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18/02/1999 | FRANCE | N°98PA01591

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 18 février 1999, 98PA01591


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 mai 1998, ensemble le mémoire enregistré le 8 octobre 1998, présentés pour M. Michel X... demeurant ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 971657 en date du 12 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en tierce opposition tendant à déclarer non avenu le jugement rendu le 19 décembre 1996 par lequel le tribunal a annulé la délibération du conseil municipal de Chelles en date du 30 mars 1995, à reje

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VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 26 mai 1998, ensemble le mémoire enregistré le 8 octobre 1998, présentés pour M. Michel X... demeurant ... par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 971657 en date du 12 février 1998 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en tierce opposition tendant à déclarer non avenu le jugement rendu le 19 décembre 1996 par lequel le tribunal a annulé la délibération du conseil municipal de Chelles en date du 30 mars 1995, à rejeter la requête du préfet de Seine et Marne et à condamner l'Etat à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de déclarer nul et non avenu le jugement du 19 décembre 1996 ;
3 ) de rejeter le déféré préfectoral dirigé contre la délibération du 30 mars 1995 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil ;
VU le nouveau pénal ;
VU le code des communes ;
VU la loi n 82-213 du 2 mars 1982 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 1999 :
- le rapport de Mme MONCHAMBERT, premier conseiller,
- les obervations du cabinet Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour M. X...,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le tribunal administratif de Melun a, par un jugement du 19 décembre 1996 annulé la délibération prise le 30 mars 1995 par le conseil municipal de la commune de Chelles en tant qu'"elle approuve la cession à M. X... de la parcelle de 1.000 m2 cadastrée BK n 61, sise quai Auguste Prevost au prix de 760.000 F hors taxes, les frais de vente devant être mis à la charge de l'acquéreur" et qu'"elle autorise le maire à réitérer l'acte de vente du 19 décembre 1991 relatif à la cession de la parcelle de 1.000 m2 sis quai Auguste Prevost" ; que M. X... qui n'est pas intervenu et n'avait pas été mis en cause dans ladite instance a formé tierce opposition devant le tribunal administratif de Melun en vue de faire déclarer nul et non avenu le jugement du 19 décembre 1996 ; que le tribunal administratif de Melun a, par le jugement attaqué du 12 février 1998, rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'en relevant, après avoir constaté le bien-fondé du jugement du 19 décembre 1996, que les autres moyens de légalité interne soulevés par M. X... au soutien de sa tierce opposition étaient inopérants le tribunal administratif de Melun qui n'était pas tenu de répondre à ces moyens ainsi qualifiés, ne peut se voir reprocher d'avoir insuffisamment motivé son jugement ; qu'à supposer que la qualification donnée à ces moyens par le tribunal soit erronée, cette circonstance, qui ne concerne que le bien-fondé de la solution donnée au litige par les premiers juges, ne saurait être regardée comme entachant le jugement attaqué d'une irrégularité tenant à l'insuffisance de sa motivation ;
Considérant que M. X... ne saurait se prévaloir de la circonstance que le jugement attaqué ne justifierait pas du caractère irrégulier de la rétroactivité de la délibération contestée, pour soutenir que ledit jugement est insuffisamment motivé, dès lors que cette circonstance concerne le bien-fondé de la solution donnée au litige ;
Sur la recevabilité du déféré :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés au paragraphe II de l'article précédent qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission" ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de Seine et Marne a adressé le 16 mai 1995 au maire de Chelles une lettre par laquelle il exposait que la délibération du 30 mars 1995 était entachée d'illégalité et demandait de ce fait, son retrait ; qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires organisant une procédure particulière en la matière, cette demande doit être regardée comme constituant un recours gracieux qui, ayant été formé dans le délai de recours contentieux a interrompu ce délai ; que ce recours gracieux ayant été implicitement rejeté par le maire de Chelles le 17 septembre 1995, M. X... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal aministratif de Melun a rejeté le moyen tiré de l'irrecevabilité du déféré ;
Sur la légalité de la délibération du 30 mars 1995 :

