(2ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 25 avril 1995, présentée pour la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH ayant son siège social ..., par Me Y..., avocat ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9102831/1 en date du 7 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé par avis de mise en recouvrement en date du 4 octobre 1990 et des pénalités y afférentes ainsi que ses demandes de remboursement des frais exposés et des frais de caution ;
2 ) de lui accorder la décharge demandée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 21 avril 1998 :
- le rapport de M. MORTELECQ, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme TRICOT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que le 7 de l'article 257 du code général des impôts qui soumet à la taxe sur la valeur ajoutée même lorsqu'elles revêtent un caractère civil "les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles", prévoit que : "1- Sont notamment visés les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par l'article 691 ... ; les ventes d'immeubles et les cessions, sous forme de vente ou d'apport en société, de parts d'intérêts ou d'actions dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un immeuble ou d'une fraction d'immeuble" ; qu'aux termes de l'article 2 de l'article 266 du même code : "En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7 de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise : a. Pour les livraisons à soi-même, sur le prix de revient total des immeubles, y compris le coût des terrains ou leur valeur d'apport ; b. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : - Le prix de la cession, le montant de l'indemnité ou la valeur des droits sociaux rémunérant l'apport, augmenté des charges qui s'y ajoutent ; - La valeur vénale réelle des biens ..., si cette valeur vénale est supérieure au prix, au montant de l'indemnité ou à la valeur des droit sociaux, augmenté des charges" ; qu'aux termes de l'article 269 du même code dans sa rédaction applicable en l'espèce : "1. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée est constitué : ...b. Pour les livraisons à soi-même entrant dans le champ d'application du 7 de l'article 257, par la livraison ... ; c. Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société entrant dans le champ d'application du 7 de l'article 257, par l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, par le transfert de propriété" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que les "opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles" s'entendent de celles qui empruntent la forme, soit d'une livraison à soi-même d'immeubles, soit d'une mutation à titre onéreux ou d'un apport en société de terrains à bâtir, de biens assimilés à ces terrains, d'immeubles bâtis ou de droits portant sur ces objets ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 10 mai 1988, la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH a acquis 5.780/10.000ème indivis d'un terrain situé ..., dans le 15ème arrondissement et appartenant aux époux X..., moyennant un prix consistant en l'obligation d'édifier sur ce terrain un ensemble immobilier dont un certain nombre de lots, équivalant aux 4.220 millièmes des droits indivis qu'ils avaient conservés, reviendraient aux époux X... ; qu'aux termes de cet acte, la société requérante s'engageait à prendre en charge la taxe sur la valeur ajoutée due tant par le cédant que par elle-même, l'évaluation des locaux étant fixée à 3.800.000 F ; qu'en vertu de cet acte notarié, dès lors que M. et Mme X... ont conservé les droits indivis sur le terrain d'emprise des constructions à édifier, les intéressés sont devenus propriétaires, par voie d'accession, au fur et à mesure de l'exécution des travaux les concernant, des lots réalisés pour leur compte par la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH ; que, par suite, contrairement à ce que soutient l'administration, cette transaction ne pouvait être regardée comme donnant lieu à une mutation à titre onéreux d'immeubles entrant dans le champ d'application du 7 de l'article 257 du code général des impôts, le fait invoqué par le ministre que les dispositions dudit article ne comportent pas une énumération limitative des opérations visées ne pouvant avoir pour effet de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, en application de ce texte, toutes les opérations, quelle que soit leur forme juridique, qui concourent à la production ou à la livraison d'immeubles ; que si les dispositions de l'article 555 du code civil ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce compte tenu de l'existence d'une convention liant les parties, cette circonstance est sans influence sur la solution du litige dès lors que le mécanisme d'appropriation par voie d'accession en cause dans la présente espèce ne résulte pas de l'application de cet article ; qu'enfin, la circonstance que l'acte de vente précise que pour permettre la réalisation de la construction la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH aura la qualité de maître de l'ouvrage et pour le jeu de la garantie des défauts de construction celle de vendeur d'immeuble n'est pas de nature à avoir une influence sur la nature juridique de l'opération concernée ; qu'il en est de même de la clause selon laquelle la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH aura la jouissance de l'entier terrain, le cédant s'interdisant de faire valoir ses droits de propriété indivis avant l'achèvement de la construction ;
Considérant qu'il suit de là que la société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 juin 1994 est annulé.
Article 2 : La société ETUDE ET PROMOTION IMMOBILIERES ADH est déchargée de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée par avis de mise en recouvrement n 900970 du 4 octobre 1990 ainsi que des pénalités correspondantes.