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03/06/1999 | FRANCE | N°97PA01362

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 03 juin 1999, 97PA01362


(2ème chambre A)
VU, enregistrée le 29 mai 1997 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. et Mme Eric X..., demeurant ..., 95140, Farges-lès-Gonesses, par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 882250 du 17 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983, ainsi que des pénalités y afférentes, et au remboursement des frais

exposés ;
2 ) de leur accorder la décharge sollicitée ainsi que le remb...

(2ème chambre A)
VU, enregistrée le 29 mai 1997 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. et Mme Eric X..., demeurant ..., 95140, Farges-lès-Gonesses, par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 882250 du 17 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983, ainsi que des pénalités y afférentes, et au remboursement des frais exposés ;
2 ) de leur accorder la décharge sollicitée ainsi que le remboursement des frais exposés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 1999 :
- le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Moradisc, qui exploite un fonds de commerce de vente de disques et cassettes et dont M. X... est le gérant, M. et Mme X... ont fait l'objet d'une vérification approfondie de leur situation fiscale d'ensemble portant sur les années 1980, 1981, 1982 et 1983 ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; qu'aux termes de l'article L.69 du même livre " ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16" ; qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier, dans le cas où l'administration s'est fondée, pour demander des justifications au contribuable, sur la constatation de discordances entre ses revenus déclarés et le total des crédits inscrits à ses comptes bancaires, que celles-ci sont suffisantes pour établir que l'intéressé a pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés et, dans le cas où l'administration s'est fondée, aux mêmes fins, sur l'existence d'un déséquilibre entre les ressources connues du contribuable et le montant des disponibilités qu'il a engagées, que celui-ci présente un caractère significatif et ne résulte pas, en particulier, d'une évaluation excessive des dépenses de train de vie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans sa demande de justifications adressée le 8 juillet 1984 à M. et Mme X..., l'administration, après leur avoir indiqué que la balance de leurs revenus connus et de leurs dépenses connues dégageait un solde traduisant un important excédent des dépenses par rapport aux recettes, d'un montant de 18.784 F pour l'année 1980, de 101.957 F pour l'année 1981, de 142.764 F pour l'année 1982 et de 358.370 F pour l'année 1983, a demandé aux intéressés de lui communiquer l'origine des sommes portées, au cours de chacune de ces années, au crédit de leurs comptes bancaires, de leurs comptes épargne et du compte courant de M. X... dans la société Moradisc pour des montants respectifs de 101.430 F, 121.737 F, 462.682 F et 940.899 F ; que, par une notification de redressements du 27 novembre 1984, le vérificateur, estimant insuffisante la réponse faite à la demande de justifications par M. et Mme X..., a taxé d'office les remises en banque non justifiées et les a imposées pour partie dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre de la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1980 pour un montant de 48.074 F, et, pour le reste des sommes en cause, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre de la période allant du 1er octobre au 31 décembre 1980 et, au titre des années 1981, 1982 et 1983, pour les montants respectifs de 53.356 F, 121.757 F, 462.682 F et 940.899 F ; que, dans sa réponse aux observations du contribuable, le vérificateur n'a maintenu que partiellement la taxation des montants ci-dessus indiqués dans cette catégorie des revenus de capitaux mobiliers et retenu, pour le surplus, la qualification de revenus d'origine indéterminée à hauteur de 9.200 F au titre de l'année 1981, de 40.691 F au titre de l'année 1982 et de 254.000 F au titre de l'année 1983 ;
En ce qui concerne la régularité de la mise en oeuvre de l'article L.16 du livre des procédures fiscales :
. S'agissant de l'année 1980 :
Considérant que le déséquilibre de la balance de trésorerie relevé par l'administration pour un montant de 18.784 F au titre de l'année 1980 n'apparaît pas comme significatif eu égard notamment à la circonstance que l'évaluation de cette balance incluait un train de vie en espèces estimé forfaitairement à la somme de 40.000 F ; que ce déséquilibre ne justifiait donc pas l'envoi d'une demande de justifications ; que l'administration ne soutient pas, et qu'il ne résulte d'ailleurs pas du dossier, que le montant des sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. et Mme X... atteignait le double de leurs revenus déclarés ; que ceux-ci sont dès lors fondés à soutenir que l'administration n'avait pas réuni d'éléments suffisants pour lui permettre d'établir qu'ils avaient disposé de revenus plus importants que ceux qu'ils avaient déclarés et, par suite, qu'elle ne pouvait à leur demander des justifications en application des dispositions précitées de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'accorder aux requérants décharge de l'imposition supplémentaire à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1980 ;
. S'agissant de l'année 1981 :

Considérant que si, pour ladite année, l'écart de la balance de trésorerie évalué à 101.957 F pour des ressources connues de 195.565 F apparaît significatif alors même que cette balance incluait des dépenses de train de vie réglées en espèces estimées à 48.000 F, dès lors cependant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a choisi d'inviter les requérants à apporter des justifications sur l'origine des sommes figurant au crédit de leurs différents comptes et non sur le solde inexpliqué de cette balance de trésorerie, elle ne pouvait recourir à la procédure de l'article L.16 qu'à la condition que le total des crédits atteigne le double des revenus déclarés au titre de l'année en cause ; que tel n'était pas le cas, les revenus se montant à 138.274 F alors que les crédits ne s'élevaient qu'à la somme de 121.737 F ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'accorder aux requérants décharge de l'imposition à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 1981 ;
. S'agissant des années 1982 et 1983 :
Considérant que l'administration, qui n'avait pas l'obligation de faire connaître au contribuable les éléments lui permettant d'établir que celui-ci avait pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés et qui, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, a interrogé les requérants sur les crédits figurant sur leurs différents comptes, fait valoir que ces crédits s'élevaient à 462.682 F pour l'année 1982 et à 940.899 F pour l'année 1983 alors que les revenus déclarés s'élevaient respectivement aux montants de 179.636 F et de 198.504 F ; qu'elle justifie ainsi qu'elle disposait d'éléments lui permettant d'établir que les intéressés avaient pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'ils avaient déclarés et qu'elle était ainsi en droit d'engager à leur encontre la procédure prévue à l'article L.16 pour ces deux années ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure de la mise en oeuvre de l'article L.69 du livre des procédures fiscales :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir estimé insuffisantes les réponses apportées par M. et Mme X... à sa demande de justifications, le vérificateur a, par une notification de redressements du 27 novembre 1984, taxé d'office dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers les sommes de 462.682 F au titre de l'année 1982 et de 940.899 F au titre de l'année 1983 en indiquant qu'elles constituaient des recettes dissimulées provenant de la société Moradisc dont la vérification était alors en cours, et en motivant ces redressements par des éléments tirés des modalités de fonctionnement de cette société dont M. X... était le gérant associé ; qu'à la suite des observations présentées par celui-ci en réponse à cette notification de redressements, faisant état notamment de certaines justifications relatives à l'activité de la société Moradisc, ce même vérificateur a, pour l'année 1982, maintenu la taxation d'office dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 300.060 F et rattaché à la catégorie des revenus d'origine indéterminée, après avoir admis diverses justifications, une somme de 40.691 F ; que, pour l'année 1983, il a, identiquement, maintenu la taxation d'office dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers d'une somme de 639.299 F et rattaché à la catégorie des revenus d'origine indéterminée, après avoir retenu certaines explications, une somme de 254.000 F ; qu'il résulte clairement de ces éléments que l'administration connaissait l'origine des sommes de 300.060 F et de 639.299 F et ne pouvait, en conséquence, sans détourner de son objet cette procédure, avoir recours à la taxation d'office prévue par les dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, et ce alors même que la procédure prévue par les dispositions de l'article L.16 du même livre avait été régulièrement engagée à l'encontre des requérants ; que ceux-ci sont dès lors fondés à soutenir que, à hauteur de ces montants, les redressements ont été établis à la suite d'une procédure irrégulière ; que si, pour faire échec à cette irrégularité, l'administration demande, par la voie d'une substitution de base légale, que la catégorie de revenus d'origine indéterminée soit substituée à celle de revenus de capitaux mobiliers dans laquelle les redressements ont ainsi été irrégulièrement établis, cette demande ne peut être accueillie en l'absence de tout élément de nature à établir que ces sommes n'avaient pas en réalité, et ainsi qu'il ressort du dossier, la nature de revenus catégoriels initialement retenue ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'accorder à M. et Mme X... décharge des impositions auxquelles ils ont été assujettis à concurrence des sommes, en base, de 300.060 F au titre de l'année 1982 et de 639.299 F au titre de l'année 1983 ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction, en ce qui concerne