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11/06/1998 | FRANCE | N°96PA01322;96PA01688

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 11 juin 1998, 96PA01322 et 96PA01688


(2ème Chambre)
VU I) la requête, enregistrée le 7 mai 1996 au greffe de la cour sous le n 96PA01322, présentée pour l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ; l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9103618/2 en date du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a seulement déchargée des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle qui lui avaient été assignées au titre des années 1986 et 1987 mais a rejeté sa demande de décharge de la cotisation

d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de...

(2ème Chambre)
VU I) la requête, enregistrée le 7 mai 1996 au greffe de la cour sous le n 96PA01322, présentée pour l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES, dont le siège est ..., par Me X..., avocat ; l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 9103618/2 en date du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a seulement déchargée des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle qui lui avaient été assignées au titre des années 1986 et 1987 mais a rejeté sa demande de décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985 ;
2 ) de la décharger de l'imposition restant en litige ;
VU II) le recours, enregistré le 12 juin 1996 au greffe de la cour sous le n 96PA01688, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement susvisé du tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 1995 en ce qu'il a accordé à l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES la décharge des impositions forfaitaires annuelles relati-ves aux exercices 1986 et 1987 ;
2 ) de rétablir ces impositions à la charge de l'association ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 1998 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations de la SCP GOGUEL-MONESTIER-VALLETTE-VIALLARD, avocat, pour l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES a contesté les cotisations d'impôt sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle auxquelles elle a été assujettie, au titre, respectivement, de l'année 1985 et des années 1986 et 1987 ; que, par une requête enregistrée au greffe de la cour sous le n 96PA01322, elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 1995 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande en ce qui concerne l'imposition établie au titre de l'année 1985 ; que, par un recours enregistré au greffe de la cour sous le n 96PA01688, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINAN-CES fait appel du jugement précité en ce qu'il a déchargé l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle qui lui avaient été assignées au titre des années 1986 et 1987 ; que ces deux requêtes présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sur le principe de l'imposition :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 206 du code général des impôts : "1 ... Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, ... toutes personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif" ;
Considérant, d'une part, que l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES, qui a notamment pour objet de créer, organiser et diffuser des oeuvres théâtrales, a été créée à l'initiative de Mme Y... dont elle porte d'ailleurs le nom ; qu'il est constant que si cette dernière était dotée du statut de salariée, responsable de la programmation en sa qualité de directeur artistique, percevant à ce titre un salaire mensuel s'élevant à 6.000 F la première année et 11.000 F environ les années suivantes, elle avait installé le siège de la compagnie à son domicile, bénéficiait d'une procuration bancaire sur ses comptes, participait aux réunions du conseil d'administration et effectuait l'essentiel des choix de la compa-gnie ; qu'ainsi l'intéressée, qui s'est d'ailleurs initialement présentée au vérificateur comme la personne responsable de l'association, doit être regardée comme en ayant été la dirigeante de fait ; qu'alors même que les sommes susmentionnées qui lui étaient versées rémunéraient un service effectivement rendu, elles font obstacle, compte tenu de ce qui précède, à ce que la gestion de l'association puisse être regardée comme entièrement désintéressée ;
Considérant, d'autre part, que s'il résulte de l'instruction que la program-mation effectuée par l'association concernait fréquemment de petites salles de théâtre situées dans des localités où les spectacles théâtraux d'art et essai sont peu fréquents, la compagnie s'est également produite dans des festivals de renommée nationale ou internationale ; que si l'association fait valoir que les prix pratiqués par elle seraient inférieurs à ceux en vigueur pour des spectacles du même genre présentés dans des théâtres parisiens, elle n'en apporte pas véritablement la preuve ; que, par ailleurs, elle fait appel à des procédés publicitaires représentant plus de 10 % de ses dépenses ; qu'ainsi elle ne peut qu'être regardée comme une entreprise de spectacles de la même nature que celles qui sont exploitées dans des conditions commerciales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que l'administration fiscale a estimé que l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES était passible de l'impôt sur les sociétés ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne l'année 1985 :
Considérant que si l'association requérante fait valoir que l'administration ne lui a, à aucun moment de la procédure administrative, exposé les motifs pour lesquels elle estimait qu'elle était passible de l'impôt sur les sociétés, il ne résulte d'aucune disposition du code général des impôts, et notamment pas des articles L.45 et suivants, L.66-2 , L.68 et L.76 du livre des procédures fiscales, que l'administration fût tenue à une pareille obligation, ni au cours du débat oral et contradictoire qui doit s'instaurer au cours de la vérification de sa comptabilité entre le contribuable et le vérificateur, lequel n'est pas obligé d'indiquer à l'intéressé au cours du contrôle les redressements d'impôt qu'il pourrait d'ores et déjà envisager, ni lors des mises en demeure d'avoir à souscrire des déclarations n 2065 que le service peut estimer, sans avoir à s'en justifier, devoir effectuer, ni, enfin, dans la notification en cas de taxation d'office notamment pour défaut de réponse dans les trente jours à une telle mise en demeure, par laquelle l'administration se doit seulement de porter à la connaissance du redevable les bases et les modalités de détermination des impositions à mettre en recouvrement, et qui n'a pas pour objet d'indiquer au contribuable les motifs de redressements qu'elle se bornerait à ce stade à envisager, de manière à lui permettre de les contester utilement ; qu'il est constant que l'association requérante n'a pas déposé la déclaration qu'elle avait été invitée à souscrire dans le délai prescrit ; qu'ainsi, elle s'est trouvée en situation d'être taxée d'office sur le fondement des dispositions de l'article L.66 du livre des procédures fiscales ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la notification de redressements qui lui a été adressée le 22 décembre 1988, dont elle n'allègue pas qu'elle n'aurait pas contenu l'indication des bases et éléments servant au calcul des impositions établies d'office prescrite par les dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, n'était pas suffisamment motivée quant au principe de son imposition à l'impôt sur les sociétés ; que si elle a entendu, par ailleurs, invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret n 83-1025 du 28 novembre 1983, le bénéfice de la doctrine administrative contenue dans l'instruction 13-L-5-88 du 6 mai 1988, cette instruction qui prescrit à l'administration de démontrer que la personne morale est passible de l'impôt sur les sociétés et de lui envoyer une première notification avant d'adresser une mise en demeure, édicte par là même une règle de procédure nouvelle, non prévue par le livre des procédures fiscales, qui est contraire aux lois et règlements au sens de l'article 1er du décret précité et n'est, en conséquence, pas opposable à l'administration ;
En ce qui concerne les années 1986 et 1987 :

