(1ère chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 26 avril 1996, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9304458/7 en date du 27 décembre 1995 en tant que le tribunal administratif de Paris a accordé à la société civile immobilière Daumesnil Diderot la décharge des participations pour dépassement du coefficient d'occupation des sols auxquelles elle a été assujettie à raison des travaux exécutés sur un immeuble sis 31 bis et ter boulevard Diderot à Paris en vertu d'un permis de construire accordé le 17 mai 1990 et modifié par arrêté du 22 janvier 1991 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société civile immobilière Daumesnil Diderot ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code général des impôts, ensemble le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU le décret n 83-1261 du 30 décembre 1983 ;
VU la loi n 97-1239 du 29 décembre 1997 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 3 juillet 1998 :
- le rapport de Mme KIMMERLIN, premier conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour la société civile immobilière Daumesnil Diderot,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997 : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R.424.1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité" ; que la société Daumesnil-Diderot ne peut utilement invoquer la méconnaissance, par ces dispositions, des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui n'est pas applicable aux contestations portées devant les tribunaux relatives à la régularité ou au bien-fondé d'une imposition ;
Considérant que, par le jugement attaqué en date du 27 décembre 1995, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société civile immobilière Daumesnil Diderot de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie pour un montant total de 5.649.300 F par deux décisions du maire de la ville de Paris en date des 25 février et 10 juin 1991 prises en application de l'article R.424.1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984 confiant au maire de Paris, agissant au nom de l'Etat, la détermination de l'assiette et la liquidation des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur au titre desquelles figurent la participation litigieuse ; qu'il est constant que ledit jugement n'est pas devenu définitif et que la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols a été déterminée et liquidée dans les conditions surappelées avant le 9 novembre 1995 ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est fondé à soutenir qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 31 de la loi de finances rectificative ladite participation a été établie par une autorité compétente et que, par suite, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour prononcer la décharge de la participation litigieuse ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant la cour que devant le tribunal ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R.424.1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : "La détermination de l'assiette et la liquidation des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur peuvent être confiées, sur sa demande ou avec son accord, à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, lorsqu'elle est autre que l'Etat, par arrêté du préfet pris sur proposition du responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme. Cette autorité est substituée au responsable du service de l'Etat dans le département, chargé de l'urbanisme, pour exercer cette mission au nom de l'Etat. Un arrêté du ministre chargé de l'urbanisme précise le cas échéant les modalités techniques d'application du présent article." ; que ces dispositions qui sont issues du décret n 83-1261 du 30 décembre 1983 publié au Journal officiel de la République française du 7 janvier 1984 et dont l'entrée en vigueur n'est pas subordonnée à l'intervention de l'arrêté ministériel auquel elles ne renvoient que le cas échéant pour la fixation des modalités techniques sont suffisamment précises pour être applicables dès leur publication ; qu'ainsi, la circonstance que l'arrêté mentionné par l'article R.424.1 précité n'a été signé par le ministre de l'urbanisme et du logement que le 26 avril 1984 et publié au Journal officiel de la République française le 26 juin 1984 n'a pas fait obstacle à l'entrée en vigueur de ces dispositions préalablement à l'arrêté ministériel ; que la circonstance que l'arrêté préfectoral du 30 mars 1984 ne prévoit pas de délai pour la notification au pétitionnaire de la fiche de liquidation de l'imposition est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que le respect de ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R.333.4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : "La valeur du m2 de terrain est déclarée à l'occasion de la demande de permis de construire par l'auteur de celle-ci ... Le directeur des services fiscaux est consulté par le service chargé de l'instruction de la demande de permis de construire en vue d'émettre un avis sur la déclaration de la valeur du m2 de terrain souscrite par l'auteur de cette demande. Cet avis doit être émis par le directeur des services fiscaux dans le délai d'un mois suivant la réception de la demande d'avis ..