VU la requête, enregistrée le 14 mai 1994 au greffe de la cour, présentée pour la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY, dont le siège est ... et qui est représentée par son président-directeur général, par Me X..., avocat ; la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9108384/2 en date du 20 février 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1985 ;
2 ) de la décharger de l'imposition contestée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 25 juin 1998 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations du cabinet X..., avocat, pour la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts applicable aux sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code : "1 ... Le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises" ; qu'aux termes de l'article 38-2 bis du code général des impôts : " ...Les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services." ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1 ) les frais généraux de toute nature ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY a regardé comme des charges déductibles de ses résultats de l'exercice clos le 31 décembre 1985 les commissions versées par elle à la société C2L, qu'elle avait chargée de la prospection d'une clientèle en vue de lui prendre commande et de lui vendre par souscription des ouvrages dont elle assurait l'édition ; que l'administration, se fondant sur la circonstance que la livraison des ouvrages en cause, qui, à paraître en 1986, n'avaient pas encore été édités au 31 décembre 1985, ne pouvait être réalisée qu'après le 1er janvier 1986, lui a contesté le droit de procéder à cette déduction au titre dudit exercice ;
Considérant que les charges exposées pour la prospection de la clientèle se rattachent, en application du principe de spécialité des exercices, à l'exercice au cours duquel elles ont été exposées ; que nonobstant la circonstance que les prises de commande effectuées par la société C2L puissent produire des effets sur le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par l'entreprise postérieurement à la clôture de l'exercice où les charges en cause ont été exposées, elles ne constituent pas des charges payées ou constatées d'avance, dès lors qu'elles ont eu pour contrepartie les prestations de prospection fournies par cette société au cours du même exercice ; que si le ministre invoque dans son recours le "principe comptable et fiscal du rattachement des charges aux produits", pour justifier que l'imputation des charges correspondant aux ouvrages non encore livrés à la clôture de l'exercice soit différée, par l'inscription à un compte de régularisation actif, en vue de leur rattachement à l'exercice au cours duquel ladite livraison produira ses effets bénéfiques sur le chiffre d'affaires de l'entreprise, aucune règle du plan comptable général de 1957, applicable aux cours des années d'imposition en cause, n'imposait aux entreprises, ni même d'ailleurs ne leur ouvrait expressément la faculté, de différer la déduction des charges exposées au cours d'un exercice pour les rattacher à l'exercice au cours duquel seront comptabilisés les produits correspondant à ces charges ; qu'ainsi l'administration fiscale n'était pas en droit de procéder à la réintégration des charges en litige dans les résultats de la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY ; qu'il y a lieu d'accorder à cette société décharge de l'imposition qu'elle conteste ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement n 9108384/2 du tribunal administratif de Paris en date du 20 février 1996 est annulé.
Article 2 : La société anonyme EDITIONS FLEURUS-TARDY est déchargée, à concurrence d'une réduction en base de 1.583.467 F, du complément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 1985.