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03/06/1999 | FRANCE | N°96PA02941

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 03 juin 1999, 96PA02941


(2ème chambre)
VU, enregistrée le 30 septembre 1996 au greffe de la cour, la requête présentée par M. Philippe NELLEMANN, demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9216648/2-9216649/2 du 18 mars 1996 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités rest

ant en litige ainsi que le remboursement des frais exposés ;
VU les autres ...

(2ème chambre)
VU, enregistrée le 30 septembre 1996 au greffe de la cour, la requête présentée par M. Philippe NELLEMANN, demeurant ... ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9216648/2-9216649/2 du 18 mars 1996 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités restant en litige ainsi que le remboursement des frais exposés ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 1999 :
- le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, premier conseiller,
- les observations de M. NELLEMANN,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. NELLEMANN, qui exerce les fonctions de gérant dans plusieurs sociétés qui ont pour objet l'exploitation de taxis ainsi que dans une société civile immobilière, a fait l'objet en 1988 d'un examen contradictoire de sa situation fiscale d'ensemble portant sur les années 1985 et 1986 à l'issue duquel des redressements lui ont été notifiés le 13 décembre 1988 pour partie selon la procédure de taxation d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et, pour le surplus, selon la procédure contradictoire ;
En ce qui concerne les redressements opérés selon la procédure contradictoire :
Considérant qu'il résulte de l'examen de la demande et des mémoires présentés par M. NELLEMANN devant le tribunal administratif de Paris que le requérant a contesté le refus de l'administration de prendre en compte, pour le calcul de son quotient familial des années 1985 et 1986, l'enfant de sa concubine ; que le tribunal n'a statué sur ces conclusions qu'en ce qui concerne l'année 1985 ; que M. NELLEMANN est dès lors fondé à soutenir que ce jugement est entaché d'une omission à statuer ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler ledit jugement en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de M. NELLEMANN relatives au calcul de son quotient familial de l'année 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en ce qui concerne l'année 1985, de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions de M. NELLEMANN relatives au calcul de son quotient familial et, en ce qui concerne l'année 1986, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée sur ce point par le requérant devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 196 du code général des impôts : "Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : 1 - Ses enfants âgés de moins de dix-huit ans ou infirmes ; 2 Sous les mêmes conditions, les enfants qu'il a recueillis à son propre foyer" ; que M. NELLEMANN demande que soit considéré comme étant à sa charge l'enfant de sa concubine demeurant à son foyer ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la mère de l'enfant exerçait au cours de la période en cause une profession rémunérée et a déclaré au titre des années 1985 et 1986 des salaires pour les montants respectifs de 37.712 F et de 48.696 F ainsi que des revenus de capitaux mobiliers pour les montants respectifs de 18.851 F et de 27.391 F ; que M. NELLEMANN ne peut ainsi être regardé comme ayant eu au cours de ces années la charge exclusive de l'enfant, qui ne peut par suite être considéré, au sens des dispositions précitées de l'article 196, comme ayant été à sa charge ; qu'il n'est dès lors pas fondé à contester le quotient familial retenu pour le calcul de ses cotisations au titre des deux années en cause ;
En ce qui concerne les redressements opérés selon la procédure de taxation d'office :
Sur la régularité de la procédure :

