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04/02/1999 | FRANCE | N°98PA03243

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 04 février 1999, 98PA03243


(2ème Chambre A)
VU la requête, enregistrée le 9 septembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour l'AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE (ADEME), dont le siège est ..., représentée par son directeur général en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'ADEME demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9702435/7 - 9702436/7 - 9702440/7 - 9702442/7 - 9704172/7 et 9711145/7 du 29 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les titres de perception n s 31-96/02, 62-96/06, 76-96/07, 76-96/06,

69-96/01 et 77-97/01 établis les 29 octobre et 26 novembre 1996 pa...

(2ème Chambre A)
VU la requête, enregistrée le 9 septembre 1998 au greffe de la cour, présentée pour l'AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE (ADEME), dont le siège est ..., représentée par son directeur général en exercice, par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; l'ADEME demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9702435/7 - 9702436/7 - 9702440/7 - 9702442/7 - 9704172/7 et 9711145/7 du 29 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé les titres de perception n s 31-96/02, 62-96/06, 76-96/07, 76-96/06, 69-96/01 et 77-97/01 établis les 29 octobre et 26 novembre 1996 par le directeur de l'ADEME et rendus exécutoires les 13 novembre, 14 novembre, 15 novembre, 19 novembre 1996 et 16 janvier 1997 par les préfets de Haute-Garonne, Pas-de-Calais, Seine-Maritime, Rhône et Seine-et-Marne pour le recouvrement des sommes de 175.683,20 F, 79.648,80 F, 234.036 F, 499.554 F, 19.998 F et 159.390 F
correspondant au montant de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique à laquelle la société Grande Paroisse a été assujettie au titre de la période du 6 mai au 31 décembre 1995 en raison des émissions dans l'atmosphère du protoxyde d'azote provenant des établissements qu'elle exploite à Toulouse, Mazingarbe, Oissel, Rouen, Saint-Fons et Grandpuits ainsi que les décisions des 18 décembre 1996, 20 décembre 1996, 28 janvier 1997 et 22 juillet 1997 par lesquelles le directeur général de l'ADEME a rejeté les réclamations préalables présentées contre ces titres et l'a condamnée à verser à la société Grande Paroisse une somme de 1.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de rétablir les titres de perception à la charge de la société Grande Paroisse ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 83-279 du 25 mars 1983 portant publication de la convention sur la pollution atmosphérique frontalière à longue distance, faite à Genève le 13 novembre 1979 ;
VU la directive du Conseil du 28 juin 1984 relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles (84/306/CEE) ;
VU l'ordonnance n 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée, portant loi organique relative aux lois de finances ;
VU la loi n 61-842 du 2 août 1961 modifiée par la loi n 80-513 du 7 juillet 1980, relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et aux odeurs ;
VU la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;
VU la loi n 90-1130 du 19 décembre 1990 portant création de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;
VU la loi n 96-1236 du 31 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie ;

VU le décret n 74-415 du 13 mai 1974 relatif au contrôle des émissions polluantes dans l'atmosphère et à certaines utilisations de l'énergie thermique ;
VU le décret n 80-854 du 30 décembre 1980 relatif aux taxes parafiscales ;
VU le décret n 95-585 du 3 mai 1995 instituant une taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique ;
VU l'arrêté interministériel, en date du 3 mai 1995, relatif à la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU, en date du 21 décembre 1998, la lettre par laquelle le président de la 2ème chambre de la cour a indiqué aux parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance enregistrée sous le n 9704172 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 1999 :
- le rapport de Mme TANDONNET-TUROT, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'ADEME,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société Grande Paroisse, qui exploite des établissements à Toulouse, Mazingarbe, Oissel, Rouen et Grandpuits, a été assujettie, en raison du rejet dans l'atmosphère du gaz dénommé protoxyde d'azote (N2O), à la taxe sur les émissions de polluants instituée par le décret du 3 mai 1995 en faveur de l'AGENCE DE L'ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L'ENERGIE (ADEME) ; que celle-ci fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris, saisi par la société Grande Paroisse de contestations dirigées contre les titres de perception n s 31-96/02, 62-96/06, 76-96/07, 76-96/06, 69-96/01 et 77-97/01 établis les 29 octobre et 26 novembre 1996 par l'ADEME, a fait droit aux demandes présentées par la société et tendant à la décharge de l'obligation de payer cette taxe ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance enregistrée sous le n 9704172 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen du titre de perception n 69-96/01, que le redevable de la taxe figurant sur ce titre n'est pas la société Grande Paroisse mais la société Elf-Atochem ; que la société Grande Paroisse ne soutient pas qu'elle disposait d'un mandat donné par cette dernière, l'habilitant à ester en justice à sa place ; que la demande présentée par la société Grande Paroisse et tendant à la décharge de l'obligation de payer la taxe mise à la charge de la société Elf-Atochem figurant sur ce titre de perception était, par suite, irrecevable ; que c'est dès lors à tort que le tribunal l'a déchargée du paiement de cette taxe ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a fait d roit aux conclusions de la société Grande Paroisse tendant à l'annulation du titre de perception n 69-96/01 émis le 29 octobre 1996 par l'ADEME à l'encontre de la société Elf-Atochem ainsi que de la décision du 28 janvier 1997 par laquelle le directeur général de l'ADEME a rejeté la réclamation préalable de cette société et, statuant par la voie de l'évocation, de rejeter comme irrecevables lesdites conclusions ;
Sur les conclusions de l'ADEME tendant à la rectification du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R.205 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque le président du tribunal administratif constate que la minute d'un jugement ou d'une ordonnance est entachée d'une erreur ou d'une omission matérielles, il peut y apporter, par ordonnance rendue dans le délai de deux mois à compter de la lecture de ce jugement ou de cette ordonnance, les corrections que la raison commande. La notification de l'ordonnance rectificative rouvre le délai d'appel contre le jugement ou l'ordonnance ainsi corrigés" ;

