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27/04/1999 | FRANCE | N°96PA00435

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 27 avril 1999, 96PA00435


(1ère Chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 février 1996, présentée pour la société civile immobilière LE CEDRE, dont le siège social est ..., par la SCP SIRAT et GILLI, avocat ; la société civile immobilière LE CEDRE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9216554/7 du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sceaux à lui verser la somme de 9.112.593 F, avec intérêts de droit, en réparation du préjudice résultant pour elle de l'illégalité de l'arr

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(1ère Chambre A)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 février 1996, présentée pour la société civile immobilière LE CEDRE, dont le siège social est ..., par la SCP SIRAT et GILLI, avocat ; la société civile immobilière LE CEDRE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9216554/7 du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sceaux à lui verser la somme de 9.112.593 F, avec intérêts de droit, en réparation du préjudice résultant pour elle de l'illégalité de l'arrêté du 3 septembre 1990 du maire de Sceaux portant sursis à statuer sur sa demande de permis de construire un immeuble d'habitation sur un terrain situé ... et de l'illégalité du refus de permis de construire qui lui a été opposé par le même maire le 4 avril 1992 ;
2 ) de condamner la commune de Sceaux à lui verser la somme de 9.112.593 F assortie des intérêts capitalisés ;
3 ) de condamner également celle-ci à lui verser la somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 1999 :
- le rapport de Mme MILLE, premier conseiller,
- les observations de la SCP SIRAT-GILLI, avocat, pour la société civile immobilière LE CEDRE,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouver-nement ;

Considérant que la société civile immobilière LE CEDRE a déposé, le 13 juin 1990, auprès du maire de Sceaux, une demande de permis de construire un immeuble de cinq logements sur un terrain sis ... ainsi qu'une demande de permis de démolir un pavillon existant sur ce terrain ; que si le maire de Sceaux a délivré à ladite société un certificat d'urbanisme positif en date du 15 juin 1990, ainsi qu'un permis de démolir en date du 8 octobre 1990, il a, par décision du 3 septembre 1990, opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire avant de la rejeter par décision du 4 avril 1992 ; que, toutefois, par arrêté du 10 mars 1993, le maire a retiré cette dernière décision et délivré, le 11 mars 1993, le permis de construire dont s'agit ; que la société civile immobilière LE CEDRE fait appel du jugement du 29 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de l'illégalité fautive des décisions susmentionnées en date du 3 septembre 1990 et du 4 avril 1992 ;
Sur la responsabilité résultant de l'illégalité invoquée du sursis à statuer du 3 septembre 1990 :
En ce qui concerne le moyen tiré des droits acquis résultant du certificat d'urbanisme positif délivré le 15 juin 1990 :
Considérant qu'alors que le plan d'occupation des sols de la commune de Sceaux était en cours de révision depuis le 29 septembre 1989, le certificat d'urbanisme susmentionné du 15 juin 1990 n'a pas fait mention de la possibilité d'opposer un sursis à statuer à la demande de permis de construire, comme l'exigeaient les dispositions de l'article R.410-16 du code de l'urbanisme ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ce que le certificat d'urbanisme positif aurait fait obstacle à ce que la commune puisse légalement lui opposer un sursis à statuer ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du motif fondant la décision de sursis à statuer :
Considérant qu'en fondant la décision de sursis à statuer du 3 septembre 1990 sur la circonstance "qu'une décision relative à un immeuble regroupant cinq logements anticiperait sur la décision du conseil municipal d'autoriser ou non ce type de construction", le maire de Sceaux a entendu opposer à la société requérante le contenu du futur plan d'occupation des sols de la commune ; que si ladite société soutient qu'un tel motif ne peut lui être légalement opposé eu égard à la circonstance qu'un plan d'occupation des sols ne peut réglementer la composition des constructions envisagées, un tel moyen, qui met en cause la légalité du futur plan d'occupation des sols, ne peut être utilement invoqué dans le cadre d'un recours dirigé contre une décision opposant un sursis à statuer ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité de la commune de Sceaux n'est pas engagée à raison de la décision de sursis à statuer du 3 septembre 1990 ;
Sur la responsabilité résultant de l'illégalité de la décision du 4 avril 1992 :

Considérant qu'il est constant que le refus de permis de construire opposé le 4 avril 1992 par le maire de Sceaux à la société civile immobilière LE CEDRE est entaché d'illégalité ; que, dès lors, la responsabilité de la commune est engagée à raison de cette faute pour la période du 4 avril 1992 au 11 mars 1993, date de retrait par le maire dudit refus ;
Considérant, toutefois, qu'en raison de l'imprudence commise par la société civile immobilière LE CEDRE qui a acquis le terrain litigieux par acte notarié du 20 décembre 1990, donc postérieurement à l'intervention du sursis à statuer qui lui était opposé, la responsabilité de la commune de Sceaux doit être limitée à concurrence de 50 % du préjudice indemnisable ;
Sur les préjudices :
Considérant que si la société civile immobilière LE CEDRE soutient que le retard ayant affecté la délivrance du permis de construire octroyé le 11 mars 1993, a rendu impossible la réalisation de son opération immobilière en raison de l'accumu-lation des frais financiers et de la baisse des prix de vente au mètre carré, elle n'allègue, ni n'établit que le seul retard résultant de ladite période de responsabilité de la commune aurait rendu le projet économiquement irréalisable ; que, dès lors, peuvent seuls être pris en considération les préjudices résultant de la nécessité où s'est trouvée la requérante de différer pendant 11 mois la réalisation de son projet ;
En ce qui concerne les frais d'architecte et de géomètre :
Considérant que ces frais, engagés pour le projet de construction, n'ont pas été exposés inutilement dès lors que la société a finalement été autorisée à le réaliser ; que, par suite, ils ne constituent pas un préjudice indemnisable ;
En ce qui concerne le manque à gagner :
Considérant que la société soutient que les fautes commises par la commune sont à l'origine d'un manque à gagner de 6.002.764 F résultant d'une baisse importante du prix de l'immobilier entre septembre 1990 et mars 1993 ; que, toutefois, ce préjudice n'est pas en lien direct avec l'illégalité fautive susmentionnée dès lors, que l'abandon du projet procède d'une décision de gestion dont la société requérante est seule responsable ;
En ce qui concerne les dépenses afférentes au permis de démolir :
Considérant que les dépenses afférentes au permis de démolir obtenu le 8 octobre 1990 sont sans lien direct avec l'arrêté du 4 avril 1992 ; qu'elles ne présentent donc pas un caractère indemnisable ;
En ce qui concerne le préjudice égal à la différence entre le prix de revente et le prix d'acquisition :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société civile immobilière requérante n'établit pas que son projet immobilier était devenu déficitaire et donc irréalisable à la date de délivrance du permis litigieux ; que, dès lors, la circonstance qu'elle ait revendu à perte le terrain d'assiette de ce projet en décembre 1996 est sans lien direct avec l'illégalité fautive commise par la commune ; que les conclusions susmentionnées ne peuvent donc qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les frais financiers et frais divers :

