La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/04/1999 | FRANCE | N°96PA03012

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 01 avril 1999, 96PA03012


(5ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 8 octobre 1996, la requête du COMITE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'HORTICULTURE FLORA-LE ET ORNEMENTALE ET DES PEPINIERES (CNIH), représenté par son liquidateur et la SCP COUTRELIS et associés, avocat ; le CNIH demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9605779/3 du 24 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris : 1) a déchargé la société Guigue, de la taxe parafiscale à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1991 au profit du CNIH ; 2) l'a condamnée à verser à ce dernier une som

me de 2.000 F au titre des frais irrépétibles et à lui rembourser 100 F...

(5ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 8 octobre 1996, la requête du COMITE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'HORTICULTURE FLORA-LE ET ORNEMENTALE ET DES PEPINIERES (CNIH), représenté par son liquidateur et la SCP COUTRELIS et associés, avocat ; le CNIH demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9605779/3 du 24 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris : 1) a déchargé la société Guigue, de la taxe parafiscale à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1991 au profit du CNIH ; 2) l'a condamnée à verser à ce dernier une somme de 2.000 F au titre des frais irrépétibles et à lui rembourser 100 F de droit de timbre ;
2 ) d'ordonner la publication dans la revue "Le lien horticole" de l'arrêt de la cour administrative d'appel à intervenir aux frais de la partie intimée et à condamner celle-ci à verser au CNIH la somme de 500 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne ;
VU le décret n 64-283 du 26 mars 1964, portant création et organisation du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières non forestières ;
VU le décret n 77-695 du 29 juin 1977 créant des taxes parafiscales au profit du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières ;
VU le décret n 83-97 du 11 février 1983 prorogeant les dispositions du décret n 77-695 du 29 juin 1977 ;
VU le décret n 84-366 du 14 mai 1984 instituant des taxes parafiscales au profit du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières ;
VU le décret n 86-430 du 13 mars 1986 instituant des taxes parafiscales au profit du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières ;
VU le décret n 91-30 du 9 janvier 1991 instituant une taxe parafiscale au profit du Comité national interprofessionnel de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières ;
VU le décret n 80-584 du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 1999 :
- le rapport de M. VINCELET, premier conseiller,
- les observations de la SCP COUTRELIS et associés, avocat, pour le CNIH et celles du cabinet BONDIGUEL, avocat, pour la société
Guigue,
- et les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 95 du traité instituant la Communauté européenne : "Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires" ; qu'une taxe parafiscale, appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent une partie de la charge supportée par les produits nationaux, constitue une imposition intérieure discriminatoire, interdite par l'article 95 précité ;
Considérant que le décret du 9 janvier 1991 dont il a été fait application en l'espèce, a institué, pour l'année 1991, une taxe parafiscale au profit du COMITE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'HORTICULTURE FLORALE ET ORNEMENTALE ET DES PEPINIERES (CNIH), ayant pour redevables, d'une part, les producteurs de produits non comestibles de l'horticulture florale et ornementale et des pépinières, à raison du montant hors taxes de leurs ventes de ces produits, d'autre part, les négociants et les importateurs à raison du montant hors taxes de leurs seuls achats des mêmes produits ou de la valeur en douane hors taxes ; que le tribunal administratif, pour décharger la société Guigue des cotisations de taxe parafiscale auxquelles elle a été assujettie, s'est fondé sur ce que les dispositions réglementaires en vertu desquelles elles avaient été établies étaient contraires, dans leur ensemble, aux stipulations précitées de l'article 95 du traité instituant la Communauté européennes, au motif que la taxe mise à la charge des négociants en produits horticoles, tout en étant perçue indifféremment sur les achats effectués par les intéressés, soit en France, soit dans d'autres pays membres de la Communauté européenne, sert à financer des activités qui profitent spécifiquement aux seuls produits nationaux et compensent une partie de la charge supportée par ces derniers, de sorte qu'elle présente le caractère d'une imposition intérieure discriminatoire ;

