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10/06/1999 | FRANCE | N°97PA02612

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 10 juin 1999, 97PA02612


(5ème chambre)
VU, enregistré le 16 septembre 1997, l'arrêt du Conseil d'Etat n 124.780 annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n 89PA01659 en date du 19 février 1991 faisant partiellement droit à la requête de M. Jean Y..., demeurant ..., tendant à l'annulation du jugement n s 61664/2 et 8705984/2 du 24 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1979 ;
VU la requête, présentée pour M. Jean Y..., par Me LE L

ORRAIN, avocat ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 5 mai 19...

(5ème chambre)
VU, enregistré le 16 septembre 1997, l'arrêt du Conseil d'Etat n 124.780 annulant l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris n 89PA01659 en date du 19 février 1991 faisant partiellement droit à la requête de M. Jean Y..., demeurant ..., tendant à l'annulation du jugement n s 61664/2 et 8705984/2 du 24 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1979 ;
VU la requête, présentée pour M. Jean Y..., par Me LE LORRAIN, avocat ; elle a été enregistrée au greffe de la cour le 5 mai 1989 ; M. Y... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n s 61664/2 et 8705984/2 du 24 novembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des compléments d'impôts sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1977 à 1979 ;
2 ) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 1999 :
- le rapport de M. BOSSUROY, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'article 35 de la loi n 89-936 du 29 décembre 1989 qu'en cas de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble la demande au contribuable des relevés de compte dans l'avis de vérification ou simultanément à l'envoi ou à la remise de cet avis, ainsi que l'envoi ou la remise de toute demande de renseignements en même temps que cet avis, sont sans influence sur la régularité de la procédure lorsque celle-ci a été engagée avant la date d'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. Y... de ce que l'administration lui a envoyé simultanément le 13 février 1981 un avis de vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, des demandes de renseignement sur son train de vie et des demandes d'information est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Y... ne peut utilement invoquer le contenu d'une instruction administrative parue au Bulletin officiel de la direction générale des impôts 13.L.6.88 qui, traitant de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peut pas être regardée comme comportant une "interprétation de la loi fiscale" au sens des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, que si la demande formée à l'occasion d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ne revêt pour le contribuable aucun caractère contraignant, il ne ressort pas des dispositions de l'article 1649 septies du code général des impôts alors applicable, que l'avis du vérificateur informant préalablement le contribuable doive mentionner expressément, sous peine d'irrégularité de la procédure, l'absence pour l'intéressé de toute obligation de fournir les documents demandés ;
Considérant, en quatrième lieu, que le fait d'aviser un contribuable qu'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble sera entreprise ne crée pas pour l'administration d'obligation d'engager avec lui un débat oral sur les renseignements qu'il recueille ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aucune disposition n'impose à l'administration, au cours d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, de délivrer au contribuable lors de la communication des pièces puis de leur restitution un inventaire détaillé des documents remis ;

