(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée le 27 mars 1996 au greffe de la cour, présentée pour M. Jacques Y...
X..., demeurant ... (Yonne), par Me Z..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9009904/2 en date du 12 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
2 ) de le décharger des impositions contestées ;
3 ) de prononcer le sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 1998 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat pour M. X...,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. X... conteste les compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti, au titre des années 1980, 1981 et 1982, d'une part, à raison de revenus d'origine indéterminée taxés d'office à la suite de la vérification appro-fondie de sa situation fiscale d'ensemble, d'autre part, à raison de revenus de capitaux mobiliers imposés à son nom à la suite de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée JH X... Conseil, laquelle exploite une agence de publicité et dont il est le dirigeant ; qu'il fait appel du jugement en date du 12 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant qu'aux termes de l'article L.16 du livre des procédures fiscales : "En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable ... des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ..." ; que l'article L.69 du même livre dispose que : " ... Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissement ou de justifications prévues à l'article L.16" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'alors que les revenus déclarés par M. X... pour les années 1980, 1981 et 1982 se sont respectivement élevés à 261.021, 602.200 et 676.162 F, le montant total des crédits relevés sur les comptes bancaires de l'intéressé à l'ouverture de la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble s'établissait aux sommes respectives de 921.114, 2.029.062 et 2.185.295 F ; que si, compte tenu des sommes que l'administration avait déjà identifiées au cours de son contrôle avant qu'elle n'adresse au contribuable des demandes de justifications, ce qu'elle a pu faire sans avoir avec l'intéressé des entretiens oraux, les crédits dont l'origine demeurait inexpliquée et qui ont fait l'objet de ces demandes ne s'élevaient plus, respectivement, qu'à 401.210, 711.208 et 1.163.422 F, l'importance de la discordance qui persistait ainsi par rapport aux revenus qu'il avait déclarés au titre des trois années en cause, était, contrairement à ce que soutient M. X..., suffisante pour permettre à l'administration de lui adresser lesdites demandes de justifications ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si, dans la notification de redressements qu'elle a adressée le 24 mai 1984 à M. X... dans le cadre de la procédure contradictoire d'imposition à son nom des revenus distribués résultant de la réintégration, dans les bénéfices de la société à responsabilité limitée JH X... Conseil, de charges afférentes à la location d'un bateau de plaisance, l'administration fiscale n'a pas repris l'intégralité des motifs énoncés par elle dans la notification de redressements adressée le même jour à la société, elle a, néanmoins, en précisant que ledit bateau avait été pris en leasing par le requérant lui-même et que les frais comptabilisés en charges à ce titre par la société constituaient pour lui des revenus de capitaux mobiliers imposables en application de l'article 109 1 du code général des impôts, suffisamment motivé le redressement pratiqué pour permettre au requérant de présenter ses obser-vations, ainsi que le commandent les dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
Considérant, en premier lieu, que M. X... soutient que les sommes de 70.000 et 100.000 F, versées sur ses comptes bancaires respectivement les 5 novembre 1980 et 6 mai 1981, provenaient de prêts consentis par ses parents, tout de même que la somme de 80.000 F créditée le 19 mars 1982, pour laquelle ses explications ont été admises par l'administration fiscale ; qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'attestation établie par la mère du requérant, des indications portées par celle-ci dans son carnet de comptes manuscrit, de la convention de prêt signée par le contribuable et ses parents, du procès-verbal de gendarmerie qui atteste du vol des documents bancaires détenus par Mme X... mère, ainsi que des copies, produites en appel par M. X..., des chèques par lesquels il a remboursé à cette dernière les sommes empruntées, que le caractère familial des prêts et, en conséquence, le caractère non imposable des sommes en litige, doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme établi ; que, par suite, les bases d'imposition du requérant doivent être réduites des sommes de 70.000 F en ce qui concerne l'année 1980 et 100.000 F en ce qui concerne l'année 1981 ;
