(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 6 mai 1996, la requête présentée pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 21 décembre 1995, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'acte en date du 14 août 1992 par lequel le ministre de la défense a constaté la perte de son grade et résilié son contrat d'engagement, d'autre part, à sa réintégration ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'annuler l'acte ministériel susmentionné du 14 août 1992 et de faire droit à sa demande de réintégration ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de justice militaire ;
VU le code de procédure pénale ;
VU la loi n 86-14 du 6 janvier 1986, et notamment son article 18 ;
VU le décret n 73-1219 du 20 décembre 1973 modifié relatif aux militaires engagés ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1998 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- les observations de M. X...,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Sur la légalité de l'acte attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 775-1 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de l'article 51 de la loi du 11 juillet 1975 : "Le tribunal qui prononce une condamnation peut exclure expressément sa mention au bulletin n 2 soit dans le jugement de condamnation, soit par jugement rendu postérieurement sur la requête du condamné ( ...). - L'exclusion de la mention d'une condamnation au bulletin n 2 emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette condamnation." ; qu'aux termes de l'article 389 du code de justice militaire, dans sa rédaction applicable au moment des faits : "( ...) Toute condamnation à une peine égale ou supérieure à trois mois d'emprisonnement, avec ou sans sursis, prononcée contre ( ...) un sous-officier servant sous contrat, pour l'un des faits suivants ( ...) 2 Délits prévus par les articles 379 à 408 inclus ou 460 du code pénal, emportera la perte du grade ( ...)." ; qu'aux termes de l'article 21 du décret susvisé du 20 décembre 1973 modifié : "Les engagements ( ...) sont résiliés : 1 ) De plein droit en cas de : ( ...) Condamnation ( ...) à la perte du grade dans les conditions prévues aux articles 385 et 388 à 390 du code de justice militaire." ;
Considérant que, par un jugement en date du 7 juin 1991, rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny statuant en matière correctionnelle, M. X..., alors sous-officier servant sous contrat, a été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis pour avoir sciemment recélé une voiture obtenue à l'aide du délit de vol, faits prévus et réprimés par les articles 379 et 460 du code pénal ; que, le 3 février 1992, le même tribunal a fait droit à la requête de l'intéressé tendant à la non-inscription de sa condamnation au bulletin n 2 ; que M. X... se prévaut des effets attachés à ce jugement pour contester l'acte du 14 août 1992 par lequel le ministre de la défense a constaté la perte de son grade et, par voie de conséquence, prononcé la résiliation de plein droit de son contrat d'engagement, résultant de la condamnation susmentionnée ;
Considérant que si, en application des dispositions précitées de l'article 389 du code de justice militaire, le ministre de la défense est tenu, en cas de condamnation d'un sous-officier, intervenue dans les conditions susmentionnées, de constater la perte de grade et de résilier par voie de conséquence le contrat d'engagement, il en va autrement lorsque, auparavant, faisant droit à la demande de l'intéressé, la juridiction qui a condamné ce dernier a prononcé en sa faveur un jugement fondé sur les dispositions de l'article 775-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce, M. X... s'est prévalu d'un jugement, en date du 3 février 1992, par lequel le tribunal de grande instance de Bobigny excluait toute mention de sa condamnation au bulletin n 2 de son casier judiciaire ; que l'intéressé étant, par suite, relevé de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de cette dernière, l'acte du 14 août 1992 par lequel le ministre constate la perte de grade de M. X... et prononce la résiliation de son contrat d'engagement, est entaché d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation de l'acte du 14 août 1992 ;
Sur les conclusions aux fins de réintégration :
Considérant que M. X... est fondé à solliciter sa réintégration, en situation d'activité, à compter du 6 octobre 1992, comme il le demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande du ministre de la défense en condamnant M. X..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, à verser à l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du 21 décembre 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'acte du 14 août 1992 du ministre de la défense est annulé.
Article 3 : Il est ordonné au ministre de la défense de réintégrer M. X... à compter du 6 octobre 1992, en situation d'activité.
Article 4 : Les conclusions du ministre de la défense tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetées.