La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/1998 | FRANCE | N°96PA01324;97PA01271

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 28 mai 1998, 96PA01324 et 97PA01271


(2ème Chambre)
VU I) enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 7 mai 1996 sous le n 96PA001324, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91 12053/1 et n 93 02753/1 en date du 30 juin 1994 du tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement a condamné l'Etat à verser à la société Alfa Lancia Spa des intérêts moratoires afférents à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée de 16.967.465,53 F relatif à l'année 1990, les intérêts des intérêts et la somme d

e 4.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) d'ordonner le reversement...

(2ème Chambre)
VU I) enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 7 mai 1996 sous le n 96PA001324, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91 12053/1 et n 93 02753/1 en date du 30 juin 1994 du tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement a condamné l'Etat à verser à la société Alfa Lancia Spa des intérêts moratoires afférents à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée de 16.967.465,53 F relatif à l'année 1990, les intérêts des intérêts et la somme de 4.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) d'ordonner le reversement de ces sommes par la société Alfa Lancia Spa ;
VU II) enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 22 mai 1997 sous le n 97PA01271, le recours présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94 03754/1 et n 94 08339/1 en date du 31 juillet 1996 du tribunal administratif de Paris en tant que ce jugement a condamné l'Etat à verser à la société Alfa Lancia Spa des intérêts moratoires afférents à un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée de 1.531.710 F relatif à l'année 1990, les intérêts des intérêts et la somme de 2.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) d'ordonner le reversement de ces sommes par la société Alfa Lancia Spa ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la huitième directive n 79/1072/CEE du conseil des communautés européennes du 6 décembre 1979 ;
VU le code civil ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 1998 :
- le rapport de M. MORTELECQ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société Alfa Lancia Spa a présenté le 24 mai 1991, en application des dispositions des articles 242-OM à 242-OT de l'annexe II au code général des impôts relatives au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis hors de France, une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée afférent à l'année 1990 s'élevant à la somme de 18.620.075,53 F ; qu'à défaut de décision prise à l'expiration du délai de six mois imparti à l'admi-nistration par l'article R.198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, la société Alfa Lancia Spa a saisi le tribunal administratif de Paris le 25 novembre 1991 afin d'obtenir la restitution de la somme de 18.620.075,53 F ainsi que le versement des intérêts moratoires ; que, par une première décision du 14 novem-bre 1991, la demande de la société Alfa Lancia Spa a été admise par l'administration à concurrence de 16.967.465,53 F dont la restitution a été effectuée le 12 février 1992 et, pour le surplus, rejetée au motif qu'un original de facture et la preuve du paiement de certaines factures n'avaient pas été produits ; que, par une seconde décision du 6 avril 1993, après la production en février 1993 des documents demandés, un remboursement complémentaire a été accordé à concurrence de 1.531.710 F, dont la restitution a été effectuée le 28 juin 1993 ; que, par réclamations du 26 février 1992 et du 15 septembre 1993, la société Alfa Lancia Spa a demandé le paiement d'intérêts moratoires sur les sommes en cause et, en l'absence de décision prise par l'admi-nistration qui ne s'est prononcée que le 1er avril 1993 et le 17 mai 1994, a saisi le tribunal du litige relatif à ces intérêts le 2 mars 1993, le 17 mars 1994 et le 5 juillet 1994 ; que, par jugements des 30 juin 1994 et 31 juillet 1996, le tribunal administratif, faisant droit à ces demandes, a condamné l'Etat à verser à la société Alfa Lancia Spa les intérêts moratoires sur les sommes de 16.967.465,53 F et 1.531.710 F à compter de la date de la demande de remboursement, ainsi que les intérêts des intérêts et les sommes de 4.000 F et de 2.000 F au titre des frais irrépétibles ; que le ministre demande l'annulation de ces jugements en tant qu'ils condamnent l'Etat au versement d'intérêts moratoires, au paiement des intérêts sur les intérêts et à des frais irrépétibles ; que la société Alfa Lancia Spa demande que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 55.000 F au titre des frais irrépétibles ; que les recours du ministre concernent la même société, sont relatifs à la même demande initiale de rembour-sement de crédit de taxe et présentent à juger des questions communes ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Alfa Lancia Spa :
Sur les conclusions relatives au paiement d'intérêts moratoires :

