATION A LA VIE" a reçu le 10 mai 1988 l'avis de vérification de comptabilité prévu par ce texte ; que la circonstance que le vérificateur a dressé dès le 18 mai 1988, premier jour de son intervention, un procès-verbal constatant l'irrégularité de la comptabilité au regard, notamment, des règles applicables aux commerçants, n'est nullement de nature à établir qu'il aurait effectué avant l'envoi de l'avis des investigations caractérisant une vérification de comptabilité ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la vérification contestée : "Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1 Les entreprises dont l'activité principale est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 3.000.000 F ; 2 Les autres entreprises industrielles et commerciales, lorsque leur chiffre d'affaires n'excède pas 900 000 F" ; qu'il ressort de ces dispositions que, lorsque l'activité d'une entreprise ressortit à la fois aux deux catégories ci-dessus, la limitation à trois mois de la durée de la vérification ne s'applique qu'à la double condition que le chiffre d'affaires global n'excède pas 3 millions de francs et que le chiffre d'affaires afférent aux opérations autres que celles du 1 ne dépasse pas lui-même 900.000 F ; qu'une vérification globale de plusieurs exercices peut durer plus de trois mois dès lors que le chiffre d'affaires d'un seul d'entre eux excède les limites ainsi fixées ; qu'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la requérante a dépassé le seuil de 900.000 F au cours des années 1986 et 1987 pour les opérations relevant du 2° de l'article précité ; que l'association ne saurait se prévaloir, en tout état de cause, des dispositions de la documentation administrative référencée 13 L-1313 qui, concernant la procédure d'imposition, ne contient aucune interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L.80 A du livre des procédues fiscales ; que, dès lors, l'association n'est pas fondée à soutenir que la procédure de vérification serait irrégulière pour avoir duré plus de trois mois ;
Considérant, enfin, que la circonstance que le vérificateur, à l'occasion des opérations de vérification a recueilli certaines informations sur le fonctionnement de l'organisme auprès d'une de ses salariés, hors de la présence des responsables de l'association ou de son conseil, ne constitue pas un vice de procédure ;
S'agissant de la procédure de redressement :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation" ; que la notification qui a été adressée le 2 décembre 1988 à l'association contient l'ensemble des motifs de droit et de fait retenus par le vérificateur à l'appui des redressements envisagés ; qu'elle indique notamment les éléments conduisant à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, en précisant suffisamment, en particulier, s'agissant des voyages organisés pour les membres de l'association par la société "Itinéraires", les comparaisons de prix effectuées avec les prestations offertes par d'autres entreprises, ainsi que les motifs des redressements relatifs aux amortissements ; que la notification de redressements répond ainsi aux prescriptions de l'article précité, nonobstant la circonstance qu'ultérieurement, à l'occasion d'un entretien du 15 juillet 1991 avec l'interlocuteur départemental, ou en réponse aux réclamations, le service n'a pas repris certains des motifs initiaux ou en a avancé d'autres ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas contesté que l'association n'a pas demandé, avant la mise en recouvrement des impositions, communication des documents sur lesquels le vérificateur s'est fondé pour établir les comparaisons tarifaires exposées dans la notification de redressements ; qu'elle ne saurait dès lors soutenir qu'en ne lui communiquant pas ces documents, l'administration aurait méconnu le caractère contradictoire de la procédure, et violé les droits de la défense ainsi que les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ne sont, en tout état de cause, pas applicables aux procédures autres que juridictionnelles ;
Considérant, enfin, que l'association "INVITATION A LA VIE" ne saurait soutenir que la procédure d'imposition aurait été dépourvue de caractère contradictoire du fait que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires serait, selon elle, radicalement viciée, qu'une amende prévue par l'article 1763 A du code général des impôts a été mise à sa charge avant de faire l'objet d'un dégrèvement, et qu'elle a cru devoir saisir le médiateur de la République ;
En ce qui concerne le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S'agissant de l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de certaines recettes :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de bien meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel" et qu'aux termes de l'article 266-1 du même code : "La base d'imposition est constituée : a) Pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni le produit des dons, quêtes et collectes, comptabilisé par l'association sous la rubrique "assistance", ni les cotisations versées par les membres ne correspondent à des prestations de service individualisables fournies aux parties versantes ; qu'ils sont ainsi sans lien direct avec les avantages que ces dernières sont susceptibles de retirer de l'activité de l'association ; que, par ailleurs, le seul fait que les cotisations, pour certaines catégories de membres, donnaient accès aux activités de l'association sans leur conférer de voix délibérative aux assemblées générales, ne suffit pas à les considérer comme un complément du prix des prestations qui, tels notamment les séminaires faisaient, par ailleurs, l'objet de règlements spécifiques par leurs bénéficiaires ; qu'il y a lieu, par suite, de réduire la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée contestée du montant de ces dons, quêtes, collectes et cotisations ;
