(2ème Chambre B) VU l'ordonnance en date du 14 mars 1996, enregistrée au greffe de la cour le 5 avril 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative de Paris, en application de l'article R.7 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel la requête présentée par M. Georges JABLAN ;
VU la requête, enregistrée au greffe du secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 28 février 1996 et au greffe de la cour le 5 avril 1996, et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la cour les 21 mai et 21 octobre 1996, présentés pour M. X..., demeurant ..., par Mes KEROGUES et Y..., avocats ; M. JABLAN demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement n 9309250/1 en date du 5 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 ;
2 ) de le décharger en droits et pénalités des impositions contestées ;
3 ) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier;
VU le code général des impôts ;
VU la Convention franco-zaïroise sur la protection des investissements en date du 5 octobre 1972 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 octobre 1998 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat, substituant Me Y..., avocat, pour M. JABLAN,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
Sur le principe de l'assujettissement de M. JABLAN à l'impôt sur le revenu en France :
Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1977 : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ..." ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : "1- Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ..." ; que pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pendant les années 1987 et 1988, si M. JABLAN a exercé une activité professionnelle au Zaïre, il a continué de disposer de manière permanente d'un appartement situé ..., dans lequel logeaient sa femme et ses trois enfants et où il utilisait les services de plusieurs employés de maison ; qu'il possédait également plusieurs véhicules en France et qu'il a régulièrement effectué des dépenses courantes dans ce pays ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il disposait au Zaïre d'une habitation et d'une autorisation de résidence, et que les casinos dont il dit assurer l'exploitation se trouvaient situés dans ce pays, M. JABLAN doit être regardé comme ayant eu, au cours des années 1987 et 1988, le centre de ses intérêts familiaux et donc son foyer en France et comme ayant été, par suite, fiscalement domicilié dans ce pays au sens des dispositions de l'article 4 B précité ; que ne peuvent faire obstacle à l'obligation fiscale illimitée en France à laquelle était par suite tenu M. JABLAN ni les dispositions de l'article 6-4 a du code général des impôts relatives au régime d'imposition distincte des époux en cas de séparation de biens, à supposer même que le requérant établisse, ce qui n'est pas le cas, que sa femme et lui résidaient séparément, ni celles de la doctrine contenue dans le paragraphe 17 de l'instruction 5-B-10-85 du 18 février 1985 commentant l'article 2 de la loi de finances pour 1983 qui a supprimé la notion de chef de foyer fiscal, dès lors que, contrairement au cas prévu par cette instruction, il est ici établi que tant M. que Mme JABLAN avaient leur foyer fiscal en France ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle :
Considérant, en premier lieu, qu'aucune des dispositions des articles L.10 et L.12 du livre des procédures fiscales ne faisait obstacle à ce que l'administration fiscale engageât à l'encontre de M. et Mme X..., tous deux domiciliés en France et y ayant souscrit des déclarations communes de revenus, un examen de situation fiscale personnelle ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune des dispositions des mêmes articles L.10 et L.12 ni de l'article L.47 du livre des procédures fiscales n'a pour effet d'empêcher l'administration fiscale d'exercer son droit de communication auprès de tiers avant, pendant ou après une vérification ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait en l'espèce exercé ce droit de communication avant l'envoi, le 16 février 1990, de l'avis de vérification et il n'est pas soutenu par M. JABLAN qu'elle aurait collecté des renseignements ayant servi à établir les bases de son imposition après l'expiration du délai maximum d'un an visé à l'alinéa 3 de l'article L.12 précité pour procéder à un examen de situation fiscale ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. JABLAN fait valoir qu'il n'a pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire auquel il avait droit sur la question de son domicile fiscal et qu'il n'a pas été mis en mesure de contester les renseignements obtenus du service auprès de tiers, il résulte en réalité de l'instruction, d'une part, que les deux demandes de justifications adressées au contribuable les 2 et 23 août 1990 comportaient en tout état de cause des indications très précises quant aux motifs conduisant le service à retenir sa domiciliation fiscale en France et que M. JABLAN n'a pas usé de la possibilité qui lui était donnée d'y répliquer de manière détaillée en se bornant à réaffirmer que son domicile fiscal aurait été au Zaïre, et, d'autre part, qu'alors que l'administration avait donné le détail des renseignements utilisés par elle, il n'a formulé aucune demande tendant à obtenir leur communication ;
Considérant, enfin, que si dans le dernier état de ses conclusions, M. JABLAN invoque le caractère irrégulier de la procédure d'imposition au motif que l'administration fiscale aurait obtenu de manière illicite la communication de renseignements bancaires provenant du Zaïre, cette allégation ne repose sur aucun fondement ;
En ce qui concerne la demande de justifications :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, ainsi que des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156, 199 sexies et 199 septies du code général des impôts. L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quater du code général des impôts. Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ... Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ..." ; qu'aux termes de l'article L.16 A de ce livre : "Les demandes d'éclair-cissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite" ;
Considérant qu'il est constant qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus M. et Mme X... ont souscrit, au titre des années 1987 et 1988, des déclarations communes de revenus et que ces déclarations portaient la mention de revenus imposables nuls ; que, par suite, l'administration fiscale, qui avait recensé sur les comptes bancaires ouverts en France par M. JABLAN des crédits bancaires s'élevant à 4.970.612 F pour l'année 1987 et à 11.325.886 F pour l'année 1988, était fondée, eu égard à l'écart ainsi constaté entre les revenus déclarés et ces crédits bancaires, à demander au contribuable des justifications en vertu des dispositions précitées de l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les demandes adressées les 2 et 23 août 1990 à M. JABLAN sur le fondement de l'article L.16 du livre des procédures fiscales tendaient exclusivement à la production de justifications relatives aux crédits bancaires relevés par le service et que M. JABLAN s'est en réponse borné à indiquer qu'il n'était pas domicilié en France ; que cette réponse ne pouvait qu'être regardée, eu égard aux questions posées, comme équivalant à une absence totale de réponse, de nature à justifier la taxation d'office des sommes en cause, sans que l'administration ait été tenue d'adresser au préalable au contribuable les demandes de précisions complémentaires visées à l'article L.16 A précité ;
En ce qui concerne la taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article L.69 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L.16" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute de toute explication fournie par le contribuable, l'administration fiscale qui, à l'exception de certaines sommes dont elle avait déterminé la nature, n'était pas en mesure de rattacher les crédits bancaires ayant fait l'objet des demandes de justifications à aucune catégorie précise de revenus, était fondée à procéder, sur le fondement des dispositions de l'article L.69 susrapporté, à la taxation d'office de ces crédits en tant que revenus d'origine indéterminée ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en raison de la taxation d'office pratiquée à son encontre, il appartient à M. JABLAN, en vertu des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition qu'il conteste ;
Considérant que M. JABLAN n'apporte aucun élément de nature à étayer de manière précise ses assertions selon lesquelles les différents crédits bancaires litigieux correspondraient en réalité soit à des sommes appartenant à la société zaïroise Kinstib dont il est le gérant, ce qui ferait obstacle à leur imposition en France, soit à des investissements qui pourraient selon lui, bénéficier, en vertu des stipulations de la convention signée le 5 octobre 1972 entre la France et le Zaïre pour la protection des investissements, d'une exonération fiscale ;
Sur les pénalités :
Considérant que M. JABLAN s'est borné à invoquer l'illégalité des pénalités pour mauvaise foi dont ont été assorties ses impositions, sans apporter aucune précision permettant d'apprécier la portée du moyen soulevé ; que ce dernier ne peut donc qu'être rejeté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. JABLAN n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. JABLAN est rejetée .