Considérant que M. NELLEMANN a été avisé le 3 février 1998 qu'il allait faire l'objet d'un examen contradictoire d'ensemble de sa situation fiscale personnelle ; qu'il lui a alors été demandé de produire l'ensemble de ses comptes ; qu'au cours de cette vérification, l'administration a demandé à l'intéressé, sur le fondement des dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, de justifier la nature et l'origine des sommes figurant sur ses comptes bancaires ou inscrites au crédit de ses comptes courants d'associé ; qu'une partie de ces sommes a été taxée d'office en application des dispositions de l'article L.69 du livre précité ;
Considérant, en premier lieu que le requérant soutient que l'examen de sa situation fiscale personnelle a débuté, avant l'envoi de l'avis de vérification, par l'examen de ses comptes courants d'associé dans le cadre des vérification de comptabilité des sociétés dont il était le gérant ; qu'il ne résulte pas, toutefois, de l'instruction que l'administration ait alors procédé à un examen critique de la déclaration de revenus de M. NELLEMANN ; que, par ailleurs, l'administration était en droit, au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, de demander au contribuable des justifications au vu de renseignements obtenus tant à la suite de cette vérification qu'à la suite de vérifications antérieures des sociétés dont il était le gérant ; que s'il affirme également que le vérificateur aurait, lors de la vérification de comptabilité de ces sociétés, emporté en son absence des photocopies de documents figurant dans les dossiers non seulement desdites sociétés mais aussi d'autres sociétés qui ne faisaient pas l'objet d'une vérification de comptabilité, il n'établit pas cette allégation par la production d'attestations rédigées plusieurs années après les faits qu'elles relatent ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le vérificateur n'a pas, dans sa lettre du 1er février 1989 adressée en réponse aux observations du contribuable, reconnu ce prétendu emport irrégulier de documents, mais s'est borné à indiquer que les écritures en compte courant avaient été relevées au siège des sociétés dont il avait effectué la vérification de comptabilité ; que M. NELLEMANN ne prouve pas, par ailleurs, avoir été privé des documents originaux ainsi photocopiés et n'apporte, en tout état de cause, aucune précision concernant le teneur de ces documents et l'influence qu'ils auraient pu avoir sur le contrôle suivi à son encontre ; qu'il ne justifie donc ni que l'examen de sa situation fiscale d'ensemble aurait débuté avant l'envoi de l'avis afférent à ce contrôle, le privant ainsi de l'assistance d'un conseil, ni que l'emport de documents originaux aurait vicié ce contrôle ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'administration était en droit, en vertu des dispositions de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, de demander à M. NELLEMANN de justifier l'origine et la nature de crédits apparaissant sur ses comptes financiers dès lors qu'elle avait réuni des éléments suffisants permettant d'établir qu'il pouvait avoir disposé de revenus plus importants que ceux qui avaient fait l'objet de ses déclarations ; qu'il résulte de l'instruction que les revenus déclarés par M. NELLEMANN au titre des années 1985 et 1986 s'élevaient respectivement à 184.462 F et à 187.176 F, alors que le montant des crédits bancaires et des crédits figurant sur les comptes courants d'associé de l'intéressé, était de 1.379.862 F pour 1985 et de 428.741 F pour 1986 ; que, dans ces conditions, M. NELLEMANN n'est pas fondé à soutenir que l'administration ne pouvait recourir à la demande de justification prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L.69 du livre des procédures fiscales : " ...Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements et de justifications prévues à l'article L.16" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en réponse aux demandes que lui a adressées l'administration, sur le fondement des dispositions de l'article L.16, de justifier de l'origine des sommes portées sur ses comptes bancaires ainsi que sur ses comptes courants dans les sociétés qu'il gérait, M. NELLEMANN s'est borné à expliquer ces crédits par des prêts provenant de salariés ou d'amis et par des gains provenant de ventes d'or ; qu'il n'a assorti ces allégations d'aucun document ayant date certaine de nature à établir les dates et les conditions des prêts invoqués ou la possession de l'or avant le début de la période vérifiée ; que, par ces réponses imprécises, M. NELLEMANN doit être regardé comme s'étant abstenu de fournir les réponses demandées ; qu'il a, par suite, été régulièrement taxé d'office par application des dispositions précitées de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; qu'il lui appartient, dès lors, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions qu'il conteste ;
Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les prêts invoqués par M. NELLEMANN pour les montants de 2.500 F, 4.500 F et 3.450 F, la circonstance que les prêts d'un montant inférieur à 5.000 F n'ont pas à être enregistrés ne dispense pas le contribuable, lorsqu'il fait l'objet d'une demande de justifications dans le cadre d'un examen contradictoire de sa situation fiscale d'ensemble, de justifier par tout moyen l'origine non imposable des sommes sur lesquelles porte cette demande ; qu'en l'espèce, ni les attestations rédigées, au surplus postérieurement au contrôle, par les prêteurs allégués, ni l'encaissement par ceux-ci, également postérieurement aux opérations de vérification, de sommes d'un montant identique à celles en cause ne peuvent être regardées comme justifiant d'une telle origine ; que le requérant n'établit pas davantage que la somme de 8.000 F aurait pour origine un versement effectué par l'un des chauffeurs d'une société de taxi en invoquant la circonstance que l'administration lui a accordé le dégrèvement d'une somme d'un montant identique et en produisant une attestation dépourvue de date certaine ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant des sommes de 20.000 F et 15.000 F versées au cours de l'année 1985 sur le compte courant d'associé de M. NELLEMANN dans la société Cocker, la production de diverses pièces attestant que ces sommes ont été débitées de son compte bancaire personnel pour être virées sur le compte bancaire de cette société puis inscrites sur son compte courant dans ladite société, ne suffit pas à établir l'origine de ces sommes, et notamment à justifier que ce compte courant d'associé servait de compte de régularisation dans le cadre d'opérations de constitution de sociétés coopératives de taxis ; qu'il en est de même en ce qui concerne deux sommes de 50.000 F inscrites en 1986 au crédit de son compte courant dans la société Paritax, qui ne peuvent être regardées comme des apports effectués par de nouveaux associés lors de leur entrée dans la société dès lors que le versement par cette société, en 1987 et 1988, de sommes d'un montant identique à ces associés, lors de leur départ définitif de la société, ne fournit aucune indication sur l'origine et la nature des crédits constatés sur le compte courant d'associé de M. NELLEMANN en 1986 ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. NELLEMANN soutient que les sommes en espèces de 31.000 F et de 56.400 F créditées sur son compte bancaire les 27 mars et 4 novembre 1986 proviendraient de la vente de meubles appartenant à sa mère décédée en décembre 1985, il n'en apporte pas la preuve par des bordereaux de ventes réalisées entre avril et juin 1986 pour le compte de son beau-frère, faisant d'ailleurs mention de sommes inférieures aux crédits en cause ;
Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant affirme que les crédits d'un montant total de 15.000 F inscrits sur son compte bancaire personnel en 1986 lui ont été versés à tort par un tiers alors qu'ils étaient destinés en réalité à rémunérer une prestation réalisée par la société Voitax et qu'ils ont été compensés par un débit du même montant de son compte courant d'associé de ladite société, l'attestation de ce tiers dépourvue de date certaine et les écritures comptables de régularisation datées de 1988 portant sur un montant identique ne permettent pas de tenir ces affirmations pour acquises ;

