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18/02/1999 | FRANCE | N°96PA02067

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 18 février 1999, 96PA02067


(1ère Chambre B) VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juillet 1996, ensemble le mémoire enregistré le 12 septembre 1996, présentés pour la société HYPERMAT dont le siège est fixé 2, route territoriale 1 bis, Ducos, Nouméa (Nouvelle-Calédonie), par la SCP GUIGUET-BACHELLIER DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société HYPERMAT demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9500318 en date du 17 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n 1505-95 en d

ate du 28 septembre 1995 par lequel le président de la Province sud a au...

(1ère Chambre B) VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 juillet 1996, ensemble le mémoire enregistré le 12 septembre 1996, présentés pour la société HYPERMAT dont le siège est fixé 2, route territoriale 1 bis, Ducos, Nouméa (Nouvelle-Calédonie), par la SCP GUIGUET-BACHELLIER DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la société HYPERMAT demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9500318 en date du 17 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n 1505-95 en date du 28 septembre 1995 par lequel le président de la Province sud a autorisé la société Brico Déco SA à créer une grande surface de bricolage sur la commune de Dumbéa et à la condamnation de la Province à lui verser une somme de 200.000 F CFP au titre de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'annuler ledit arrêté du 28 septembre 1995 ;
3 ) de condamner la Province sud à lui verser une indemnité de 15.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours adminis-tratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 88-1028 du 9 novembre 1988 ;
VU la délibération n 10/91/APS du 14 mars 1991 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 1999 :
- le rapport de Mme MONCHAMBERT, premier conseiller,
- les observations de la SCP GUIGUET, BACHELLIER, DE LA VARDE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société HYPERMAT,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi susvisée du 9 novembre 1988 : "Chaque Province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas réservées, soit par la présente loi à l'Etat et au territoire, soit par la législation en vigueur aux communes" ; que la réglementation relative à l'urbanisme commercial instituée par la délibération du 14 mars 1991 de la Province sud qui a pour objet, à travers un régime d'autorisation administrative spécifique à certaines entités commerciales de veiller ainsi que l'énonce son article 1er à ce que, dans le respect de la liberté et de la volonté d'entreprendre, "l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux" ; qu'une telle réglementation ne saurait, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, se rattacher au droit commercial, et relever ainsi, par application de l'article 8 de la loi du 9 novembre 1988 de la compétence de l'Etat mais se rattache à la réglementation du commerce intérieur ; que cette matière, distincte par ailleurs du droit de l'urbanisme, n'est pas au nombre des compétences réservées par les articles 8 et 9 de la loi du 9 novembre 1988 à l'Etat ni au territoire ; que, par suite, la société HYPERMAT est fondée à soutenir que la Province sud étant compétente pour adopter la délibération du 14 mars 1991, la décision contestée du 28 septembre 1995 prise sur le fondement de cette délibération ne pouvait être tenue comme un acte superfétatoire, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, le jugement attaqué du tribunal administratif de Nouméa en date du 17 avril 1996 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société HYPERMAT devant le tribunal administratif de Nouméa ;
Sur la légalité externe :
Considérant que, par arrêté du 17 juillet 1995 publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 19 juillet 1995, M. Pierre X..., deuxième vice-président de l'Assemblée de la Province sud, a reçu délégation à "l'effet de signer l'ensemble des actes de la compétence du président en toutes circonstances et notamment en cas d'empêchement du Président" à l'exception de la réquisition du comptable ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait ;
Sur la légalité interne :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la délibération du 14 mars 1991 : "La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s'exercent dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. Le commerce et l'artisanat ont pour vocation de satisfaire les besoins des consommateurs, tant au niveau des prix que dans la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent contribuer à l'amélioration de la qualité de la vie, à l'animation de la vie urbaine et rurale et accroître la compétitivité de l'économie. Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de ladite délibé-ration : "Il est créé une commission provinciale d'urbanisme commercial chargée de statuer sur les demandes d'autorisation qui lui sont présentées. La commission doit statuer suivant les principes définis à l'article 1er compte tenu de l'état des structures du commerce et de l'artisanat, de l'évolution de l'appareil commercial de la Province, des orientations à moyen et long terme des activités urbaines et rurales et de l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce" ; qu'aux termes de l'article 23 : "A l'initiative du demandeur ou du tiers des membres de la commission, la décision de la commission provinciale d'urbanisme commercial peut, dans le délai de deux mois de sa notification ou de son intervention implicite, faire l'objet d'un recours auprès du Président de la Province qui se prononce dans un délai de deux mois" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, saisi d'un recours, le Président de la Province sud doit statuer sur les projets de création et d'extension d'équipement qui lui sont soumis par référence aux principes énoncés par les articles 1 et 2 de la délibération du 14 mars 1991 ;
Considérant que la société Brico Déco Tahiti a sollicité le 24 mars 1995, l'autorisation d'implanter au centre commercial Kenu-In situé sur la commune de Dumbéa, un magasin de vente au détail spécialisé dans les domaines du bricolage, du jardinage et du modélisme, d'une surface de vente de 1.980 m plus 1.560 m de surface exposition-vente en extérieur ; que la commission provinciale d'urbanisme commercial a refusé l'autorisation demandée le 11 mai 1995 ; que statuant sur le recours de la société Brico Déco SA, le Président de la Province sud a accordé ladite autorisation ; qu'il résulte de l'instruction que cet équipement n'était pas tant en raison de la forte expansion démographique de la zone concernée qui va de pair avec une expansion du parc de logements, que de la croissance soutenue de ce secteur spécialisé qui s'adresse à la fois à une clientèle de particuliers et de professionnels, de nature à provoquer l'écrasement de la petite entreprise ni à bouleverser de façon irréversible l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; qu'ainsi, la société HYPERMAT n'est pas fondée à soutenir qu'en accordant l'autorisation sollicitée, le président de la Province sud a entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de la société HYPERMAT devant le tribunal administratif de Nouméa doit être rejetée ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions susvisées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la société HYPERMAT, partie perdante, puisse obtenir la condamnation de la Province sud à ce titre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société HYPERMAT à verser à la société Brico Déco SA, une somme de 5.000 F sur ce fondement ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouméa en date du 17 avril 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société HYPERMAT devant le tribunal administratif de Nouméa et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La société HYPERMAT versera à la société Brico Déco SA une somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02067
Date de la décision : 18/02/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative

Analyses

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - INSTITUTIONS PROPRES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER - NOUVELLE-CALEDONIE ET DEPENDANCES - Provinces - Compétences - Inclusion - Urbanisme commercial.

46-01-02-01, 46-01-04 La délibération par laquelle une province de Nouvelle-Calédonie définit un régime d'autorisation administrative spécifique à certaines entités commerciales destiné à assurer que, dans le respect de la liberté et de la volonté d'entreprendre, "l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux", ne se rattache pas au droit commercial, ni au droit de l'urbanisme, au sens de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 régissant la répartition des compétences entre l'Etat, le territoire et les provinces de Nouvelle-Calédonie, mais à la réglementation du commerce intérieur, qui relève des attributions des provinces.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REGIME ADMINISTRATIF - Urbanisme commercial - Compétence des provinces.


Références :

Arrêté du 17 juillet 1995 art. 23
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 88-1028 du 09 novembre 1988 art. 7, art. 8, art. 9


Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: Mme Monchambert
Rapporteur public ?: Mme Corouge

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-02-18;96pa02067 ?
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