Considérant que les redevables d'une taxe parafiscale ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui d'une demande en décharge de cette taxe, de ce que celle-ci aurait le caractère d'une imposition intérieure instituée en méconnaissance de l'article 95, premier alinéa, du traité instituant la Communauté européenne, que si les cotisations contestées ont été établies, en tout ou en partie, à raison d'opérations portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne ; que, par suite, en fondant sa décision sur la contrariété avec l'article 95, premier alinéa, des dispositions des décrets précités relatives à la taxe parafiscale due notamment par la société Guigue, négociant, à raison du montant hors taxes de leurs seuls achats de produits horticoles, sans rechercher si les cotisations contestées avaient ou non été établies, en tout ou en partie, à raison d'achats portant sur des produits d'autres Etats membres de la Communauté européenne, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que par suite, le CNIH est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour accorder la décharge des cotisations de taxe mises à la charge de la société Guigue au titre de l'année 1991, le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 95, 1er alinéa, du traité instituant la Communauté européenne, sans procéder à la recherche susdécrite ; qu'il y a lieu, pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Guigue, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ;
Sur les moyens tirés de la violation du traité instituant la Communauté européenne :
Considérant, en premier lieu, que la société Guigue ne justifiant pas, comme il lui appartient de le faire, de la nature de son activité et ne précisant pas si elle porte, même en partie, sur des produits importés des autres Etats membres, ne peut utilement soutenir que les stipulations de l'article 95, 1er alinéa, du traité instituant la Communauté européenne n'ont pas été respectées ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne : "1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aide existant dans ces Etats ... 2. Si la ... Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, ... elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine ... 3. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale" ;

Considérant que la validité des actes des autorités nationales est affectée par la méconnaissance de l'obligation que leur impose la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne de ne pas mettre à exécution des projets tendant à instituer ou à modifier des aides qu'elles n'auraient pas notifiées préalablement à la Commission, alors même, contrairement à ce que soutient le CNIH, que le financement de ces aides serait assuré par le produit de taxes uniquement perçues à l'occasion de transactions portant sur des produits nationaux ;
Considérant que, par une décision du 1er décembre 1990, la Commission des Communautés européennes, saisie du projet de décret reconduisant jusqu'au 31 décembre 1992 la taxe parafiscale perçue au profit du CNIH, a, après avoir noté que certaines des aides n'étaient pas compatibles avec le marché commun et devaient être supprimées, accordé aux autorités françaises un délai expirant le 1er janvier 1992 pour procéder à la suppression de ces aides ; qu'il résulte de l'instruction que cette décision n'a été notifiée à l'Etat français que le 7 février 1991 ; que la société Guigue est, par suite, fondée à soutenir que la mise en application du décret du 9 janvier 1991 avant la notification de la décision de la Commission méconnaît les stipulations de la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 93 et entache d'illégalité les dispositions réglementaires sur le fondement desquelles les cotisations de taxes parafiscales qu'elle conteste ont été établies pour la période du 1er janvier au 7 février 1991 inclus ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander la décharge desdites cotisations mises à sa charge pour cette période ;
En ce qui concerne la méconnaissance des règles de droit interne :
Sur le défaut de motivation des titres de perception :
Considérant que ce moyen, présenté pour la première fois en appel, concerne la légalité externe de l'acte ; qu'ainsi, il ne repose pas sur la même cause juridique que ceux qui, présentés à l'appui de la demande au tribunal administratif, mettaient en cause le bien-fondé de la taxe exigée ; qu'il est, par suite, irrecevable ;
Sur le non-respect du décret du 30 octobre 1980 :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales : "Avant toute prorogation ou modification de la taxe ou de son taux, ils les organismes au profit desquels sont instituées des taxes parafiscales doivent fournir aux autorités de tutelle un compte-rendu établi suivant le modèle normalisé défini par arrêté du ministre du budget ... " ;