Considérant qu'aux termes de l'article L.208 du livre des procédures fiscales : "Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impo-sitions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ..." ; qu'aux termes de l'arti-cle 242-OQ de l'annexe II au code général des impôts : "Le remboursement doit être demandé au service des impôts avant la fin du sixième mois suivant l'année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible. La demande est établie sur un imprimé du modèle prévu par l'administration. Elle est accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives ..." ;
Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 18.620.075,53 F présentée par la société Alfa Lancia Spa le 24 mai 1991 a été admise par l'administration fiscale à concurrence des sommes de 16.967.465,53 F et de 1.531.710 F dont les restitutions ont été effectuées le 12 février 1992 et le 28 juin 1993 alors qu'entre temps, à défaut de décision sur sa demande prise dans le délai de six mois prévu par les dispositions de l'article R.198-10 du livre des procédures fiscales, la société Alfa Lancia Spa avait saisi le tribunal administratif de Paris le 25 novembre 1991 ; que si l'administration soutient que le remboursement de la somme de 16.967.465,53 F résulte d'une décision prise le 14 novembre 1991 qui aurait été notifiée à la société Alfa Lancia Spa le même jour et qui ferait obstacle à ce que le remboursement puisse être regardé comme ayant été accordé dans le cadre d'une instance contentieuse, elle ne justifie pas de la notification de cette décision ;