Considérant, en revanche, que le requérant fait valoir, pour la première fois en appel que trois crédits de 2.265 F chacun relevés sur ses comptes bancaires au cours de l'année 1985, de même que trois crédits de 2.379 F chacun, un crédit de 3.547 F et un crédit de 2.713 F relevés sur les mêmes comptes au cours de l'année 1986, proviennent de la location d'un appartement consentie par bail du 5 janvier 1983 et constituent en réalité des revenus fonciers ; que cette affirmation est corroborée par les pièces du dossier établissant que lesdites sommes correspondent aux montants des loyers réclamés ; que, par ailleurs, l'intéressé soutient à juste titre qu'aucun crédit de 2.375 F n'a été encaissé par lui à la date du 6 mai 1986 et que c'est donc à tort que cette somme a été redressée ; que l'administration n'ayant pas demandé, par voie de substitution de base légale, que les sommes en cause soient imposées dans la catégorie des revenus fonciers, il y a lieu, en conséquence, d'accorder à M. NELLEMANN décharge des redressements ainsi opérés, dans la limite toutefois des sommes de 1.578 F au titre de 1985 et de 7.864 F au titre de 1986 auxquelles il borne lui-même ses conclusions, correspondant à la différence entre l'imposition de ces divers crédits dans la catégorie des revenus fonciers, sans que l'intéressé puisse prétendre, au titre de 1986, à un dégrèvement supérieur au motif, non établi, qu'il aurait régulièrement déclaré les loyers perçus au titre de ladite année ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'accorder à M. NELLEMANN décharge des impositions résultant des redressements opérés au titre des revenus d'origine indéterminée à concurrence des sommes, en base, de 1.578 F au titre de 1985 et 7.864 F au titre de 1986 et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ;
En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'opposent à ce que l'Etat, qui n'est pas en la présente espèce la partie perdante, soit condamné à verser à M. NELLEMANN une somme au titre des frais qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement n 9216648/2-9216649/2 du 18 mars 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de M. NELLEMANN relatives au calcul du quotient familial au titre de l'année 1986.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. NELLEMANN relatives au calcul du quotient familial au titre de l'année 1986 sont rejetées.
Article 3 : Les bases de l'imposition de M. NELLEMANN sont réduites d'une somme de 1.578 F au titre de l'année 1985 et d'une somme de 7.864 F au titre de 1986.
Article 4 : Il est accordé à M. NELLEMANN décharge de la différence entre les impositions auxquelles il a été assujetti et celles résultant des bases d'impositions définies à l'article 3.
Article 5 : Le jugement n 9216648/2-9216649/2 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. NELLEMANN est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02941
Date de la décision : 03/06/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-03-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP)


Références :

CGI 196
CGI Livre des procédures fiscales L16, L69
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-03;96pa02941 ?
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