Considérant, enfin, qu'il ressort de l'article L.50 du livre des procédures fiscales que l'administration ne peut plus, après avoir porté le résultat d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble à la connaissance d'un contribuable, procéder à un redressement pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable n'ait fourni à l'administration des éléments incomplets ou inexacts ; qu'il résulte de l'instruction que si l'administration, postérieurement à la notification du 18 décembre 1982 portant à la connaissance de M. Y... les résultats de la vérification entreprise, lui a adressé deux autres notifications les 7 septembre 1983 et 16 mars 1984, elle n'a toutefois procédé à aucun rehaussement des bases imposables, par rapport aux bases notifiées le 18 décembre 1982 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L.50 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur les revenus d'origine indéterminée :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il ressort des dispositions des articles 176 et 179 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable aux impositions contestées, que l'administration peut demander au contribuable des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que celui-ci peut avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de sa déclaration, et qu'en cas de défaut de réponse, le contribuable est taxé d'office à l'impôt sur le revenu ;
Considérant, en premier lieu, que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que la demande de justifications qui lui a été adressée le 29 juin 1981 serait irrégulière en ce qu'elle lui a été envoyée antérieurement à la restitution par l'administration de ses relevés de comptes bancaires qu'il lui avait préalablement communiqués, dès lors que l'imposition qui lui a été appliquée procède d'une absence de réponse à des demandes ultérieures de justifications des 12 novembre 1981 et 26 janvier 1982 présentées postérieurement à la restitution le 23 juillet 1981 desdits documents ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'eu égard à la sanction qui, par l'effet des dispositions du 2ème alinéa de l'article 179 du code général des impôts, est attachée au défaut de production par le contribuable, dans le délai assigné, des justifications qui lui sont demandées, l'administration ne peut adresser au contribuable la demande de justifications dont s'agit que si elle a, au préalable, restitué à l'intéressé les documents que celui-ci lui a remis à l'occasion de la vérification approfondie de sa situation fiscale ; qu'en l'espèce, il est constant que l'administration n'avait pas restitué à M. Y... sa correspondance du 13 octobre 1981 comportant le détail des comptes courants pendant les années 1977 à 1979 dans la "Société d'Entretien et de Fabrication", (SEF) et dans la "Société des Vedettes de Paris et d'Ile-de-France" lorsqu'elle lui a adressé le 26 janvier 1982 une demande de justifications portant sur un apport de 170.295 F opéré en décembre 1979 sur son compte courant dans la société SEF ; que, par suite, cette demande a été formulée dans des conditions irrégulières ; qu'il y a lieu, dès lors, de réduire la base imposable des revenus d'origine indéterminée relative à l'année 1979 d'une somme de 170.295 F ;

Considérant, en troisième lieu, que si l'administration est tenue de fournir la méthode qu'elle a suivie pour déterminer les bases d'imposition d'office, aucune disposition n'impose au service d'indiquer dans la demande de justifications les modalités selon lesquelles elle a déterminé l'enrichissement tenu pour injustifié du contribuable ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a établi au titre de l'année 1977 une balance de trésorerie limitée aux mouvements en espèces faisant ressortir un solde inexpliqué de 753.427 F ; qu'elle était ainsi en droit de présumer l'existence de revenus non déclarés ; que s'il ressort de l'examen du tableau par lequel le vérificateur a fait apparaître le déséquilibre de la balance de trésorerie que l'évaluation des dépenses de train de vie ne se réfère pas au montant total desdites dépenses et à celui réglé par chèques, cette imprécision ne privait pas toutefois le requérant de la possibilité de donner des réponses circonstanciées sur l'enrichissement tenu pour injustifié ; que, pour le surplus, M. Y... n'établit pas le caractère sommaire des évaluations administratives et soutient vainement avoir disposé de revenus plus importants que les emplois d'espèces retenus par l'administration dès lors que celle-ci a pris uniquement en considération les mouvements espèces et que les emplois d'espèces ainsi retenus sont supérieurs aux disponibilités espèces dont le contribuable a disposé ;
Considérant, en cinquième lieu, que si M. Y... soutient que les sommes de 150.000 F et 220.000 F retenues par l'administration lui ont été prêtées, il n'est pas contesté qu'il n'a pas apporté dans le délai de trente jours qui lui était imparti, par les demandes des 13 novembre 1981 et 27 janvier 1982, les justifications sollicitées ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que le contribuable, régulièrement taxé d'office, ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de la cotisation qui lui a été assignée qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant que si M. Y... soutient que les sommes de 150.000 F et 220.000 F représentent des prêts qui lui auraient été consentis par des proches, il n'a versé à l'instance aucun acte ayant acquis date certaine ; qu'il ne peut utilement se prévaloir d'actes sous-seing privé postérieurs aux prétendues opérations ;
Sur l'imposition des rémunérations de M. Y... :
Considérant que s'il n'est pas contesté que M. Y... dispose au sein de la société dont Mme Y... est gérante statutaire d'une participation majoritaire et d'une procuration bancaire sur les comptes, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'il a participé étroitement à la gestion de la société ; que M. Y... ne peut donc être regardé comme gérant de fait ; qu'ainsi les rémunérations perçues par M. Y... ne peuvent être imposées suivant les règles de l'article 62 du code général des impôts applicable aux gérants majoritaires ; que, par suite, il y a lieu de réduire les bases d'imposition en litige de 90.010 F pour 1977, 94.878 F pour 1978 et 96.999 F pour 1979 ;
Sur les revenus des capitaux mobiliers :

