(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 29 mars 1996, présentée pour Mme Edwige X..., demeurant à Créteil (Val-de-Marne), ..., par la SCP DELPEYROUX et associés, avocat, tendant à ce que la cour :
1 ) annule le jugement en date du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985 à 1987 et des pénalités y afférentes ;
2 ) prononce la décharge des impositions litigieuses ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 1998 :
- le rapport de Mme MOUREIX, président-rapporteur,
- les observations de la SCP DELPEYROUX et associés, avocat, pour Mme X...,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme X... a été assujettie au titre des années 1985 à 1987 proviennent, pour leur partie contestée, de l'inclusion dans ses bases imposables du montant des bénéfices réputés distribués en vertu de l'article 109-1 du code général des impôts, que l'administration a rapportés, après vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée Diane, aux résultats de cette société relatifs aux exercices clos en 1985, 1986 et 1987 et qu'elle a estimés avoir été appréhendés en totalité par la requérante ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que les redressements dont s'agit ont été notifiés à Mme X... selon la procédure contradictoire les 1er décembre 1988 et 5 avril 1989 ; que la contribuable, qui n'a pas refusé, dans le délai de trente jours qui lui était imparti par l'article R.57-1 du livre des procédures fiscales, lesdits redressements, doit être regardée comme les ayant tacitement acceptés ; que, dès lors, la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration lui incombe, en application de l'article R.194-1 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la société à responsabilité limitée Diane ait contesté devant la juridiction administrative les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices 1985 à 1987 et qu'aucune décision définitive ne soit encore intervenue ne s'opposait pas à ce que les rehaussements des résultats imposables de ladite société, provenant des recettes non comptabilisées et non déclarées qu'elle tirait de son activité occulte d'agence "d'hôtesses d'accompagnement", soient regardés comme des revenus distribués au seul profit de sa gérante ; que, de même, si Mme X..., en se référant à la requête en appel introduite au nom de la société à responsabilité limitée Diane, entend contester, pour les mêmes motifs, l'existence de revenus distribués et leur montant, en s'abstenant de joindre une copie de ladite requête et de préciser les moyens de la société qu'elle entendrait expressément s'approprier, elle ne met par la cour à même de se prononcer sur le bien-fondé de sa contestation ;
Considérant, en second lieu, que l'administration n'était pas tenue de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts si elle était en mesure d'identifier le bénéficiaire de ces distributions ; que pour soutenir que les bénéfices en caue n'ont pu être appréhendés que par la requérante, elle fait valoir que les opérations de contrôle fiscal diligentées à l'encontre de la société Diane, ainsi que l'information judiciaire pour proxénétisme ouverte en décembre 1986 sur les activités de cette société, ont permis d'établir que Mme X..., gérante et associée majoritaire, est toujours intervenue seule dans la gestion et la direction de la société, et était ainsi, en droit et en fait, le seul maître de l'affaire ; que si la requérante, se fondant sur l'ordonnance du juge d'instruction la renvoyant avec un autre inculpé devant le tribunal correctionnel, soutient que celui-ci aurait également bénéficié des distributions, ses allégations sont infirmées par le jugement en date du 30 mars 1990 de la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris constatant que Mme X... avait seule bénéficié des produits financiers de la société et estimant, en revanche, qu'il n'était pas établi que son co-inculpé avait perçu des subsides provenant des activités de prostitution ; que, de même, si, dans la notification de redressement du 9 novembre 1987 adressée à la société à responsabilité limitée Diane, il est fait état de plusieurs prélèvements opérés dans la caisse par une autre personne, ces prélèvements, qui ne sont pas inclus dans les rehaussements des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, ne sont pas de nature à établir que cette personne, dont la qualité n'est pas précisée, aurait appréhendé une partie du bénéfice reconstitué ; qu'enfin, en soutenant que les sommes correspondant aux revenus distribués n'ont pas été trouvées sur ses comptes bancaires, ni décelées au niveau de la balance espèces établie lors de l'examen de sa situation fiscale personnelle effectué de mai 1988 à avril 1989, la requérante n'apporte pas davantage la preuve qui lui incombe de l'inexactitude des assertions susvisées de l'administration ; que, dès lors, Mme X... doit être regardée comme ayant appréhendé la totalité des sommes distribuées correspondant au rehaussement des bénéfices imposables de la société à responsabilité limitée Diane à la suite de la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
Sur l'application de l'article L.77 du livre des procédures fiscales :
Considérant que s'il ressort des dispositions des premier et deuxième alinéa de l'article L.77 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur, qu'en cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées et de l'impôt sur les sociétés, les entreprises peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux redressements effectués est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires domiciliés en France, demander que l'impôt sur le revenu complémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant du supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilés mis à sa charge, le dernier alinéa dudit article subordonne cette possibilité d'imputation à la condition que les associés ou actionnaires reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées et de l'impôt sur les sociétés se rapportant aux sommes qui leur ont été distribuées ; que ce reversement doit, en outre, et en application du quatrième alinéa de l'article L.77 du livre des procédures fiscales, être effectif à la date de la demande de la société, laquelle doit intervenir avant l'établissement de l'impôt sur les sociétés résultant de la vérification ;
Considérant que Mme X... ne justifie pas, et ni même n'allègue, avoir reversé dans la caisse sociale de la société à responsabilité limitée Diane, avant l'établissement de l'impôt sur les sociétés résultant de la vérification de la comptabilité de cette société, les fonds nécessaires au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés correspondant aux bénéfices sociaux qu'elle a appréhendés ; que, dès lors, elle ne saurait prétendre à ce que ses bases imposables à l'impôt sur le revenu des années 1985 à 1987 soient diminuées des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à la charge de la société à responsabilité limitée Diane ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.169 du livre des procédures fiscales : "Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce ... jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due" ; qu'aux termes de l'article L.189 du même livre, dans sa rédaction issue de l'article 105-1 de la loi du 21 décembre 1984 portant loi de finances pour 1985 : "La prescription des sanctions fiscales est interrompue par la mention portée sur la notification de redressement qu'elles pourront être éventuellement appliquées" ;
Considérant que, contrairement à ce qui est allégué, la notification de redressement adressée le 1er décembre 1988 à Mme X..., relative à l'année 1985, comportait en première page la mention selon laquelle les droits résultant des redressements notifiés "pourront dans les conditions fixées par la loi être assortis des sanctions fiscales", dont le détail figurait à la dernière page de ladite notification ; que la notification de redressements adressée le 5 avril 1989 relative aux trois années 1985 à 1987, portant rappel du redressement notifié le 1er décembre 1989, comportait les mêmes indications ; que, dès lors, les pénalités pour mauvaise foi appliquées au titre des années 1985 à 1987 aux rappels d'impôt effectués en matière de revenus distribués n'étaient prescrites lors de leur mise en recouvrement le 31 décembre 1989 ;
Considérant, en second lieu, qu'en se fondant sur la nature et le montant des redressements pour estimer qu'en s'abstenant de déclarer pendant trois années consécutives les importants bénéfices sociaux occultes de la société à responsabilité limitée Diane, qu'elle s'appropriait systématiquement, Mme X... avait entendu délibérément éluder l'impôt, l'administration a suffisamment établi l'absence de bonne foi de la contribuable ; que, par suite, Mme X... ne saurait soutenir que l'application des pénalités pour mauvaise foi était injustifiée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1985, 1986, 1987 et des pénalités y afférentes ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.