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28/05/1998 | FRANCE | N°96PA02581

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 28 mai 1998, 96PA02581


(2ème Chambre)
VU, enregistré le 4 septembre 1996 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9217162/1 et n 9218324/1 du 8 février 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Pierre-Yves X..., demeurant ..., décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 1984 à 1986 et, d'autre part, des revenus fonciers, au titre des années 1985 e

t 1986 dans les rôles de la ville de Paris ;
2 ) à titre principal, d...

(2ème Chambre)
VU, enregistré le 4 septembre 1996 au greffe de la cour, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9217162/1 et n 9218324/1 du 8 février 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à M. Pierre-Yves X..., demeurant ..., décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, d'une part, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 1984 à 1986 et, d'autre part, des revenus fonciers, au titre des années 1985 et 1986 dans les rôles de la ville de Paris ;
2 ) à titre principal, de remettre, d'une part, intégralement à la charge de M. X... les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des années 1984, 1985 et 1986 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers correspondant à des avantages en nature alloués à ce dernier et, d'autre part, pour les années 1985 et 1986, les cotisations à l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers dont il a été accordé décharge par le juge ;
3 ) à titre subsidiaire, de remettre à la charge de M. X..., d'une part, une quote-part des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des années 1984, 1985 et 1986 correspondant à ces mêmes avantages en nature dans la catégorie des traitements et salaires et, d'autre part, pour les années 1985 et 1986, les cotisations à l'impôt sur le revenu au titre des revenus fonciers dont il a été accordé décharge par le juge ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 1998 :
- le rapport de M. MATTEI, premier conseiller,
- les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'au cours des années en litige, M. X..., président-directeur général de la société anonyme Siderem, occupait, conjointement avec M. Y..., un appartement sis ... (16ème), que cette société avait pris à bail et pour lequel elle avait comptabilisé en charge d'exploitation l'intégralité des loyers et dépenses locatives y afférentes ; qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité de la société anonyme Siderem portant sur les années 1984 à 1986, le service, au motif que l'avantage en nature n'avait été que partiellement déclaré et explicitement comptabilisé en tant que tel par cette société, a imposé la sous-évaluation de l'avantage en nature ainsi constatée, au nom de M. X..., au titre des revenus distribués à hauteur de 56.611 F en 1984, de 62.937 F en 1985 et de 74.086 F en 1986 ; que, par ailleurs, dans le cadre du contrôle sur pièces de son dossier, l'intéressé s'est vu notifier, s'agissant des années 1985 et 1986, respectivement les sommes de 3.960 F et 3.946 F au titre des revenus fonciers lui revenant dans la société civile immobilière Les Chênes ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires résultant de l'ensemble de ces rehaus-sements de base au motif que l'administration n'avait pas apporté la preuve, qui lui incombe en raison de la procédure suivie, que M. X... avait eu la disposition de l'appartement pour ses besoins privés, circonstance qui justifierait l'imposition de l'avantage en résultant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... :
Considérant que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que si M. X... soutient que ces dispositions sont contraires à l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantissent à tout justiciable le droit à un procès équitable, les dispositions réglementaires contestées, qui tiennent compte des nécessités parti-culières de fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, ne lui confèrent pas un privilège qui serait de nature à porter atteinte aux stipulations de la convention susvisée ; que, par suite, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, enregistré au greffe de la cour dans le délai prévu à l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales, est recevable ;
Sur la recevabilité des conclusions de la demande de première instance :

