(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée le 21 février 1996 au greffe de la cour, présentée pour M. et Mme Jacques X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9112359/2 en date du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1985 ;
2 ) de les décharger de l'imposition contestée ;
3 ) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 1997 :
- le rapport de Mme PERROT, conseiller,
- les observations de la SCP Y..., avocat, pour M. et Mme X...,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. et Mme X... contestent le complément d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis, au titre de l'année 1985, à la suite de la réintégration dans les bénéfices industriels et commerciaux retirés par M. X... de l'exploitation d'une galerie d'art et d'antiquités située à Paris 6ème, du produit de la vente de huit objets d'art dont ils soutiennent qu'ils faisaient partie de leur patrimoine personnel ; qu'ils font appel du jugement en date du 7 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
Sur la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le contrôle inopiné :
Considérant qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article L.47 du livre des procédures fiscales, relatif aux garanties du contribuable en matière de vérification : " ... En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil" ;
Considérant, en premier lieu, qu'aucun texte ne subordonne l'exercice par l'administration fiscale du droit de contrôle qu'elle tire de l'article L.47 du livre des procédures fiscales à la constatation préalable d'anomalies dans le dossier fiscal du contribuable ;
Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le vérificateur soit intervenu dans les locaux de l'entreprise de M.
X...
un jeudi à 11 heures, alors que la galerie, dans laquelle s'achevaient les préparatifs d'un vernissage, n'était pas ouverte au public, n'est pas de nature à avoir ôté à ces locaux, dans lesquels l'intéressé exerçait son activité professionnelle, leur caractère de locaux professionnels et à leur conférer celui de locaux privés ; qu'ainsi, les requérants ne peuvent utilement ni, en tout état de cause, invoquer l'instruction administrative du 25 juin 1984, ni soutenir que les dispositions de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales relatives aux perquisitions de l'administration dans les locaux privés n'auraient pas été respectées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur s'est, à la date susdite, borné à procéder au relevé des marchandises en stock ; qu'ainsi, cette première intervention a été limitée à des constatations matérielles de la nature de celles qui peuvent légalement être effectuées dans le cadre du contrôle inopiné prévu par les dispositions susrappelées du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise et que le vérificateur s'y est rendu à plusieurs reprises ; qu'en soutenant que cet agent les aurait menacés d'un examen de situation fiscale personnelle et que le dialogue avec lui aurait systématiquement pris un tour polémique, M. et Mme X... n'établissent pas, alors même que ledit vérificateur n'a pas, ultérieurement, été invité à assister aux entretiens des contribuables avec ses supérieurs hiérarchiques, qu'ils auraient été privés de tout échange de vues et de la possibilité d'un débat oral et contradictoire au cours de ces opérations sur place ; que l'existence ou non d'un tel débat n'est pas en tout état de cause du nombre des questions auxquelles il incombe à l'administration de répondre dans la notification de redressements puis dans la réponse aux observations de contribuable auxquelles elle est tenue de procéder, de façon motivée, par application de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne le prétendu examen de situation fiscale personnelle :
Considérant que les seuls redressements notifiés à M. et Mme X... et contestés par eux l'ont été dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et procèdent seulement de la vérification de comptabilité de l'entreprise de M.
X...
; que M. et Mme X..., dont le train de vie, contrairement à ce qu'ils prétendent, n'a pas été contrôlé, ne peuvent, dès lors, utilement soutenir qu'une partie des redressements en litige procéderait, sans l'envoi d'un avis préalable, d'un examen de situation fiscale personnelle, de quoi n'a pu tenir lieu l'examen de quelques mouvements de leur trésorerie ;
En ce qui concerne le prétendu recours à la notion d'abus de droit :
Considérant qu'au cours du contrôle litigieux, l'administration fiscale s'est bornée à qualifier de commercial le produit de la vente de plusieurs objets appartenant à M. et Mme X..., sans procéder à la requalification d'actes juridiques ou à la dénonciation de leur caractère fictif ; que, ce faisant, elle a effectué une démarche n'emportant pas recours à la notion d'abus de droit, dont M. et Mme X... revendiquent ainsi inutilement les garanties qui y sont attachées en vertu des dispositions de l'article L.64 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :
Considérant que la question en litige, de savoir si, en effectuant les ventes d'objets d'art en cause, le contribuable avait agi dans le cadre de son activité professionnelle ou seulement de la gestion d'un patrimoine privé et si, par suite, les profits qu'il en avait retirés pouvaient ou non être qualifiés de bénéfices industriels et commerciaux, est une question de droit qui échappe en tant que telle à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, telle qu'elle est déterminée par les dispositions de l'article L.59 A du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi l'administration fiscale, qui n'avait pas remis en cause le caractère probant de la comptabilité de l'entreprise, n'était pas tenue de saisir cette commission, malgré la demande en ce sens formulée par les requérants ;
Considérant que si M. et Mme X... invoquent, sur le fondement des dispositions de l'article 1er du décret n 83/1025 du 28 novembre 1983, le bénéfice de la doctrine qui serait contenue dans une instruction n 13-M-2-74 du 30 août 1974 recommandant au service de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires même lorsque le désaccord porte sur une question de droit, une telle instruction n'est pas opposable à l'administration dès lors qu'instituant une procédure non prévue par les dispositions du livre des procédures fiscales, elle est contraire aux lois et règlements ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que M. X... a, en 1985, confié en dépôt en vue de leur vente à la société à responsabilité limitée Art visionnaire huit objets d'art d'extrême-orient, de la même nature que ceux qu'il achète et vend de manière habituelle au titre de son activité professionnelle ; que cette société, qui occupait les mêmes locaux que son entreprise et dont il détenait 20 % des parts, avait une activité analogue à la sienne ; que la vente de ces objets a été effectuée selon les usages commerciaux pour un montant total de 807.900 F ; que l'administration fiscale a, dans ces conditions, estimé qu'elle avait été réalisée dans le cadre de l'activité professionnelle de l'intéressé et que le produit en était de nature commerciale ;
Considérant que M. et Mme X..., pour soutenir que les objets en question faisaient en réalité partie de leur collection personnelle, se bornent à faire état de ce qu'en 1982 un expert les avait inventoriés à leur domicile, à avancer que le produit de leur vente était destiné à financer l'acquisition par eux d'un bien immobilier au cours de l'année 1985 et à produire des factures d'achat qui, s'échelonnant de 1972 à 1978, ne comportent aucune précision ni quant à l'identification exacte des objets dont ils retracent l'acquisition, ni quant à la qualité en laquelle M. X... les a acquis, et dont les montants sont, au demeurant, sans rapport avec ceux relevés dans l'inventaire susévoqué réalisé en 1982 ; que, dans ces conditions où les requérants ne peuvent être regardés comme démontrant que les cessions en question relevaient comme ils le prétendent de la gestion de leur patrimoine personnel, l'administration établit le bien-fondé de l'inclusion des produits correspondants dans les bénéfices qu'ils retiraient de l'activité commerciale habituelle d'antiquaire de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. et Mme X... succombent dans la présente instance ; que leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à leur verser une somme au titre des frais qu'ils ont exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. et Mme X... est rejetée.