Considérant qu'une somme de 20.000 F mise à la disposition de X... Simon en 1979 a été considérée comme un revenu distribué taxé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que si l'administration avait également compris cette somme dans la balance espèces afférente à l'année 1979 il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas taxé le solde de la balance espèces établi pour ladite année ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette somme a fait l'objet d'une double taxation ;
Considérant que le requérant n'a produit aucune pièce justificative de nature à établir que la somme susmentionnée correspond à des remboursements de frais que Mme Y... aurait engagés pour le compte de la "Société des Vedettes de Paris et d'Ile-de-France" ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'il ressort des articles 1728 et 1730 du code général des impôts alors applicables que les intérêts de retard sont dus de plein droit sur la base de l'imposition à laquelle ils s'appliquent dès lors que l'insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d'imposition ; qu'ils n'impliquent ainsi aucune appréciation par l'administration fiscale du comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'action de l'administration n'est pas atteinte par la prescription au moment où elle met en recouvrement les droits omis, les intérêts légalement applicables ne peuvent être eux-mêmes atteints par la prescription Considérant que les impositions supplémentaires litigieuses correspondent à une insuffisance de déclaration excédant le dixième de la base d'imposition ; que, par suite, l'administration était fondée, par une décision du 2 juin 1988, à substituer les intérêts de retard aux pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'à la date de mise en recouvrement de ces impositions l'action de l'administration n'était pas atteinte par la prescription, laquelle avait été interrompue par les notifications de redressements du 23 décembre 1981 pour l'année 1977 et 18 décembre 1982 pour les années 1978 et 1979 ;
Considérant que M. Y... ne peut utilement se prévaloir sur la base de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'une instruction administrative, du 25 mars 1970, dans les prévisions de laquelle n'entrent pas les rappels de droit résultant de la mise en oeuvre d'une procédure de taxation d'office ;
Considérant, enfin, que le montant des intérêts de retard assignés à M. Y... au titre de l'année 1977 doit être limité à celui des pénalités mises en recouvrement pour ladite année ;
Article 1er : Les bases des compléments de l'impôt sur le revenu assignés à M. Y... sont réduites, dans la catégorie des rémunérations des gérants majoritaires d'une somme de 90.010 F au titre de l'année 1977, de 94.878 F au titre de l'année 1978 et de 96.999 F au titre de l'année 1979 et, au titre des revenus d'origine indéterminée, d'une somme de 170.295 F au titre de l'année 1979.
Article 2 : M. Y... est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie aux articles ci-dessus.
Article 3 : Le montant des intérêts de retard assignés à M. Y... au titre de l'année 1977 est limité au montant des pénalités mises en recouvrement pour ladite année 1977.
Article 4 : M. Y... est déchargé de la différence entre le montant des intérêts de retard qui lui ont été assignés au titre de l'année 1977 et celui résultant de l'article 4 ci-dessus.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 novembre 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA02612
Date de la décision : 10/06/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REMUNERATION DES GERANTS MAJORITAIRES.


Références :

CGI 1649 quinquies E, 1649 septies, 176, 179, 62, 1728, 1730, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L80 A, L50
Loi 89-936 du 29 décembre 1989 art. 35


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOSSUROY
Rapporteur public ?: M. HAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-10;97pa02612 ?
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