S'agissant du montant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : "1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération" et qu'aux termes de l'article 273 du même code : "Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271" ; qu'aux termes de l'article 223 de l'annexe II audit code, pris sur le fondement des dispositions précitées : "I. La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs " ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a refusé la déduction de la taxe correspondant à des achats pour lesquels l'association n'a pu présenter de facture, même si elle a par ailleurs accepté la déduction de ces charges du résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ;
En ce qui concerne la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en application de l'article 209 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 2° les amortissements réellement effectués par l'entreprise Les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 273 fixent les conséquences des déductions prévues à l'article 271 sur la comptabilisation et l'amortissement des biens" et qu'aux termes de l'article 229 de l'annexe II audit code, pris en application de ces dispositions : "Les biens d'investissement ouvrant droit à déduction sont inscrits dans la comptabilité de l'entreprise pour leur prix d'achat ou de revient, diminué de la déduction à laquelle ils ouvrent droit " ; qu'il suit de là que l'association n'est pas fondée à soutenir que les amortissements de ses immobilisations auraient dû être calculés sur la base d'un prix d'achat ou de revient comprenant la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle ne peut non plus prétendre à la déduction au titre de l'année 1987 de l'intégralité de la valeur nette comptable desdites immobilisations en invoquant une prétendue recommandation de la compagnie des commissaires aux comptes qui serait, en tout état de cause, inopposable à l'administration ;
Considérant, d'autre part, que l'association ne produit aucun élément de nature à justifier que les dotations aux provisions d'un montant de 200.000 F auxquelles elle a procédé à la clôture de chacun des exercices 1985 et 1986 étaient destinées à faire face au futur déménagement de ses locaux ; qu'elle n'est, en outre, pas fondée à soutenir que le service aurait procédé par erreur à un double redressement irrégulier en réintégrant chacune de ces dotations dans les résultats des exercices 1985 et 1986 ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L.77 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : "En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, les contribuables peuvent demander que le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent aux opérations d'un exercice donné soit déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice" ; qu'en réponse à la réclamation présentée par l'association "INVITATION A LA VIE" en matière d'impôt sur les sociétés, l'administration a déduit de l'assiette de cette imposition les rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à la requérante au titre des années 1985, 1986 et 1987 et a prononcé le 10 décembre 1992 les dégrèvements correspondants ; que cette dernière ne saurait dès lors soutenir qu'elle n'aurait pas bénéficié des dispositions précitées au titre de l'année 1985 ; que, par ailleurs, la base de l'impôt sur les sociétés en litige ayant été déterminée à partir de recettes retenues pour leur montant hors taxes, l'association ne peut davantage soutenir que le service n'aurait pas pu ajouter à cette base le profit correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée non acquittée, au motif que ladite taxe a été comptabilisée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association "INVITATION A LA VIE" est seulement fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé une réduction insuffisante des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer à l'association "INVITATION A LA VIE" la somme de 7.000 F ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge de la taxe sur les salaires acquittée par l'association " INVITATION A LA VIE" au titre des années 1985, 1986 et 1987.
Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels l'association "INVITATION A LA VIE" a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 sont réduits de 601.499 F en droits en principal et des pénalités y afférentes.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 9300644/1 en date du 29 octobre 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à l' association "INVITATION A LA VIE" une somme de 7.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.