Considérant qu'aux termes de l'article 223 sexies du code général des impôts : "Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont assujetties à une imposition forfaitaire annuelle d'un montant fixé à : - 4.000 F pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1.000.000 F ; - 6.000 F pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est compris entre 1.000.000 F et 2.000.000 F ; - 8.500 F pour les personnes morales dont le chiffre d'affaires est compris entre 2.000.000 F et 5.000.000 F ; ... . Le chiffre d'affaires à prendre en considération s'entend du chiffre d'affaires, tous droits et taxes compris, du dernier exercice clos. Cette imposition n'est pas applicable aux organismes sans but lucratif visés au 5 de l'article 206 ainsi qu'aux personnes morales exonérées de l'impôt sur les sociétés en vertu des articles 207 et 208 ..." ; qu'aux termes de l'article 1668 A de ce code : "L'imposition forfaitaire visée à l'article 223 septies doit être payée sponta-nément à la caisse du comptable du Trésor chargé du recouvrement de l'impôt sur les sociétés, au plus tard le 1er mars. Le recouvrement de l'imposition ou de la fraction d'imposition non réglée est poursuivi, le cas échéant, en vertu d'un rôle émis par le directeur des services fiscaux" ; qu'il résulte de ces dispositions que le défaut de paiement de l'imposition forfaitaire annuelle ne présente pas le caractère d'une insuffisance, d'une inexactitude, d'une omission ou d'une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul de l'impôt, au sens des dispositions de l'article L.55 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la mise en recouvrement de l'imposition par suite du défaut de paiement spontané n'est pas subordonnée à la notification préalable d'un redressement dans les conditions et les formes prévues aux articles L.56 et suivants de ce livre ; qu'il suit de là que, dès lors que l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES était passible de l'impôt sur les sociétés ainsi qu'il a été dit ci-dessus, c'est à tort que les premiers juges ont, en se fondant sur le motif tiré de l'insuffisance de motivation de la notification de redressements que l'administration fiscale avait, quoique n'y étant pas tenue, tout de même adressée à la requérante le 14 mars 1989, estimé que l'imposition forfaitaire annuelle, au titre des années 1986 et 1987, lui avait été assignée au terme d'une procédure irrégulière ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit aux conclusions du recours du ministre en remettant ces impositions à la charge de l'association ;
Sur le bien-fondé de l'imposition afférente à l'année 1985 :

Considérant que si l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES soutient que la subvention perçue par elle au cours de l'année 1985 du ministère de la culture ne devait pas être intégrée aux bases de calcul de l'imposition opérée au titre de ladite année, elle n'apporte, en tout état de cause, alors que la charge de la preuve lui incombe en vertu des dispositions de l'article L.193 du livre des procédures fiscales, aucun élément et notamment aucune convention écrite, de nature à établir que, comme elle le soutient, ce versement n'aurait pas été effectué à son profit à titre de subvention d'équilibre définitivement acquise, mais seulement d'avance restituable au cas où les sommes en cause n'auraient pas été affectées, comme il advint, à la production, au cours de l'année, d'un spectacle, ni d'ailleurs qu'elle aurait effectivement procédé à une telle restitution ; que ne saurait tenir lieu d'une telle preuve la seule référence aux dispositions, en tout état de cause inapplicables en l'espèce, du décret du 30 juin 1934 relatif aux subventions accordées aux communes ou à des stipulations contractuelles et à une instruction postérieures à l'année d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES la décharge des cotisations d'imposition forfaitaire annuelle qui lui avait été assignées au titre des années 1986 et 1987 ; que l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES n'est en revanche pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, il ne lui a pas été accordé la décharge de l'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 1985 ;
Article 1er : L'imposition forfaitaire annuelle à laquelle l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES avait été assujettie au titre des années 1986 et 1987 est remise à sa charge.
Article 2 : Le jugement n 9103618/2 du tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de la requête n 96PA01322 de l'association COMPAGNIE VIVIANE THEOPHILIDES sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01322;96PA01688
Date de la décision : 11/06/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - PERSONNES MORALES ET BENEFICES IMPOSABLES.


Références :

CGI 206, 223 sexies, 1668
CGI Livre des procédures fiscales L45, L66-2, L68, L76, L66, L55, L56, L193
Décret du 30 juin 1934
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 1
Instruction du 06 mai 1988 13L-5-88


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme PERROT
Rapporteur public ?: Mme MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-06-11;96pa01322 ?
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