(1ère Chambre)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 27 mars 1997, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9413789/7 en date du 11 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la participation pour dépassement de coefficient d'occupation du sol et de la taxe locale d'équipement mises à la charge de la société Murinvest au titre des travaux autorisés relatifs à un immeuble sis ... ;
2 ) de remettre intégralement les impositions litigieuses à la charge de la société Murinvest ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code général des impôts ;
VU le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU la loi n 97-1239 du 27 décembre 1997 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 1998 :
- le rapport de Mme KIMMERLIN, premier conseiller,
- les observations du cabinet HONIG, avocat, pour la société Murinvest,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par le recours susvisé, le MINISTRE DE L'EQUIPE-MENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 décembre 1996 qui a prononcé la décharge de la taxe locale d'équipement et de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol auxquelles la société Murinvest a été assujettie à raison de travaux réalisés sans permis de construire sur un immeuble sis ... pour des montants respectifs de 58.004 F en droits et pénalités en ce qui concerne la taxe locale d'équipement et de 4.006.440 F en ce qui concerne la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997 : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R.424-1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elles ne s'appliquent qu'aux droits en principal dus au titre des taxes dont le fait générateur est constitué par la délivrance du permis de construire à l'exclusion des pénalités d'assiette ou de recouvrement qui ont été assignées, le cas échéant, aux redevables desdites impositions ; que la société Murinvest ne peut, dès lors, utilement soutenir que l'article 31 de la loi de finances rectificative précitée serait contraire aux stipulations des articles 6-1 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er du protocole additionnel n 1 à ladite conven-tion, en ce qu'il inclurait les pénalités ;
Considérant que, par le jugement attaqué en date du 11 décembre 1996, le tribunal administratif de Paris a déchargé la société Murinvest, d'une part, de la partici-pation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol pour un montant de 4.006.440 F et, d'autre part, de la taxe locale d'équipement et des pénalités y afférentes pour un montant total de 58.004 F auxquelles elle a été assujettie par deux décisions du maire de la ville de Paris en date du 10 juin 1992 prises en application de l'arti-cle R.424-1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984 confiant au maire de Paris, agissant au nom de l'Etat, la déter-mination de l'assiette et la liquidation des impositions dont la délivrance du permis de construire constitue le fait générateur au titre desquelles figurent les impositions liti-gieuses ; qu'il est constant que ledit jugement n'est pas devenu définitif et que la parti-cipation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol et la taxe locale d'équipement ont été déterminées et liquidées dans les conditions susrappelées avant le 9 novembre 1995 ; qu'ainsi, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGE-MENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME est fondé à soutenir que les droits dus au titre de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol et de la taxe locale d'équipement à l'exclusion des pénalités assortissant cette dernière ont été établies par une autorité compétente en vertu de l'article 31 de la loi de finances rectificative précité ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant devant la cour que devant le tribunal ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition à la taxe locale d'équipement et à la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens présentés par la société Murinvest :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1585 A du code général des impôts : "Une taxe locale d'équipement, établie sur la construction, la recons-truction et l'agrandissement des bâtiments de toute nature est instituée : 1 De plein droit : a. Dans les communes de 10.000 habitants et au-dessus ; b. Dans les communes de la région parisienne ... la taxe est perçue au profit de la commune ..."; qu'aux termes de l'article 1723 quater du même code : "II- En cas de construction sans autorisation ou en infraction aux obligations résultant de l'autorisation, la base de la taxe ou du complément de taxe éventuellement exigible est notifiée au trésorier-payeur général par le directeur départemental de l'équipement ou par le maire. Le recouvrement de la taxe ou du complément de taxe, augmenté de l'amende fiscale prévue à l'article 1836, est immédiatement poursuivi contre le constructeur" ; que, d'autre part, aux termes de l'article R.332-9 du code de l'urbanisme relatif à la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol : " ... si un dépassement de la surface de plancher prévue par le permis de construire est constaté dans les conditions prévues à l'article L.480-1, la participation est due sur la base de la surface de plancher effectivement construite ... sans préjudice des sanctions prévues par les dispositions en vigueur en cas d'infraction à la réglementation en matière de permis de construire, la surface de plancher non autorisée est pour le calcul de la participation majorée de 50 % ..."; qu'aux termes de l'article L.55 du livre des procédures fiscales : "Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure de redressement contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A" ; qu'enfin, aux termes de l'article L.54 B du livre des procédures fiscales : "la notifi-cation d'une proposition de redressement doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de redressement ou pour y répondre" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Murinvest a été autorisée, par un permis de construire du 21 septembre 1989, à réhabiliter un immeuble à usage de commerce sis ... ; qu'ayant constaté par procès-verbal dressé en vertu de l'article L.480-1 du code de l'urbanisme le 23 février 1990, que la surface de plancher réalisée était supérieure à celle qui avait été déclarée dans la demande de permis de construire, le maire de la ville de Paris a, par deux lettres du 10 juin 1992, notifié à la société Murinvest, d'une part, un complément de taxe locale d'équipement et de taxe complémentaire à cette taxe due à raison d'un dépassement de surface de plancher de 258,20 m et, d'autre part, un complément de participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, la société Murinvest doit être regardée non comme s'étant abstenue de souscrire une déclaration pour la création d'une surface de plancher de 258,20 m, mais comme ayant souscrit une déclaration inexacte en vue de l'obtention du permis de construire qui lui a été délivré le 21 septembre 1989 en ce qui concerne les travaux litigieux ; qu'ainsi, en notifiant les compléments de taxes litigieuses, le maire de Paris a effectué des redressements auxdites taxes au sens des dispositions précitées de l'article L.55 du livre des procédures fiscales ; qu'il était, en conséquence, tenu de respecter la procédure prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; qu'il est constant que les lettres du 10 juin 1992 par lesquelles lesdits compléments ont été notifiés à la société Murinvest ne mentionnaient pas la possibilité pour le contribuable de se faire assister d'un conseil conformément aux dispositions précitées de l'article L.54 B du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, la procédure d'imposition auxdites taxes est irrégulière ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la taxe locale d'équipement litigieuse et de la taxe complémentaire à la taxe locale d'équipement ainsi que de la participation pour dépassement de coefficient d'occupation du sol et des pénalités afférentes auxdites taxes auxquelles la société Murinvest a été assu-jettie à raison de l'opération de réhabilitation d'un immeuble sis ... ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux adminis-tratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en appli-cation des dispositions susvisées, de condamner l'Etat à payer à la société Murinvest une somme de 5.000 F ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME est rejeté.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société Murinvest une somme de 5.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.