(2ème Chambre) VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 5 avril 1996, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler l'article 1er du jugement en date du 7 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société anonyme Diners Clubs International des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 1984/1985 et 1986 en raison du rattachement des cotisations versées par les titulaires de la carte Diners Club à l'exercice au cours duquel ladite cotisation a été payée ;
2 ) de remettre les impositions susvisées, qui s'élèvent aux montants respectifs de 9.907.985 F et 370.926 F en droits et de 1.486.198 F et 22.255 F en intérêts de retard, à la charge de la société anonyme Diners Club International ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 :
- le rapport de Mme MOUREIX, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Sur le recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 84 de la loi n 78-1239 du 29 décembre 1978 : " ...les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : - pour les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers et pour les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices, au fur et à mesure de l'exécution ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du contrat fixant les "conditions générales" relatives à l'utilisation de la carte Diners club produit en première instance que, nonobstant l'établissement d'un relevé mensuel des dépenses effectuées que son destinataire doit impérativement régler à la société anonyme Diners Club International dans les dix jours de sa réception, la cotisation forfaitaire annuelle, indépendante du nombre de transactions susceptibles d'être réalisées, que paient les titulaires des cartes accréditives Diners Club, ne rémunère pas des frais exposés par la société anonyme pour financer le crédit à court terme accordé aux titulaires de ladite carte mais constitue la contrepartie de la possibilité d'accès aux différents services dispensés par les établissements fournisseurs affiliés au réseau Diners Club que procure à ces titulaires la possession de la carte ; qu'ainsi, cette cotisation rémunère une prestation qui est achevée dès la conclusion du contrat entre la société anonyme Diners Club International et l'utilisateur potentiel de la carte ou dès le renouvellement de ce contrat ; que la circonstance que la cotisation annuelle puisse donner lieu à un remboursement partiel, dans l'hypothèse où la société anonyme déciderait unilatéralement d'annuler la carte, pour un motif autre qu'une faute contractuelle de son titulaire, est sans incidence sur la date d'achèvement de la prestation ; que, dès lors, les cotisations en cause, qui, contrairement à ce qu'ont jugé les juges de première instance, ne rémunèrent pas des prestations discontinues échelonnées sur plusieurs exercices, ne pouvaient être étalées sur douze mois mais devaient, en application des dispositions précitées de l'article 38-2 bis du code général des impôts, être rattachées à l'exercice au cours duquel elles avaient été versées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 novembre 1995, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge, à hauteur en droits et intérêts de retard des sommes respectives de 10.278.911 F et de 1.508.453 F, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société anonyme Diners Club International a été assujettie au titre d'une part de l'exercice 1984/1985 et, d'autre part, de l'exercice 1986 et à demander que lesdites impositions soient remises à la charge de la contribuable ;
Sur la demande reconventionnelle de la société anonyme Diners Club International :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, seul applicable devant la juridiction administrative, s'opposent à ce que la société anonyme Diners Club International, qui est la partie perdante en appel, puisse prétendre à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'ainsi sa demande reconventionnelle qui, au surplus, n'est pas chiffrée, ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 novembre 1995 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés dégrevées par le tribunal administratif de Paris, à hauteur en droits et intérêts de retard de 10.278.911 F pour l'exercice 1984/1985 et de 1.508.453 F pour l'exercice 1986, sont remises à la charge de la société anonyme Diners Club International.
Article 3 : La demande reconventionnelle de la société anonyme Diners Club International est rejetée.