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24/09/1998 | FRANCE | N°98PA02785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5e chambre, 24 septembre 1998, 98PA02785


(5ème Chambre)
VU, enregistré au greffe de la cour le 4 août 1998, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance du 22 juillet 1998 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, statuant en référé, a, sur la demande de M. D... et autres, désigné M. Maurice C... en vue de procéder à une expertise portant sur la situation de la société Europavie avant et après son rachat par le groupe Thinet et jusqu'à sa liquidation, ainsi que sur

les mesures de contrôle et de surveillance prises sur cette société par l...

(5ème Chambre)
VU, enregistré au greffe de la cour le 4 août 1998, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance du 22 juillet 1998 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, statuant en référé, a, sur la demande de M. D... et autres, désigné M. Maurice C... en vue de procéder à une expertise portant sur la situation de la société Europavie avant et après son rachat par le groupe Thinet et jusqu'à sa liquidation, ainsi que sur les mesures de contrôle et de surveillance prises sur cette société par les autorités administratives ;
2 ) de prononcer la suspension de l'exécution de cette ordonnance ;
3 ) de rejeter la demande présentée par M. D... et autres devant le tribunal administratif de Paris ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des assurances ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 1998 :
- le rapport de M. DUPOUY, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour M. D..., celles de la SELAFA BLAMOUTIER, SALPHATI et associés, avocat, pour M. Z... et celles de Me X..., avocat, pour Me B..., ès qualité de liquidateur de la société Europavie,
- et les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours :
Considérant que M. A..., directeur du Trésor, était titulaire, à la date de présentation du recours, d'une délégation régulière de signature consentie par arrêté du 30 juin 1997, publié au Journal officiel du 2 juillet 1997 ; qu'il était donc compétent pour signer, par délégation du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, le recours déposé par ce ministre le 4 août 1998 et tendant à l'annulation et à la suspension de l'ordonnance en date du 22 juillet 1998 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a prescrit une expertise à la demande de plusieurs souscripteurs de contrats de la société en liquidation Europavie ainsi que de l'association des souscripteurs et assurés d'Europavie ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance :
Considérant qu'aux termes de l'article R.128 du code des tribunaux admi-nistratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut, sur simple requête qui, devant le tribunal administratif, sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction ..." ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a désigné un expert chargé de décrire "la situation d'Europavie avant son rachat en 1994-1995, les types de contrats qu'elle propose depuis 1990, les agréments dont elle a disposé, les circonstances et les conditions de sa reprise par le groupe Thinet, l'évolution de la situation comptable, financière et l'état des engagements de la société pendant la période entre le 1er janvier 1990 et le retrait d'agrément, l'ensemble des mesures de contrôle et de surveillance prises par le ministre chargé de l'économie et des finances et la commission de contrôle des assurances entre le rachat d'Europavie par le groupe Thinet et le retrait d'agrément, les suites qui ont été données à ces mesures", de formuler un avis "sur l'appréciation portée par les autorités de tutelle sur les conditions de cette reprise" et "sur la nécessité d'une réduction des sommes payables aux assurés", et, "d'une manière générale, de procéder à toutes constatations, recueillir tous renseignements, formuler tout avis qu'il estimera nécessaires" ;
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la demande présentée devant le tribunal administratif tendait à la désignation d'un expert en application des dispositions précitées de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et non à la communication de documents en application de l'article R.130 du même code ; que le moyen tiré de l'absence d'urgence est, dès lors, inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que la mesure ordonnée, en tant qu'elle a pour objet de faire décrire par un expert la situation de la société Europavie, les circonstances et les conditions de sa reprise par le groupe Thinet et les mesures de contrôle et de surveillance adoptées, présente un caractère utile en ce qu'elle doit permettre aux requérants de première instance de rassembler des informations qu'ils n'auraient pu obtenir par d'autres voies de droit et qu'ils pourront produire à l'appui d'éventuels recours ultérieurs ; que la circonstance que certains des documents qui pourront être produits à l'expert ne sont pas des documents administratifs au sens de la loi du 17 juillet 1978 est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance ; qu'enfin, à supposer même que certains des documents mentionnés dans la mission de l'expert
soient couverts par le secret industriel et commercial, ce secret, institué dans le seul intérêt des entreprises, ne peut être valablement opposé par le ministre ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en demandant à l'expert de donner son avis sur l'appréciation portée par les autorités de tutelle sur les conditions de la reprise de la société Europavie par le groupe Thinet ainsi que sur la nécessité d'une réduction, au sens de l'article L.326-13 du code des assurances, des sommes payables aux assurés, l'ordonnance attaquée a fait porter la mission de l'expert sur des questions de droit ; qu'une telle mission n'est pas de celles qu'un juge peut confier à un expert ; que, dès lors, le ministre est fondé à demander l'annulation de cette ordonnance en tant qu'elle confie à l'expert le soin de se prononcer sur de telles questions ;
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article R.135 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque la cour administrative d'appel est saisie d'une décision prise par le président du tribunal administratif en application des articles R.128 à R.130, elle peut immédiatement et à titre provisoire suspendre l'exécution de cette décision si celle-ci est de nature à préjudicier grave-ment à un intérêt public ou aux droits de l'appelant" ;
Considérant que le ministre soutient que la mission de l'expert, d'une part, interfère dans la procédure de liquidation en cours de la société Europavie et risque de nuire à la confidentialité des démarches entreprises, dans l'intérêt des assurés, pour tenter de faire jouer une solidarité de place et, d'autre part, est de nature à entraîner une rupture d'égalité entre les assurés ; qu'en se bornant à ces affirmations, le ministre requérant ne peut être regardé comme établissant que l'exécution de l'ordonnance attaquée est de nature à préjudicier gravement à un intérêt public ou aux droits qu'il a mission de défendre ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes exposées et non comprises dans les dépens :

Considérant que le ministre requérant n'étant pas la partie perdante, les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat soit condamné à verser aux défendeurs les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Paris du 22 juillet 1998 est annulée en tant qu'elle a prescrit à l'expert de donner son avis, d'une part, sur l'appréciation portée par les autorités de tutelle sur les conditions de reprise de la société Europavie par le groupe Thinet et, d'autre part, sur la nécessité d'une réduction des sommes payables aux assurés de cette société.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de M. D... et autres tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA02785
Date de la décision : 24/09/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - REFERE TENDANT AU PRONONCE D'UNE MESURE D'EXPERTISE OU D'INSTRUCTION - CONDITIONS.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - SUSPENSION PAR LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL D'UNE MESURE PRISE EN REFERE.


Références :

Code des assurances L326-13
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R128, R130, R135, L8-1
Loi 78-753 du 17 juillet 1978


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DUPOUY
Rapporteur public ?: M. HAÏM

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-09-24;98pa02785 ?
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