Considérant, en deuxième lieu, que les conclusions de M. X... relatives au crédit de 1.516 F du 10 novembre 1980 sont sans objet, eu égard à la décharge prononcée de ce chef par le tribunal administratif ; que, si M. X... fait valoir que les sommes de 5.000 F et 3.000 F, portées sur ses comptes les 12 février et 23 juillet 1980, représentent des avances sur commission ou sur salaire, que celles de 12.000 F en date du 5 août 1981, de 119.000 F du 31 décembre 1981 et de 8.000 F du 30 septembre 1982 correspondraient, respectivement, à une commission versée par la société Recto-Verso, à un remboursement d'apports faits par M. X... à cette société et à un prélèvement opéré par lui dans les comptes de celle-ci, et qu'enfin la somme de 20.032,60 F créditée le 28 décembre 1982 représente le remboursement d'un prêt consenti à la société Pronicom, il n'apporte pas, par les éléments qu'il produit, la preuve, qui lui incombe en raison de la taxation d'office dont il a fait l'objet sur le fondement des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, de la cause des flux financiers en question ; que, de même, les sommes de 10.000 F et 10.000 F, créditées les 9 avril et 26 mai 1981, présentées comme le remboursement par la société à responsabilité limitée JH X... Conseil d'honoraires directement versés par M. X... à un des conseils de la société, ne sont justifiées par aucun document permettant d'établir la réalité des liens professionnels entre ledit conseil, la société et le contribuable ;
Considérant, en troisième lieu, que les pièces, et notamment les factures produites en appel par M. X..., sont de nature à faire admettre que les rembour-sements de frais professionnels invoqués par lui comme correspondant aux crédits de 1.716,37 F du 2 avril 1980, 2.020,68 F du 17 juin 1980, 7.650 F du 18 février 1981, 513 F du 9 mars 1981 et 1.487,10 F du 15 mars 1982, sont justifiés ; qu'il y a en conséquence lieu d'accorder à l'intéressé les dégrèvements correspondants ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : "1. Sont considérés comme revenus distribués : 1 Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2 Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat de location-vente d'un bateau de plaisance, dont la société à responsabilité limitée JH X... Conseil a pris à sa charge les loyers, a été en réalité conclu en son nom personnel par M. X..., lequel devait acquérir dans un délai de sept ans la propriété du bateau, et non point par la société, dont la nature de l'activité n'impliquait pas par elle-même, au moment de cette conclusion, qu'elle exposât des dépenses de cette sorte ; que les relations commerciales entre la société à responsabilité limitée JH X... Conseil et la société Locamedi, propriétaire du bateau, invoquées par M. X... pour justifier de l'intérêt financier et commercial qu'aurait présenté cette location pour la société, ont été brèves et peu productives ; que, notamment, le montant des loyers acquittés au cours des trois années concernées par la société à responsabilité limitée JH X... Conseil a été bien supérieur aux ressources tirées par elle de la mission de publicité confiée par la société Locamedi ou de la mise en location du bateau, et que l'usage essentiellement fait de ce dernier a été d'être mis à la disposition personnelle de son dirigeant une grande partie de l'année ; que, dans ces conditions et nonobstant la modification, postérieure à la date du contrat, des statuts de la société par l'élargissement de son objet à l'exploitation de bateaux de plaisance, l'administration fiscale doit être regardée comme établissant que les charges acquittées par la société à ce titre n'étaient pas conformes à son intérêt et que leur montant constitue en réalité des revenus distribués entre les mains de M. X... au sens des dispositions précitées de l'article 109-1 du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est fondé qu'à concurrence de la décharge en base de 73.737,05 F pour 1980, 108.163 F pour 1981 et 1.487,10 F pour 1982 qui lui est accordée par le présent arrêt, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : M. X... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1980, 1981 et 1982 à concurrence d'une réduction en base de respectivement 73.737,05 F, 108.163 F et 1.487,10 F pour chacune de ces années.
Article 2 : Le jugement n 9009904/2 du tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.