Considérant que l'ADEME fait valoir que les premiers juges ont visé à deux reprises, dans les motifs, non le décret du 3 mai 1995 dont il a été fait application en l'espèce, mais le précédent décret du 11 mai 1990 instituant la taxe pour des années antérieures, qui ne sont pas ici en litige, et demande que le jugement soit rectifié sur ce point ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R.205 que seul le président du tribunal administratif est compétent pour rectifier une erreur matérielle qui entache la minute d'un jugement ; que les conclusions de l'ADEME présentées à la cour et tendant à la rectification du jugement attaqué doivent, dès lors, être rejetées ; qu'à supposer que l'ADEME ait entendu contester la régularité en la forme du jugement attaqué, il résulte de l'examen des motifs de ce jugement que l'erreur ainsi relevée est sans incidence sur la décision retenue par les premiers juges ; que les conclusions de l'ADEME sur ce point doivent en conséquence être rejetées ;
Sur le principe de la taxation :
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'ADEME, l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui se borne, dans son article 4, à indiquer que les taxes parafiscales sont établies par voie réglementaire dans les limites et conditions fixées par ledit article, n'a pu avoir pour objet de conférer à l'autorité réglementaire, lors de l'institution par décret de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique, le pouvoir de déterminer, abstraction faite des dispositions législatives qui définissent ce qu'il convient d'entendre par "polluants", les substances ou les gaz qui peuvent être qualifiés comme tels ; que, dès lors, quand bien même le décret du 3 mai 1995 a été pris non sur le fondement de la loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques, mais sur celui des dispositions de l'ordonnance susvisée du 2 janvier 1959, la taxe qu'il institue ne peut cependant être regardée comme légale que pour autant que les "polluants" qui en constituent le fait générateur puissent effectivement être qualifiés comme tels au sens de la législation en vigueur à la date de la publication de ce décret ; que la circonstance que, conformément aux exigences du décret du 30 octobre 1980 relatif aux taxes parafiscales pris pour l'application de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le décret du 3 mai 1995 fixe l'affectation, l'assiette, le fait générateur ainsi que les règles de liquidation et de recouvrement de la taxe est inopérante au regard de l'obligation de conformité avec la législation en vigueur, ci-dessus rappelée ;
Considérant que la loi du 2 août 1961 précitée en vigueur à la date du décret du 3 mai 1995 dispose, dans son article 1er, que "les établissements industriels ... devront être construits, exploités ou utilisés de manière à satisfaire aux dispositions prises en application de la présente loi afin d'éviter les pollutions de l'atmosphère et les odeurs qui incommodent la population, compromettent la santé ou la sécurité publique ..." et, par son article 2, renvoie à des décrets le soin de déterminer "1 ) les cas et conditions dans lesquels pourra être interdite ou réglementée l'émission dans l'atmosphère de fumées, suies, poussières ou gaz toxiques, corrosifs, odorants ou radioactifs" ;