Considérant que le décret du 9 janvier 1991 a eu pour objet non d'établir une nouvelle taxe, mais de reconduire pour l'année 1991 la taxe perçue au profit du CNIH au cours des années précédentes ; qu'ainsi, contrairement aux affirmations du CNIH, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 4 du décret du 30 octobre 1980, précitées, applicables aux prorogations ou modifications de taxe, peut être utilement soulevé ;
Mais considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vue de la reconduction, pour l'année 1991, de la taxe parafiscale instituée par le décret du 13 mars 1986, le CNIH a adressé à son ministère de tutelle, d'une part, un projet d'état "E" pour l'année 1991, mentionnant, pour les quatre années précédentes, le nombre d'assujettis, les ressources et dépenses de l'organisme et l'emploi de la taxe pour les quatre années antérieures, d'autre part, un compte-rendu d'activité retraçant les modalités d'exécution des diverses missions de l'organisme ; que l'examen et le rapprochement de ces documents permettaient aux autorités de tutelle de se prononcer sur l'opportunité de soumettre au Conseil d'Etat un projet de décret prorogeant, pour une année, la taxe ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ce décret du 9 janvier 1991 n'aurait pas respecté les prescriptions de l'article 4 du décret du 30 octobre 1980, manque en fait et doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la rétroactivité illégale du décret du 9 janvier 1991 :
Considérant que la cour ayant déclaré illégales les cotisations de taxes parafiscales perçues au profit du CNIH et assignées à la société Guigue au titre de la période du 1er janvier au 7 février 1991, le moyen tiré de ce que le décret du 9 janvier 1991 aurait été privé de base légale en droit interne pour la période du 1er janvier au 9 janvier 1991 devient inopérant ;
Sur le bien-fondé de l'assujettissement de la cotisation à la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'en vertu des articles 256 et 256 A du code général des impôts, tels qu'ils résultent de la loi du 29 décembre 1978, prise pour l'adaptation de la législation française aux directives de la Communauté économique européenne, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par les personnes qui, quels que soient leur statut juridique, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention, effectuent ces opérations d'une manière indépendante, à titre habituel ou occasionnel ; qu'aux termes de l'article 256 B du même code : "Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence" ;

Considérant qu'eu égard à la diversité des missions du CNIH et des situations des horticulteurs relevant de cet organisme, ainsi qu'au mode de calcul des cotisations de taxe, il n'existe pas, entre ces cotisations individuelles et les avantages que chaque assujetti peut être en mesure de retirer des services rendus, un lien direct permettant de regarder ces services comme des prestations à titre onéreux passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article 256 du code général des impôts ; qu'ainsi, la société Guigue est fondée à obtenir la décharge de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la cotisation de taxe parafiscale en litige ;
Sur les conclusions tendant à la décharge de la majoration pour paiement tardif :
Considérant que ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CNIH est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Guigue de la taxe CNIH, hors taxe sur la valeur ajoutée, à laquelle elle a été assujettie pour la période du 8 février au 31 décembre 1991 ;
Sur les conclusions tendant à la publication de l'arrêt :
Considérant qu'aucune loi ne permet d'ordonner des mesures spéciales de publicité des décisions des juridictions administratives ; que, par suite, les conclusions du CNIH tendant à ce que le présent arrêt soit publié dans la revue "Le lien horticole" doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société Guigue, qui ne peut être tenue, dans la présente instance, pour la partie perdante, soit condamnée à payer au CNIH la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CNIH, par application des mêmes dispositions, à payer à la société Guigue la somme demandée par celle-ci au titre de ses propres frais, non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 9605779 du tribunal administratif de Paris en date du 24 juillet 1996 est annulé en tant qu'il a déchargé la société Guigue de la taxe, hors taxe sur la valeur ajoutée, perçue au profit du CNIH du 8 février au 31 décembre 1991.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du CNIH et les conclusions de la société Guigue tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA03012
Date de la décision : 01/04/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-08-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITE, REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - TAXES PARAFISCALES


Références :

CGI 256, 256 A
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 80-584 du 30 octobre 1980 art. 4
Décret 86-430 du 13 mars 1986
Décret 91-30 du 09 janvier 1991 art. 95, art. 93


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. VINCELET
Rapporteur public ?: M. HAÏM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-04-01;96pa03012 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award