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'aucune date limite n'est imposée pour la notification, au constructeur, de l'estimation administrative lorsqu'elle est différente de la déclaration de celui-ci ; que, dès lors, la société Daumesnil Diderot n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que l'estimation de la valeur vénale du terrain retenue par l'administration lui a été notifiée postérieurement à la délivrance du permis de construire est de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la société civile immobilière Daumesnil Diderot excipe de l'illégalité des dispositions de l'article UH 15 du plan d'occupation des sols de la ville de Paris approuvé le 20 novembre 1989 pour soutenir que la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie ne serait pas exigible ; qu'elle fait valoir, à cet égard, que ladite participation est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité des dispositions de l'article 15 dudit plan qui sont applicables à la zone où se situe la construction autorisée et qui, contrairement aux prescriptions de l'article L.123.1 du code de l'urbanisme, ont permis, sans limitation de plafond, les dépassements de coefficients d'occupation des sols ;
Considérant qu'aux termes du 2 de l'article L.123.1 du code de l'urbanisme, les plans d'occupation des sols doivent "définir, en fonction des situations locales, les règles concernant le droit d'implanter des constructions, leur destination et leur nature" ; que le 4 du même article dispose que les plans d'occupation des sols peuvent "fixer pour chaque zone ou partie de zone, en fonction notamment de la capacité des équipements collectifs existants ou en cours de réalisation et de la nature des constructions à édifier, un ou des coefficients d'occupation des sols qui déterminent, éventuellement, pour chaque nature de construction, la densité de construction, qui y est admise" ; qu'aux termes de l'article L.332.1 du code de l'urbanisme : "Lorsque l'application des règles mentionnées aux 2 et 3 de l'article L.123.1 permet la réalisation d'une construction qui dépasse la norme résultant de l'application du coefficient d'occupation des sols, le constructeur est tenu de verser une participation" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la participation prévue par les dispositions précitées de l'article L.332.1 dudit code est due à raison de tous les travaux de construction ou d'aménagement de locaux existants pour lesquels l'article L.421.1 du code de l'urbanisme exige la délivrance d'un permis de construire, dès lors qu'ils entraînent un dépassement du coefficient d'occupation des sols ;
Considérant qu'il est constant que les travaux de construction autorisés par le permis de construire délivré le 17 mai 1990 à la société civile immobilière Daumesnil Diderot et modifié par arrêté du 22 janvier 1991 emportent un dépassement du coefficient d'occupation des sols applicable à la zone où se situe le projet autorisé ; que, dès lors, c'est à bon droit que la société bénéficiaire de l'autorisation de construire a été assujettie à la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols prévue par les dispositions précitées, la circonstance, à la supposer établie, que le dépassement de ce coefficient ne pouvait être légalement autorisé sur le fondement de l'article 15 invoqué par la société ne faisant pas obstacle à cet assujettissement ; qu'ainsi, la société civile immobilière Daumesnil Diderot n'est pas fondée à soutenir que la construction qu'elle a réalisée serait exclue du champ d'application de l'imposition prévue par les dispositions législatives précitées et à en demander, pour ce motif, la décharge ;
Considérant que la société civile immobilière Daumesnil Diderot se prévaut également de ce que la surface retenue par l'administration en application de l'article R.332.1 du code de l'urbanisme pour calculer, par décision du 10 juin 1991, le montant complémentaire de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols par elle dû en raison de la délivrance d'un permis de construire modificatif le 22 janvier 1991 serait erronée en ce qu'elle inclut des emplacements de stationnement de véhicules ; que, toutefois, l'allégation de la société civile immobilière Daumesnil Diderot qui n'est assortie d'aucune précision n'est corroborée par aucune pièce du dossier ; que, dans ces conditions, la société ne peut être regardée comme apportant la preuve du caractère erroné de la surface retenue par l'administration pour servir d'assiette au calcul de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols établie le 10 juin 1991 par le maire de la ville de Paris ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société civile immobilière Daumesnil Diderot de la somme de 5.649.300 F à laquelle elle a été assujettie au titre de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols ;
Article 1er : Le jugement n 9304458/7 en date du 27 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols d'un montant de 5.649.300 F à laquelle la société civile immobilière Daumesnil Diderot a été assujettie est remise intégralement à sa charge.