Considérant, d'une part, que si, en dépit de la délivrance du permis de construire sollicité, la société civile immobilière LE CEDRE a estimé ne pas devoir réaliser son projet, ce fait n'établit pas qu'elle n'aurait pas entrepris les travaux initialement prévus si l'autorisation sollicitée par elle lui avait été accordée dans un délai normal ; que, dès lors, elle a droit à la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du paiement des intérêts de l'emprunt contracté auprès de la BNP pour l'achat du terrain entre le 4 avril 1992 et le 11 mars 1993 ; qu'en revanche, la société requérante ne saurait prétendre au remboursement des intérêts de l'emprunt souscrit pour la réalisation des travaux, qui sont sans lien direct avec la faute de la commune, dès lors qu'il appartenait à la requérante de ne contracter cet emprunt qu'après obtention d'une autorisation de construire ; que de même, la société requérante n'établit pas que les frais afférents à l'emprunt contracté auprès de la société COMEBA pour couvrir l'emprunt BNP sont directement liés à l'illégalité fautive de la commune ; qu'en outre, aucune pièce du dossier ne permet d'établir la réalité des "frais d'entretien, impôts, taxes et charges concernant le terrain" dont la société demande le remboursement ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment des relevés produits devant le tribunal administratif que la société a acquitté des intérêts trimestriels d'un montant de 221.259 F le 30 septembre 1992, de 218.822 F le 31 décembre 1992 et de 219.361 F le 31 mars 1993 ; qu'eu égard à la période de responsabilité susmentionnée, cette dernière somme ne peut être indemnisée qu'à concurrence de 170.614 F ; que compte tenu du partage de responsabilité retenu, la commune de Sceaux doit être condamnée à verser à la société civile immobilière LE CEDRE les sommes de 110.629,50 F, de 109.411 F et de 85.307 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que, eu égard à la circonstance que les dates d'engagement desdites dépenses sont postérieures à celle de la demande préalable et, pour les deux dernières sommes, à celle de l'enregistrement de la demande devant le tribunal administratif de Paris, la société civile immobilière LE CEDRE a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 110.629,50 F à compter du 30 septembre 1992, à la somme de 109.411 F à compter du 31 décembre 1992 et à la somme de 85.307 F à compter du 31 mars 1993 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 16 novembre 1993, 17 novembre 1994, 20 février 1996 et 27 avril 1998 ; qu'à la date du 16 novembre 1993, il était dû au moins une année d'intérêts sur la seule somme de 110.629,50 F réglée le 30 septembre 1992 ; qu'en revanche, aux autres dates, il était dû au moins une année d'intérêts sur les sommes de 110.629,50 F, de 109.411 F et de 85.307 F ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande du 16 novembre 1993 à concurrence de la seule somme de 110.629,50 F et de faire droit intégralement aux autres demandes, sur les trois sommes indemnisées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que la commune de Sceaux succombe dans la présente instance ; que ses conclusions tendant à ce que la société civile immobilière LE CEDRE soit condamnée à lui verser une somme au titre de ces dispositions doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Sceaux à verser à la société civile immobilière LE CEDRE la somme de 8.000 F au titre de ces dispositions ;
Article 1er : Le jugement en date du 29 juin 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La commune de Sceaux versera à la société civile immobilière LE CEDRE la somme de 110.629,50 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1992, la somme de 109.411 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1992 et la somme de 85.307 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 1993. Les intérêts échus le 16 novembre 1993 sur la somme de 110.629,50 F seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts. Les intérêts échus les 17 novembre 1994, 20 février 1996 et 27 avril 1998 sur les sommes de 110.629,68 F, de 109.411,01 F et de 85.307,62 F seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de Sceaux versera la somme de 8.000 F à la société civile immobilière LE CEDRE au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de Sceaux fondées sur l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA00435
Date de la décision : 27/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE - PREJUDICE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - NATURE DE LA DECISION - SURSIS A STATUER - MOTIFS.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - NATURE DE LA DECISION - REFUS DU PERMIS.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE (VOIR RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE).


Références :

Code civil 1154
Code de l'urbanisme R410-16
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme MILLE
Rapporteur public ?: Mme PHEMOLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-04-27;96pa00435 ?
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