Considérant que, par réclamation au directeur présentée le 28 avril 1992, M. X... n'a contesté les impositions litigieuses qu'à hauteur des seules cotisations afférentes aux revenus de capitaux mobiliers ; que, cependant, dans ses deux requêtes introductives enregistrées au greffe du tribunal administratif de Paris les 21 novembre et 9 décembre 1992, M. X... a, pour les années 1985 et 1986, présenté une demande excédant le quantum qui était celui de sa réclamation préalable en étendant sa contestation aux droits rappelés afférents aux revenus fonciers susvisés ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont prononcé la décharge des cotisations afférentes auxdits revenus fonciers ;
Sur le principe de l'appréhension de l'avantage en nature imposé :
Considérant que l'administration, à qui incombe la charge de la preuve en raison de la nature de la procédure suivie, fait valoir, sans être sérieusement contredite, que l'appartement sis ... (16ème), constitue le domicile du défendeur et de son compagnon et ami M. Y..., et, en outre, est sa seule résidence connue ; que, par suite, et faute pour le défendeur d'avoir établi le lien allégué entre l'augmentation du chiffre d'affaires de la société anonyme Siderem et la mise à disposition de l'appartement litigieux, qui servirait, selon lui, exclusivement à l'orga-nisation de réceptions professionnelles, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a estimé que l'administration n'avait pas apporté la preuve de l'utilisation par M. X... de l'appartement pour ses besoins privés et qu'ainsi il n'était pas établi que ce dernier avait réellement bénéficié d'un avantage en nature ;
Considérant, toutefois, que saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévo-lutif de l'appel, il appartient à la cour d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... tant en première instance qu'en appel ;
Sur le bien-fondé des impositions au regard de l'application de la loi fiscale :
En ce qui concerne la détermination catégorielle de l'avantage en nature imposé :
Considérant qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : "Les contribuables visés à l'article 53 A ... doivent obligatoirement inscrire en comptabilité sous une forme explicite la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel" ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : "Sont notamment considérés comme revenus distribués : ... c. les rémunérations et avantages occultes" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société qui comptabilise indis-tinctement les avantages en nature accordés à son personnel dans son compte de frais généraux ne respecte pas les conditions posées par l'article 54 bis précité ;

Considérant que l'administration soutient, sans être contredite, que la valeur réelle de l'avantage en nature qui a été consenti à M. X... n'a pas fait l'objet, pour la totalité de sa sous-évaluation, d'une comptabilisation dans les condi-tions ci-avant énoncées au regard des dispositions précitées de l'article 54 bis du code général des impôts ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si cet avantage a eu, pour chacune des années concernées, pour effet de porter la rémunération globale de ce dernier à un niveau excessif, un tel avantage revêt, comme le soutient le ministre, au sens des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, un caractère occulte et doit être imposé au nom de l'intéressé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
En ce qui concerne l'évaluation des montants annuels de l'avantage en nature imposé :
Considérant que, pour déterminer l'avantage consenti à M. X... au titre des années en cause, l'administration a appliqué à l'intégralité des loyers et dépenses locatives y afférentes, s'élevant respectivement à des montants de 220.830 F en 1984, de 237.164 F en 1985 et de 266.895 F en 1986, un abattement de 25 % destiné à prendre en considération un usage professionnel partiel du local loué ; que sur les montants ainsi obtenus, réduits de moitié pour tenir compte de la quote-part revenant à M. Y..., elle a imputé une valeur annuelle de 26.000 F correspondant à l'avantage en nature déclaré par la société anonyme Siderem ; qu'ainsi, les bases sur lesquelles ont été établies les cotisations supplémentaires mises à la charge de M. X..., au titre des revenus de capitaux mobiliers, se sont élevées en définitive à 56.611 F en 1984, 62.937 F en 1985 et 74.086 F en 1986 ; qu'il suit de là, et à défaut pour M. X... de présenter des éléments chiffrés pertinents permettant d'infirmer les bases ainsi arrêtées, que l'administration doit être regardée, en l'espèce, comme ayant fait une juste appréciation, au titre des années concernées, de l'avantage en nature consenti à M. X... ;
Sur le bien-fondé des impositions au regard de l'interprétation de la loi donnée par l'administration :
Considérant que M. X... entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales, du fait que l'admi-nistration n'aurait pas procédé à la mise en recouvrement de rappels de même nature qui lui avaient été notifiés en 1981 au titre des années 1977 à 1980, pour la mise à sa disposition du même logement, dans des conditions similaires à celles de la période vérifiée ; que, toutefois, la circonstance qu'à la suite d'une notification de redressement un complément d'imposition n'ait jamais été mis en recouvrement ne peut être regardée comme constituant une appréciation par l'administration d'une situation de fait au regard de la loi fiscale au sens de l'article susvisé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à M. X... la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler ce jugement et de remettre à la charge de M. X... les impositions en cause ;
Sur les conclusions de M. X... tendant au bénéfice de l'arti-cle L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; qu'il suit de là que sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser une somme de 18.090 F au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : Le jugement n 9218526 du 8 février 1996 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les compléments de droits dont la décharge a été accordée à M. X... par le tribunal administratif au titre de l'impôt sur les revenus, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des années 1984 et 1986 et des revenus fonciers des années 1985 et 1986, ainsi que les pénalités y afférentes, sont remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02581
Date de la décision : 28/05/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - AVANTAGES EN NATURE ALLOUES AU PERSONNEL


Références :

CGI 54 bis, 111
CGI Livre des procédures fiscales R200-18, L80 B
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MATTEI
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-05-28;96pa02581 ?
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