VU la requête et les mémoires, enregistrés les 26 janvier, 23 février et 2 mars 1998 au greffe de la cour administrative d'appel, présentés par M. Francis X..., demeurant au Centre de détention n 695 F-BT A1 Nord 106, 62451 Bapaume ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9201504/4 et 9218407/4/SE en date du 8 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation et au sursis à exécution de la décision de l'administration pénitentiaire suspendant l'instruction de sa demande de transfèrement vers la Belgique ;
2 ) d'ordonner en urgence absolue sa reconduite à la frontière ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU la convention du Conseil de l'Europe sur le transfèrement des personnes condamnées signée à Strasbourg le 21 mars 1983, et publiée au Journal officiel de la République française le 2 octobre 1985 par décret n 85-1053 du 30 septembre 1985 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 1999 :
- le rapport de M. BARBILLON, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention susvisée du Conseil de l'Europe en date du 21 mars 1983 dont la ratification a été autorisée par la loi n 84-1143 du 20 décembre 1984 et qui a été publiée au Journal officiel de la République française le 2 octobre 1985 par décret n 85-1053 du 30 septembre 1985 : " ... 2. Une personne condamnée sur le territoire d'une Partie peut, conformément aux dispositions de la présente convention, être transférée vers le territoire d'une autre Partie pour y subir la condamnation qui lui a été infligée. A cette fin, elle peut exprimer, soit auprès de l'Etat de condamnation, soit auprès de l'Etat d'exécution, le souhait d'être transférée en vertu de la présente convention. 3. Le transfèrement peut être demandé soit par l'Etat de condamnation, soit par l'Etat d'exécution." ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : "1. Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes de la présente convention qu'aux conditions suivantes : a. le condamné doit être ressortissant de l'Etat d'exécution ; b. le jugement doit être définitif ; c. la durée de condamnation que le condamné a encore à subir doit être au moins de six mois à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée ; d. le condamné ou, lorsqu'en raison de son âge ou de son état physique ou mental l'un des deux Etats l'estime nécessaire, son représentant doit consentir au transfèrement ; e. les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard du droit de l'Etat d'exécution ou devraient en constituer une s'ils survenaient sur son territoire ; f. l'Etat de condamnation et l'Etat d'exécution doivent s'être mis d'accord sur ce transfèrement ..." et qu'aux termes de l'article 4 de ladite convention : "Le condamné doit être informé par écrit de toute démarche entreprise par l'Etat de condamnation ou l'Etat d'exécution en application des paragraphes précédents, ainsi que de toute décision prise par l'un des deux Etats au sujet d'une demande de transfèrement." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant belge, a été condamné par arrêt de la Cour d'assises du Nord le 12 octobre 1990 à quinze ans de réclusion criminelle pour des faits de viol sur mineure et au paiement d'une somme de 50.000 F à l'administratrice légale de la victime ; qu'incarcéré au centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais), il a manifesté le souhait auprès des services du ministre de la justice d'être transféré en Belgique ; que par lettre en date du 3 février 1992, l'administration pénitentiaire a informé l'intéressé, à sa demande, que son dossier ne pourrait aboutir avant qu'il ait procédé à l'indemnisation de sa victime ; que cette lettre, qui doit être regardée comme une décision de refus de transfèrement de l'intéressé, constitue, eu égard aux effets que l'application de la convention pourrait avoir sur les conditions dans lesquelles M. X... exécute sa peine, une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que cette lettre constituait une mesure d'ordre intérieur et a rejeté, pour ce motif, la demande de M. X... comme étant irrecevable ; que le jugement attaqué doit dès lors être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande que M. X... avait présentée devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en premier lieu, que pour refuser le transfèrement d'un prisonnier, l'autorité administrative peut non seulement se fonder sur la circonstance que l'une des conditions énoncées au 1- a, b, c, d, et e de l'article 3 de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 n'est pas remplie, mais a également la faculté de retenir des motifs d'intérêt général, notamment de bonne administration de la justice, relevant de son pouvoir d'appréciation, sous réserve de ne pas méconnaître l'objectif de réinsertion sociale des personnes condamnées que cherche à favoriser la convention en leur offrant la possibilité de subir leur condamnation dans leur milieu social d'origine c'est-à-dire dans leur propre pays ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en refusant, par la lettre du 3 février 1992, le transfèrement de M. X... au motif qu'il ne s'était pas encore acquitté de sa dette à l'égard de sa victime, l'administration pénitentiaire, eu égard à ce que M. X..., alors âgé de 63 ans, n'avait pas de famille en Belgique, n'a pas apporté une restriction excessive à la possibilité pour ce dernier de subir sa condamnation dans son pays d'origine et ainsi n'a pas méconnu l'objectif de réinsertion sociale de la convention ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, par sa nature même, informe l'intéressé sur l'état d'avancement de son dossier de transfèrement ; que M. X... ne peut, dès lors, soutenir que les dispositions susrappelées de l'article 4 de la convention ont été sur ce point méconnues ;
Considérant, enfin, que la circonstance alléguée, selon laquelle, contrairement aux stipulations de l'article 4-2 de la convention aux termes desquelles : "Si le condamné a exprimé auprès de l'Etat de condamnation le souhait d'être transféré en vertu de la présente convention, cet Etat doit en informer l'Etat d'exécution le plus tôt possible après que le jugement sera devenu définitif ", les autorités françaises n'auraient pas informé les autorités belges du souhait exprimé par M. X... ne peut être utilement invoquée par le condamné pour contester la légalité de la décision de refus de transfèrement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de M. X... doit être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à ce que la cour enjoigne le ministre de la justice de reprendre la procédure de transfèrement et ordonne qu'il soit reconduit à la frontière :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. X..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susvisées ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement n s 9201504/4 et 9218407/4/SE du tribunal administratif de Paris en date du 8 décembre 1997 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.