les sommes de 40.691 F et de 254.000 F imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, que les observations présentées par M. X... en réponse à la notification de redressements, si elles établissaient que ces sommes ne provenaient pas de la société Moradisc, n'apportaient aucune justification du caractère non imposable de ces sommes, que M. X... indiquait provenir de réserves de trésorerie résultant d'une activité exercée auparavant à titre individuel ainsi que du produit de la vente en espèces d'un cheptel et de meubles ; que les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l'administration était en mesure de les rattacher à des revenus catégoriels et que ce serait, par suite, irrégulièrement qu'elle les a taxés d'office sur le fondement de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; que, par ailleurs, dès lors que les intéressés n'ont été privés d'aucune des garanties auxquelles ils auraient eu droit si cette qualification de revenus d'origine indéterminée avait été retenue dès l'origine, l'administration pouvait à bon droit, dans sa réponse du 28 mai 1985, et sans être tenue de leur adresser une nouvelle notification de redressements, procéder à une telle modification de motif en regardant ces revenus non plus comme des revenus de capitaux mobiliers mais comme des revenus d'origine indéterminée ;
En ce qui concerne l'absence d'intervention de l'interlocuteur départemental :
Considérant qu'il ressort des dispositions du livre des procédures fiscales que, jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 8 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987, ultérieurement reprises à l'article L.10 de ce livre, qui ont rendu opposables à l'administration les dispositions contenues dans la "Charte des droits et obligations du contribuable vérifié", l'établissement d'impositions supplémentaires à la suite d'une vérification n'était pas soumis à d'autres règles de procédure que celles qui étaient déterminées par les lois et règlements ; que, par suite, M. et Mme X... ne peuvent utilement invoquer le bénéfice de l'instruction administrative 13-L-9-76 du 18 juin 1976, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts du 15 juillet 1976, aux termes de laquelle "aucune imposition supplémentaire ne pourra être mise en recouvrement tant qu'il n'aura pas été statué sur le recours du contribuable auprès de l'interlocuteur départemental" ; qu'en effet, cette disposition de procédure, qui n'était, à la date de la mise en recouvrement des impositions en litige, soit le 31 octobre 1985, pas prévue par le livre des procédures fiscales et ne pouvait être regardée comme édictée par une autorité habilitée à ajouter, sur ce point, aux dispositions du livre des procédures fiscales, était "contraire aux lois et règlements" au sens et pour l'application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 ; que ce moyen doit, en conséquence, être écarté ;
Sur le bien-fondé des redressements :

Considérant qu'il appartient à M. et Mme X..., qui ne démontrent pas avoir, pour les redressements restant en litige, fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office irrégulière, d'établir l'exagération de ces redressements ; qu'ils ne peuvent être regardés comme apportant cette preuve en se bornant à soutenir, sans apporter à cet égard la moindre justification, que les sommes taxées à hauteur de 40.691 F en 1982 et de 254.000 F en 1983 ont été financés par des économies et la vente d'un cheptel "au début des années 1980" ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme X... sont seulement fondés à demander la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les revenu mises à leur charge au titre des années 1980 et 1981 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et au titre des années 1982 et 1983 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les conclusions présentées par M. et Mme X... et tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel relatives au remboursement des frais exposés ne sont pas chiffrées et sont, par suite, irrecevables ;
Article 1er : Décharge est accordée à M. et Mme X... des impositions supplémentaires mises à leur charge dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au titre des années 1980 et 1981 et dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 1982 et 1983 ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le jugement n 88250 du 17 décembre 1996 du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA01362
Date de la décision : 03/06/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP)


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L16, L69, L10
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Instruction du 18 juin 1976 13L-9-76
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 8


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-03;97pa01362 ?
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