Considérant d'une part que l'article 1596 du code civil dispose : "Ne peuvent se rendre adjudicataires sous peine de nullité ni par eux-même ni par personnes interposées ... les administrateurs des biens des communes confiés à leur soins" ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... alors adjoint au maire a, au terme d'un acte de vente passé le 19 décembre 1991, acquis de la commune de Chelles une parcelle de 1.000 m2 situé ... pour une somme de 760.000 F hors taxes ; que, contrairement à ce que M. X... soutient, il était en sa qualité d'adjoint au maire, appelé dans les cas prévus par l'article L.122-13 du code des communes alors applicable, à remplacer le maire dans les fonctions d'administrateur des biens de la commune conférées par l'article L.122-19 du même code ; qu'il ne pouvait dès lors, en vertu des dispositions précitées de l'article 1596 du code civil acquérir sous peine de nullité un bien de la commune ;
Considérant que le conseil municipal de Chelles après avoir pris acte de la démission de M. X... de son mandat d'élu municipal intervenue le 28 février 1995, a, par délibération du 30 mars 1995, décidé d'approuver la cession à M. X... de la parcelle en cause, d'autoriser le maire à réitérer l'acte de vente du 19 décembre 1991 relatif à la cession de ladite parcelle et à signer l'acte à intervenir et a renoncé à se prévaloir des conséquences de la nullité et des droits éventuels sur la construction grevant le terrain sur laquelle le conseil a reconnu la propriété pleine et entière de M. X... ;
Considérant qu'en tant qu'elle autorise à réitérer, et non à confirmer, l'acte de vente du 19 décembre 1991 par la signature d'un nouvel acte et qu'elle autorise la vente à M. X... cette délibération dispose pour l'avenir et n'est sur ce point, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, entachée d'aucune illégalité ;

Considérant en revanche qu'en tant qu'elle renonce à se prévaloir des conséquences de la nullité de l'acte de vente du 19 décembre 1991, la délibération a un caractère rétroactif ; que cette rétroactivité ne rend pas nécessairement illégale cette délibération dès lors qu'il convenait de combler le vide juridique né de la nullité de l'acte ; que toutefois aux termes de l'article 432-12 du nouveau code pénal : "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende. Toutefois, dans les communes comptant 3.500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de bien mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel fixé à 100.000 F" ; qu'il résulte de ces dispositions que l'acte de vente du 19 décembre 1991 était entaché d'une nullité absolue dès lors que sa conclusion exposait M. X... à l'application des dispositions de l'article 432-12 précité du nouveau code de procédure pénale ; qu'ainsi le conseil municipal ne pouvait légalement renoncer à se prévaloir des effets de cette nullité pour la période antérieure au 30 mars 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa tierce opposition ; que celle-ci n'est toutefois fondée qu'en tant que le jugement du 19 décembre 1996 n'a pas limité les effets de son annulation à la période antérieure à la date du 30 mars 1995 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 12 février 1998 est annulé en tant qu'il a rejeté la tierce opposition formée par M. X... à l'encontre du jugement du 19 décembre 1996 en tant qu'il annule la délibération du 30 mars 1995 pour la période postérieure à cette date.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 19 décembre 1996 est déclaré nul et non avenu en tant qu'il n'a pas limité les effets de son annulation à la période antérieure à la date du 30 mars 1995.
Article 3 : La demande du préfet de la Seine et Marne enregistrée au tribunal administratif de Melun le 25 septembre 1995 est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la délibération du 30 mars 1995 approuvant la cession de la parcelle BK 61 à M. X... pour le prix de 760.000 F hors taxes et autorisant le maire de Chelles à réitérer l'acte de vente du 19 décembre 1991 et à signer l'acte à intervenir.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA01591
Date de la décision : 18/02/1999
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - CONSEIL MUNICIPAL - DELIBERATIONS - DELIBERATIONS CONTRAIRES A LA LOI - Régularisation de la vente d'un bien du domaine privé à un adjoint démissionnaire - Portée.

135-02-01-02-01-03-03, 135-02-01-02-02-04, 135-02-02 Un adjoint au maire de C. a acquis de la commune une parcelle dépendant de son domaine privé. Dès lors que, en sa qualité d'adjoint, l'acquéreur pouvait être appelé, dans les cas prévus à l'article L. 122-13 du code des communes à remplacer le maire dans les fonctions d'administrateur de la commune, l'aliénation conclue était frappée de nullité par application des dispositions de l'article 1596 du code civil. Si, prenant acte de la démission de l'intéressé de son mandat de conseiller municipal, le conseil municipal de C. pouvait légalement approuver la cession intervenue et autoriser le maire à renouveler l'acte de vente, il ne pouvait en revanche renoncer à se prévaloir des conséquences de la nullité de cet acte, celle-ci étant absolue et exposant l'acquéreur aux peines prévues par l'article 432-12 du nouveau code de procédure pénale. Illégalité, dans cette mesure, de la délibération.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - MAIRE ET ADJOINTS - ADJOINTS - Régularisation de la vente d'un bien du domaine privé à un adjoint démissionnaire - Portée.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - BIENS DE LA COMMUNE - Régularisation de la vente d'un bien du domaine privé à un adjoint démissionnaire - Portée.


Références :

Code civil 1596
Code des communes L122-13, L122-19
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 3


Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: Mme Monchambert
Rapporteur public ?: Mme Corouge

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-02-18;98pa01591 ?
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