VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 6 novembre 1995 présentée pour M. G., domicilié ... par Me X., avocat ; M. G. demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du 3 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant a ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit déclarée responsable du préjudice que lui ont causé les interventions chirurgicales qu'il a subies les 6 et 10 octobre 1987 à l'hôpital Lariboisière de Paris et soit condamnée à lui verser une somme de 4.000.000 F ;
2 ) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une somme de 3.122.245 F en réparation des préjudices subis ;
3 ) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris au paiement des frais d'expertise et de tous les dépens exposés pour la présente instance devant la cour ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 1998 :
- le rapport de Mme KIMMERLIN, premier conseiller,
- les observations de la SCP JOUANNEAU-DESCOT, avocat, pour M. G. et celles du cabinet FOUSSARD, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. G. demande l'annulation du jugement en date du 3 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit déclarée responsable du préjudice que lui ont causé les interventions qu'il a subies les 6 et 10 octobre 1987 à l'hôpital Lariboisière, et condamnée à lui verser une somme de 4.000.000 F ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. G. qui souffrait d'un déficit du membre inférieur gauche en relation avec l'angiomatose héréditaire dont il est atteint depuis l'enfance a été hospitalisé en raison de ce symptôme et après une première tentative le 14 septembre 1987 a subi les 6 et 10 octobre 1987 deux interventions endovasculaires destinées à traiter des fistules artéroveineuses par occlusion à la suite desquelles il s'est trouvé atteint d'une paraplégie des membres inférieurs ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations et appréciations effectuées par l'expert désigné par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris que, compte tenu de la pathologie présentée par M. G. et des risques de complication qu'elle comportait, le traitement par embolisation plutôt que par intervention neurochirurgicale était le plus approprié ; qu'il résulte également desdites constatations que l'intervention s'est déroulée conformément aux règles de l'art et que les ballonnets ne se sont détachés qu'en raison du flux sanguin extrêmement important qui existait au niveau de la fistule en cours de traitement ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le requérant, aucune faute médicale n'a été commise ni dans le choix de la thérapeutique retenue ni lors de l'exécution des interventions des 6 et 10 octobre 1997 ;
Considérant toutefois qu'il résulte également de l'instruction et notamment du rapport susmentionné de l'expert, que le risque de paraplégie que comportait l'intervention préconisée, quoiqu'exceptionnel, était bien connu ; qu'eu égard à la gravité de ce risque, les praticiens de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris étaient tenus d'en informer l'intéressé ; que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris n'apporte pas la preuve qui lui incombe que M. G. a été informé de ce risque de paraplégie ; qu'ainsi en omettant cette information, les praticiens de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ont méconnu leur obligation et, par suite, commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Sur le préjudice :
Considérant que le préjudice subi par M. G. en raison du défaut d'information sur l'existence d'un risque grave de paraplégie inhérent à l'intervention qu'il a subie a consisté en la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; qu'eu égard à l'évolution prévisible de la maladie dont M. G. souffrait depuis son enfance, au caractère très peu fréquent du risque encouru lors de l'intervention et à l'ensemble des préjudices physiques et des troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation résultant de la perte de chance en condamnant l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à payer à M. G. la somme de 200.000 F ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que M. G. est fondé à demander, dans les circonstances de l'espèce, que les frais d'expertise soient mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme qu'elle demande sur le fondement des dispositions susvisées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 9309535 du 3 mai 1995 est annulé.
Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à payer à M. G. une somme de 200.000 F.
Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. G. est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.