La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1999 | FRANCE | N°98PA02797

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 03 juin 1999, 98PA02797


(2ème chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 6 août 1998, la requête présentée pour Mme Mathilde Y..., domiciliée ..., par Me X..., avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96 18046/1 en date du 5 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteurs décernés à son encontre , les 17 et 24 juillet 1996, par le trésorier principal de Paris (19ème arrondissement, 2ème division) auprès de la BRED Ban

que Populaire et du CIC pour avoir le paiement d'une somme de 2.390.537 F ...

(2ème chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 6 août 1998, la requête présentée pour Mme Mathilde Y..., domiciliée ..., par Me X..., avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96 18046/1 en date du 5 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de trois avis à tiers détenteurs décernés à son encontre , les 17 et 24 juillet 1996, par le trésorier principal de Paris (19ème arrondissement, 2ème division) auprès de la BRED Banque Populaire et du CIC pour avoir le paiement d'une somme de 2.390.537 F ;
2 ) de la décharger de l'obligation de payer cette somme de 2.390.537 F ;
3 ) de prononcer la mainlevée des trois avis à tiers détenteurs en date du 17 juillet 1996 et du 24 juillet 1996 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 1999 :
- le rapport de M. MORTELECQ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par trois avis à tiers détenteurs en date des 17 et 24 juillet 1996 délivrés par le trésorier principal de Paris (19ème arrondissement, 2ème division) auprès de la BRED Banque Populaire et du CIC, Mme Y... a été recherchée en paiement d'une somme de 2.390.537 F correspondant au solde des majorations pour paiement tardif des compléments d'impôt sur le revenu dont elle restait débitrice au titre des années 1977 à 1980 et de l'année 1982, à des frais de commandement et de saisie et à des intérêts moratoires liquidés respectivement le 1er octobre 1993 et les 15 février, 8 et 28 juillet 1994, en application des dispositions de l'article L.209 du livre des procédures fiscales, à la suite de la notification, le 22 juin 1987, d'un jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 1987 rejetant la demande de l'intéressée tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre des années 1977 à 1980 ; que Mme Y... demande que soit prononcée en sa faveur la décharge de l'obligation de payer la somme de 2.390.537 F résultant de ces trois avis à tiers détenteurs ainsi que, par ailleurs, la mainlevée de ces mêmes trois avis à tiers détenteurs ; qu'elle demande, en outre, qu'il lui soit accordé le remboursement d'une somme de 6.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 2.390.537 F :
Sur le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement :
Considérant qu'aux termes de l'article L.274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription" ; que si, en vertu des dispositions de l'article L.281 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives à la régularité en la forme des actes de poursuite doivent être portées devant le juge judiciaire, il appartient, toutefois, à la juridiction administrative, seule compétente, selon le même texte, pour connaître des contestations portant sur l'exigibilité des sommes réclamées, d'apprécier, le cas échéant, si un acte de poursuite antérieur à celui qui a provoqué l'opposition du contribuable a pu, eu égard aux conditions dans lesquelles il a été signifié à ce dernier, interrompre le cours de la prescription ; que, par ailleurs, aux termes de l'article R.281-2 du livre des procédures fiscales : "La demande prévue par l'article R.281-1 doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif" ;

Considérant, en premier lieu, en ce qui concerne les compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme Y... a été assujettie au titre des années 1977 à 1980 et de l'année 1982, qu'il résulte de l'instruction que des commandements ont été notifiés à l'intéressée les 16 mai 1984, 4 octobre 1988 et 13 octobre 1992 puis des avis à tiers détenteurs les 18 novembre 1993, 17 juillet 1996 et 24 juillet 1996 ; que, dès lors que l'administration reconnaît dans ses écritures ne pas être en mesure d'établir, faute d'avoir trouvé l'avis de réception postal de ce commandement, la matérialité et la réalité de la notification du commandement du 4 octobre 1988, celui-ci n'a donc pu interrompre le délai de quatre ans visé à l'article L.274 du livre des procédures fiscales qui avait été ouvert par l'envoi du précédent commandement ; que le premier acte de poursuite permettant à Mme Y... d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement était, en conséquence, le commandement du 13 octobre 1992 ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article R.281-2 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement invoqué par Mme Y... à l'encontre des avis à tiers détenteurs attaqués du 17 juillet 1996 et du 24 juillet 1996, qui ne sont pas les premiers actes de poursuites permettant d'invoquer ce motif, n'est pas recevable en tant qu'il concerne les majorations pour paiement tardif afférentes aux compléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 1977 à 1980 et de l'année 1982 ;
Considérant, en deuxième lieu, en ce qui concerne les frais de commandement de 67.103 F et les frais de saisie de 111.839 F, qu'il résulte de l'instruction que leur paiement a été régulièrement réclamé à Mme Y..., pour la première fois, lors de la délivrance de douze avis à tiers détenteur décernés à son encontre le 18 novembre 1993 préalablement aux trois avis à tiers détenteurs attaqués dans la présente instance ; que, dès lors, ces avis à tiers détenteur délivrés le 18 novembre 1993 constituaient, au sens des dispositions précitées de l'article R.281-2 du livre des procédures fiscales, les premiers actes de poursuite qui permettaient à Mme Y... de se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement au regard de ces frais ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir qu'en application des dispositions précitées de l'article R.281-2 du livre des procédures fiscales, le moyen tiré de la prescription de l'action en recouvrement invoqué par Mme Y... à l'encontre des avis à tiers détenteurs attaqués des 17 et 24 juillet 1996, qui ne sont pas les premiers actes de poursuites permettant d'invoquer ce motif, n'est pas recevable en tant qu'il concerne les frais de commandement et les frais de saisie ;

