VU la requête, enregistrée le 11 mars 1996 au greffe de la cour, présentée pour la société anonyme CITROEN, dont le siège est ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), par le président de son conseil d'administration ; la société anonyme CITROEN demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9214751/2 en date du 12 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assigné pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988 ;
2 ) de la décharger de l'imposition litigieuse ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 3 février 1998 :
- le rapport de Mme PERROT, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la société anonyme CITROEN, qui exerce l'activité de vente de véhicules automobiles, conteste les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés, pour la période du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1988, à la suite d'une vérification de sa comptabilité ; qu'elle fait appel du jugement en date du 12 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur le principe du droit à déduction au regard du droit interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts, pris en application de l'article 273-2 de ce code relatif aux exclusions ou aux restrictions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée : "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction ..." ; que l'article 241 de la même annexe prévoit que "Les services de toute nature afférents à des biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction" ;
Considérant qu'il est constant que les véhicules de démonstration utilisés par la société anonyme CITROEN étaient des véhicules conçus pour transporter des personnes, ne constituant pas des immobilisations et n'étant pas destinés à être revendus à l'état neuf ; que par application de la combinaison des dispositions précitées, ils étaient, par suite, au nombre des biens exclus du droit à déduction ; que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix des travaux d'entretien et de réparation de ces véhicules, effectués, alors que ceux-ci étaient utilisés par la société comme des véhicules de démonstration n'était, dès lors, pas déductible ; que pour s'opposer à cette non-déductibilité, la société anonyme CITROEN ne peut, d'une part, utilement invoquer, en tout état de cause, les dispositions de l'article 232 de l'annexe II au code général des impôts, relatif au régime de déduction applicable aux négociants en biens d'occasion acquittant l'impôt sur le prix total versé par l'acquéreur, dès lors qu'il n'est pas démontré que la taxe rappelée ne se serait pas ainsi rapportée aux seuls frais exposés pour l'entretien des véhicules au cours de leur période d'utilisation à titre de démonstration par la société, mais aussi, fût-ce pour partie, à des dépenses engagées pour les besoins de leur revente ; qu'elle ne peut davantage revendiquer, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la doctrine administrative contenue dans la documentation de base de la direction générale des impôts sous les références 3 K 122, 3 K 1224 et 3 D 1522 ou dans la note du 5 juillet 1986 3-D-6-86 et son complément 3-D-10-86, ainsi que dans la réponse du ministre à M. X... en date du 18 mai 1981, dès lors que cette doctrine ne concerne pareillement que le régime d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et de déduction de cette taxe applicable lors de la vente des biens d'occasion et le régime, qui lui est assimilé, dont est passible la revente des véhicules de démonstration ;
Sur la compatibilité de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts avec les objectifs de la 6ème directive :
Considérant qu'il ressort clairement des stipulations de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que les directives du Conseil des Communautés économiques européennes lient les Etats membres "quant au résultat à atteindre" ; que si, pour atteindre ce résultat, les autorités nationales qui sont tenues d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution de ces directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire leurs effets en droit interne, ces autorités ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs ;
Considérant, d'une part, que l'article 1er de la 6ème directive adoptée par le Conseil des Communautés européennes le 17 mai 1977 fixait comme objectif aux Etats membres de prendre avant le 1er janvier 1978 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour adapter leur régime de taxe sur la valeur ajoutée aux dispositions figurant dans cette directive ; que la 9ème directive du 26 juin 1978 a toutefois repoussé au 1er janvier 1979 le délai ainsi imparti ;
Considérant, d'autre part, que l'article 17 paragraphe 2 de la 6ème directive prévoit la déduction par l'assujetti de la taxe ayant grevé les biens et les services utilisés par lui "dans la mesure" où il le sont "pour les besoins de ses opérations taxées" ; qu'il résulte de cette disposition que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont par un assujetti concerne la taxe due ou acquittée pour les biens qui lui ont été livrés et les services qui lui ont été rendus dans le cadre de ses activités professionnelles ;
Considérant, enfin, que l'article 17 paragraphe 6 de la même directive dispose que : "Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation. Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les Etats membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive" ; qu'il résulte clairement de ces dispositions, d'une part, qu'elles visent les exclusions du droit à déduction particulières à certaines catégories de biens, de services ou d'entreprises et non pas les règles applicables à la définition même des conditions générales d'exercice du droit à déduction et, d'autre part, que si elles fixent comme objectif aux autorités nationales de ne pas étendre, à compter de l'entrée en vigueur de la directive, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévues par les textes nationaux applicables à cette date, elles laissent à ces autorités la possibilité de les maintenir jusqu'à ce que le Conseil des Communautés européennes ait déterminé "les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction" ; que la société anonyme CITROEN n'est ainsi pas fondée à soutenir que le Conseil des Communautés européennes, lequel n'est pas intervenu dans le délai de quatre ans qu'il s'était imparti, aurait entendu refuser toute exclusion du droit à déduction et interdire le maintien des exclusions particulières existant à l'expiration de ce délai dans les différents Etats membres, et ne peut, par suite, invoquer utilement une violation du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société anonyme CITROEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de la société anonyme CITROEN est rejetée.