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08/04/1999 | FRANCE | N°98PA00262

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 08 avril 1999, 98PA00262


(3ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 janvier 1998, présentée pour M. Jean-Paul X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 14 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 avril 1996 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le Crédit industriel et commercial (CIC) à licencier M. X... ;
2 ) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3 ) de condamner le CIC à lui verser la somme de 20.000 F au titre des

frais irrépétibles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 95-8...

(3ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 janvier 1998, présentée pour M. Jean-Paul X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 14 novembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 avril 1996 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le Crédit industriel et commercial (CIC) à licencier M. X... ;
2 ) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3 ) de condamner le CIC à lui verser la somme de 20.000 F au titre des frais irrépétibles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 1999 :
- le rapport de M. BATAILLE, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour M. X... et celles de Me A..., avocat, substituant Me B..., avocat, pour le Crédit industriel et commercial,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouver-nement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le Crédit industriel et commercial a demandé, le 13 février 1996, l'autorisation de licencier pour faute M. X..., directeur de sa succursale à Suresnes et délégué du personnel, aux motifs que l'intéressé s'était rendu coupable de pratiques frauduleuses en détenant la carte bancaire et le code confidentiel d'une cliente, Mme Z..., alors âgée de 89 ans, en utilisant cette carte pour effectuer des retraits d'espèces et en conservant une partie des fonds prélevés ; que l'inspecteur du travail a refusé ladite autorisation de licenciement par décision du 12 avril 1996 ;
Sur la gravité des faits incriminés :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L.425-1 du code du travail, les salariés investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. X... a détenu la carte bancaire de Mme Z... ainsi que son code confidentiel et, sans détenir aucune procuration sur ledit compte, a effectué des prélèvements d'espèces d'un montant total de 45.000 F entre le 11 janvier 1995 et le 23 juin 1995 ; qu'il a notamment, après la date du 29 mars 1995, à laquelle Mme Z... a été hospitalisée, effectué quatre retraits d'espèces d'un montant total de 15.000 F ; d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. X..., ce n'est qu'à l'instigation de Mme C..., soeur de Mme Z... et mandataire de celle-ci, qu'il a remboursé, à la seule hauteur de 9.000 F, les sommes prélevées lors de ces quatre retraits ; que, dès lors, ces faits ont le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement demandé ;
Sur le moyen tiré du caractère amnistié des faits incriminés :
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 susvisée portant amnistie : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ..." ; et qu'aux termes de l'article 15 de la même loi : "Sont amnistiés, dans les conditions prévues à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur ..." ;

Considérant qu'eu égard notamment aux fonctions de directeur de succursale de M.
X...
, les faits litigieux constituent des manquements à l'honneur ; qu'au surplus, l'utilisation de la carte bancaire le 23 juin 1995 pour un retrait d'un montant de 5.000 F et le seul remboursement, par chèque du 24 juin 1995, d'une somme de 3.000 F constituent des faits postérieurs au 17 mai 1995 ; que les faits incriminés se trouvent par suite exclus du bénéfice de l'amnistie en vertu des dispositions précitées ;
Sur les moyens tirés du non-respect de la procédure disciplinaire :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.436-8 du code du travail : "En cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise, dans ce cas, a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied ..." ;
Considérant que la réunion du comité d'établissement compétent a eu lieu le 9 février 1996, soit postérieurement à l'expiration du délai de dix jours, prévu par les dispositions précitées de l'article R.436-8 du code du travail et courant à compter du 19 décembre 1995, date de la mise à pied immédiate de M. X... ; que, toutefois, ce dépassement n'est pas de nature à vicier la procédure ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L.122-44 du même code : "Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ..." ;
Considérant que si le CIC a été alerté de l'attitude de M. X... à l'égard de sa cliente, par la soeur de cette dernière, dès le mois d'août 1995, elle n'a été informée avec précision et vraisemblance sur lesdits faits qu'à la suite d'une enquête interne dont les conclusions lui ont été remises le 18 décembre 1995 ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L.122-44 du code du travail doit être écarté ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que le moyen tiré de ce que le licenciement de M. X... aurait été prononcé en violation des stipulations de la convention collective nationale du personnel de banque relatives à la procédure disciplinaire préalable ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision administrative autorisant son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 avril 1996 par laquelle l'inspection du travail a refusé d'autoriser le CIC à licencier M. X... ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'opposent à ce que M. X..., partie perdante dans la présente instance, puisse prétendre au remboursement des frais irrépétibles qu'il a exposés ;

Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à verser au CIC la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : M. X... est condamné à verser au Crédit industriel et commercial (CIC) la somme de 10.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA00262
Date de la décision : 08/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AMNISTIE - GRACE ET REHABILITATION - AMNISTIE - BENEFICE DE L'AMNISTIE - AMNISTIE DES SANCTIONS DISCIPLINAIRES OU PROFESSIONNELLES - FAITS CONTRAIRES A LA PROBITE - AUX BONNES MOEURS - OU A L'HONNEUR.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - PROCEDURE PREALABLE A L'AUTORISATION ADMINISTRATIVE - CONSULTATION DU COMITE D'ENTREPRISE.

TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - EXISTENCE D'UNE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L425-1, R436-8, L122-44
Loi 95-884 du 03 août 1995 art. 14, art. 15


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BATAILLE
Rapporteur public ?: Mme PHEMOLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-04-08;98pa00262 ?
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