Considérant, en second lieu, que le ministre, pour contester la condam-nation de l'Etat au paiement d'intérêts moratoires, fait valoir que la demande de remboursement, bien qu'elle ait été présentée dans le délai prévu par les dispositions précitées de l'article 242-OQ de l'annexe II, était irrecevable comme tardive au regard des dispositions de la huitième directive du conseil des communautés européennes au motif qu'elle n'était pas accompagnée de l'ensemble des pièces nécessaires pour son instruction et que, la régularisation n'étant intervenue que postérieurement à l'expi-ration de ce délai, le remboursement, accordé par pure mesure de bienveillance, doit être, en conséquence, regardé comme une décision prise d'office, insusceptible de donner lieu au paiement d'intérêts ; qu'il soutient également qu'à la date à laquelle la société Alfa Lancia Spa a saisi le tribunal, elle ne pouvait se prévaloir d'aucune décision implicite de rejet, née à l'expiration du délai de six mois imparti à l'admi-nistration par l'article R.198-10 du livre des procédures fiscales pour statuer sur les réclamations, les demandes de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée émanant des assujettis établis hors de France se trouvant régies non par les dispositions générales du livre des procédures fiscales, mais par les dispositions spécifiques du 4 de l'article 7 de la huitième directive, qui prévoient que les décisions concernant ces demandes doivent être notifiées dans un délai de six mois à compter de la date de présentation de la demande accompagnée de tous les documents requis ; qu'il estime donc qu'en l'espèce, la demande n'étant pas complète, le délai n'a pas couru et qu'en conséquence le remboursement accordé ne peut être regardé comme étant intervenu dans le cadre d'une instance contentieuse et assimilé à un dégrèvement de nature à ouvrir droit au paiement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L.208 du livre des procédures fiscales ;
Mais considérant que les autorités de l'Etat ne peuvent se prévaloir des dispositions d'une directive qui n'ont pas fait l'objet d'une transposition en droit interne ; qu'à supposer qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 3 et du paragraphe 4 de l'article 7 de la huitième directive que le service compétent soit en droit de n'instruire une demande que lorsqu'elle est accompagnée de toutes les pièces justificatives, le délai de six mois prévu par le paragraphe 4 pour y statuer ne commençant à courir qu'à la date où elle est complète, l'article 242-OQ de l'annexe II au code général des impôts se borne, après avoir précisé le délai dans lequel la demande de remboursement doit être formulée, à mentionner qu'elle est "accompagnée des originaux des factures, des documents d'importation et de toutes pièces justificatives", sans indiquer que ces documents sont exigés à peine d'irrecevabilité ; que, par ailleurs, aucun des articles 242-OM à 242-OT n'impartit à l'administration un délai particulier, qui ne commencerait à courir qu'à partir de la date où la demande est complète, pour statuer sur les réclamations ; que, dans ces conditions, le ministre n'est fondé à soutenir ni que le remboursement accordé à la société Alfa Lancia Spa présenterait le caractère d'un dégrèvement d'office au motif que le service eût été en droit de rejeter la demande présentée à cette fin comme tardive, ni que la requérante ne pouvait, compte tenu de l'existence d'un délai spécifique propre à ce type de demande,
introduire, en l'absence de décision prise sur sa réclamation dans un délai de six mois, une action contentieuse devant le tribunal administratif de Paris en application des dispositions combinées des articles R.198-10 et R.199-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les remboursements de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 16.967.465,53 F et de 1.531.710 F n'ont pas le caractère de dégrèvements d'office et sont intervenus dans le cadre d'une instance contentieuse introduite par la société Alfa Lancia Spa ; que, par suite, alors même que le droit à remboursement ne procédait pas, à l'origine, d'une erreur commise par l'administration dans l'assiette ou le calcul d'une imposition, ils ont eu le caractère de dégrèvements au sens des dispositions précitées de l'article L.208 du livre des procé-dures fiscales ; qu'il suit de là que les remboursements des sommes de 16.967.465,53 F et de 1.531.710 F doivent, en application des dispositions précitées de l'article L.208 du livre des procédures fiscales, donner lieu au paiement d'intérêts moratoires ; que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat au paiement d'intérêts moratoires sur ces sommes à compter de la date de la réclamation ;
Sur les conclusions relatives aux intérêts des intérêts :
Considérant que si les dispositions précitées de l'article L.208 du livre des procédures fiscales font obstacle à ce que les intérêts moratoires auxquels donne lieu un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée soient eux-mêmes capitalisés, elles sont sans application dans le cas, qui est celui de l'espèce, où l'Etat s'acquitte de sa dette en principal, interrompant ainsi le cours des intérêts, mais ne paye pas en même temps la somme des intérêts dont il est alors redevable, obligeant ainsi le créancier à former une nouvelle demande tendant au paiement de cette somme ; que, dans ce cas, les intérêts qui étaient dus au jour du paiement du principal forment eux-mêmes une créance productive d'intérêts dans les conditions de l'article 1153 du code civil ;
Considérant qu'il est constant que l'administration n'a pas versé à la société Alfa Lancia Spa des intérêts moratoires lors des remboursements de ses crédits de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par voie de conséquence du maintien des intérêts moratoires sur les sommes de 16.967.465,53 F et de 1.531.710 F, il y a lieu de maintenir les intérêts de ces intérêts moratoires ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux admi-nistratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
En ce qui concerne les sommes non comprises dans les dépens de première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en appli-cation des dispositions précitées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de maintenir les condamnations de l'Etat à payer à la société Alfa Lancia Spa les sommes de 4.000 F et de 2.000 F ;
En ce qui concerne les sommes non comprises dans les dépens des appels :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en appli-cation des dispositions précitées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la société Alfa Lancia Spa la somme de 5.000 F ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat au paiement d'intérêts moratoires et d'intérêts des intérêts sur les sommes de 16.967.465,53 F et de 1.531.710 F ainsi qu'au paiement des sommes de 4.000 F et de 2.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que la société Alfa Lancia Spa est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Les recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES sont rejetés.
Article 2 : L'Etat versera à la société Alfa Lancia Spa une somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Alfa Lancia Spa est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01324;97PA01271
Date de la décision : 28/05/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - DEGREVEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - REMBOURSEMENTS DE TVA.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales R198-10, L208, R199-1
CGIAN2 242-0 M à 242-0 T, 242-0 Q
Code civil 1153
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. MORTELECQ
Rapporteur public ?: Mme MARTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-05-28;96pa01324 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award