Considérant qu'il est constant que le protoxyde d'azote n'est pas un gaz toxique, corrosif, odorant et radioactif ; que le fait que ce gaz contribue, dans une proportion d'ailleurs difficilement évaluable, à augmenter l'effet de serre d'origine humaine qui n'entre pas dans les prévisions de la loi du 2 août 1961, n'est pas de nature à permettre d'intégrer ce gaz dans la catégorie des polluants au sens de la loi de 1961 ; que, par suite, au regard de ce texte, c'est par une erreur manifeste d'appréciation que le décret du 3 mai 1995 a compris au nombre des polluants donnant lieu à taxation le protoxyde d'azote ;
Considérant, par ailleurs, que la taxation du protoxyde d'azote ne saurait davantage, alors même que le décret qui l'institue vise cette loi, trouver, au regard de la qualification de polluant donnée à ce gaz, un fondement légal dans les dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, qui n'a pas pour objet de définir la pollution atmosphérique ; que, de même, ne peuvent être utilement invoquées ni les dispositions du décret du 13 mai 1974 relatif au contrôle des émissions polluantes et à certaines utilisations de l'énergie thermique, qui ajoute à la loi du 2 août 1961 en qualifiant d'émissions polluantes celles qui sont de nature à compromettre la santé publique et la protection de l'environnement, ni les termes de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie retenant une conception plus extensive de la pollution, qui n'était pas en vigueur à la date de publication du décret du 3 mai 1995 ;
Considérant, enfin, que l'ADEME ne peut se prévaloir de la directive du 28 juin 1984 du Conseil de la communauté relative à la lutte contre la pollution atmosphérique en provenance des installations industrielles, qui mentionne en annexe, dans la liste des substances polluantes, les composants azotés, dès lors que le décret du 3 mai 1995 n'a pas été pris pour la transposition de cette directive qui a pour but d'harmoniser les politiques d'autorisation préalable des installations et que les autorités de l'Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d'une directive qui n'ont pas fait l'objet d'une transposition en droit interne ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir de la définition de la pollution atmosphérique donnée par l'article 1er de la Convention de Genève en date du 13 novembre 1979 dès lors que cette convention se borne à formuler des recommandations à l'égard des Etats qui l'ont signée ; que si l'ADEME invoque également la définition de la pollution atmosphérique établie par l'OCDE, une telle définition ne peut être rattachée à aucune convention ou règle de droit international dont elle serait fondée à se prévaloir ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les titres de perception n 31/96/02, 62-96/06, 76-96/07, 76-96/06 et 77-97/01 émis les 29 octobre et 26 novembre 1996 pour le recouvrement des sommes de 175.683,20 F, 79.648,80 F, 234.036 F, 499.554 F et 159.390 F correspondant au montant de la taxe parafiscale sur la pollution atmosphérique à laquelle la société Grande Paroisse a été assujettie au titre de la période du 6 mai au 31 décembre 1995 ainsi que les décisions des 18 décembre 1996, 28 janvier 1997 et 22 juillet 1997 par lesquelles elle a rejeté les réclamations de la société ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ADEME est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé le titre de perception n 69-96/01 émis le 29 octobre 1996 à l'encontre de la société Elf-Atochem pour le recouvrement de la somme de 19.998 F, ainsi que la décision du 28 janvier 1997 par laquelle le directeur de l'ADEME a rejeté la réclamation préalable de la société Grande Paroisse ; que le surplus de ses conclusions doit, en revanche, être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de faire droit aux conclusions de l'ADEME tendant à ce que la société Grande Paroisse lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de condamner l'ADEME, en application des mêmes dispositions, à verser à la société Grande Paroisse la somme de 1.000 F ;
Article 1er : Le jugement n s 9702435/7 - 9702436/7 - 9702440/7 - 9702442/7 - 9704172/7 - 9711145/7 du 29 avril 1998 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a annulé le titre de perception n 69-96/01 émis le 29 octobre 1996 à l'encontre de la société Elf-Atochem pour le recouvrement de la somme de 19.988 F ainsi que la décision par laquelle l'ADEME a rejeté la réclamation préalable formée contre ledit titre.
Article 2 : La demande présentée par la société Grande Paroisse devant le tribunal administratif de Paris et enregistrée sous le n 9704172/7 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'ADEME est rejeté.
Article 4 : L'ADEME versera à la société Grande Paroisse la somme de 1.000 F au titre des frais non compris dans les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA03243
Date de la décision : 04/02/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - ERREUR MANIFESTE - EXISTENCE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - PARAFISCALITE - REDEVANCES ET TAXES DIVERSES - TAXES PARAFISCALES.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R205, L8-1
Décret 74-415 du 13 mai 1974
Décret 95-585 du 03 mai 1995 art. 1, annexe
Loi 61-842 du 02 août 1961
Loi 76-663 du 19 juillet 1976
Ordonnance 59-2 du 02 janvier 1959 art. 4


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-02-04;98pa03243 ?
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