Considérant, en troisième lieu, en ce qui concerne les intérêts moratoires, qu'il résulte de l'instruction que leur paiement a été réclamé à Mme Y..., pour la première fois, à hauteur d'une somme de 1.999.814 F correspondant aux intérêts liquidés au 1er octobre 1993, lors de la délivrance de douze avis à tiers détenteur décernés à son encontre le 18 novembre 1993, puis, à hauteur d'une somme globale de 2.119.434 F englobant la précédente et comprenant en outre 50.213 F, 68.434 F et 973 F d'intérêts liquidés respectivement au 15 février 1994, au 8 juillet 1994 et au 28 juillet 1994, par les trois avis à tiers détenteur des 17 et 24 juillet 1996 contestés dans la présente instance ; que, par une requête enregistrée sous le n 97PA00278, Mme Y... a contesté l'obligation de payer les intérêts moratoires résultant des avis à tiers détenteur délivrés le 18 novembre 1993 et que, par un arrêt du 4 février 1999, la cour de céans l'a déchargée de cette obligation d'un montant de 1.999.814 F ; qu'à hauteur de la somme de 2.119.434 F, les avis à tiers détenteur délivrés les 17 et 24 juillet 1996 constituent les premiers actes de poursuite qui permettent à la redevable de se prévaloir, au regard de ces intérêts, de la prescription de l'action en recouvrement ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en raison de l'irrégularité de la notification du commandement du 4 octobre 1988, cet acte de poursuite n'a pu valablement interrompre le délai de quatre ans qui avait été ouvert le 22 juin 1987 par la notification du jugement du 21 mai 1987 du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de décharge des impositions, délai qui, de ce fait, avait expiré le 22 juin 1991 ; qu'il suit de là que Mme Y... est fondée à se prévaloir de ce que la prescription était acquise, en ce qui concerne les intérêts moratoires ici en litige, à la date des 17 et 24 juillet 1996 à laquelle ont été décernés les avis à tiers détenteur contestés ; qu'il y a lieu, en conséquence, de lui accorder décharge de l'obligation de payer la somme de 2.119.434 F ; que, pour y faire échec, le ministre ne saurait utilement invoquer ni le fait que la requérante a, alors que la prescription était déjà acquise, effectué des règlements en vue de solder l'impôt, ni celui qu'elle a, le 13 juillet 1994, sollicité une remise gracieuse des intérêts moratoires, ni faire valoir que, dès lors que les intérêts moratoires ne constituent que l'accessoire des compléments d'impôts, il ne peuvent être atteints par la prescription tant que les impositions auxquelles ils se rapportent ne le sont pas ;
Sur les autres moyens invoqués :
Considérant, en premier lieu, que si Mme Y... soutient qu'elle ne doit aucune des sommes réclamées en paiement au motif qu'elle aurait réglé la totalité des droits et pénalités relatifs à l'impôt sur le revenu de l'année 1978, il résulte de l'instruction, notamment d'un bordereau de situation en date du 28 août 1996, que ce moyen manque en fait, Mme Y... restant redevable, au titre de majorations pour paiement tardif et de frais de saisie et de commandement, des sommes qui lui sont réclamées ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que Mme Y... ait présenté une réclamation contre une pénalité appliquée en ce qui concerne l'impôt sur le revenu de l'année 1992 est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité des avis à tiers détenteurs attaqués en date des 17 et 24 juillet 1996 dès lors que ce moyen relatif à l'assiette de l'imposition ne peut être invoqué à l'appui d'un contentieux relatif au recouvrement ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la somme de 2.088.441 F, mentionnée sur les avis à tiers détenteurs attaqués des 17 et 24 juillet 1996, intègre le montant des compléments d'impôt sur le revenu dus au titre des années 1977 à 1980 ainsi que celui des amendes fiscales infligées pour 1979 et 1980 ; que le moyen tiré de ce que cette somme est identifiée à tort, sur ces avis, sous la seule référence "IR 78", et ne correspond pas, de ce fait, à celle figurant sur l'avis d'imposition de l'année 1978, a trait à la régularité en la forme de l'acte de poursuite et ne relève donc pas de la compétence de la juridiction administrative ; qu'il n'est, par ailleurs, pas allégué que les sommes ainsi recherchées en paiement ne seraient pas exigibles ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de ce que le montant des frais serait erroné est dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, il doit être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme Y... n'est que partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer une somme de 2.390.537 F résultant des trois avis à tiers décernés à son encontre les 17 et 24 juillet 1996 ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la mainlevée des trois avis à tiers détenteurs en date du 17 juillet 1996 et du 24 juillet 1996 :
Considérant qu'il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire, juge de l'exécution, de se prononcer sur une telle demande ; que, par suite, les conclusions tendant à la mainlevée des trois avis à tiers détenteur litigieux doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme Y... tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à Mme Y... une somme de 5.000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Mme Y... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 2.119.434 F, correspondant aux intérêts moratoires réclamés par les trois avis à tiers détenteur ci-dessus indiqués.
Article 2 : Le jugement n 96 18046/1 en date du 5 mars 1998 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a contraire au présent arrêt .
Article 3 : L'Etat versera à Mme Y... une somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA02797
Date de la décision : 03/06/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-05-01-005 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - PRESCRIPTION


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L209, L274, L281, R281-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MORTELECQ
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-03;98pa02797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award