(1ère Chambre)
VU la décision n 109428 du 11 janvier 1995 du Conseil d'Etat attribuant à la cour le jugement de l'affaire opposant le président du Gouvernement du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE à M. X... ;
VU le recours, enregistré le 28 juillet 1989 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n 109428, puis au greffe de la cour le 30 janvier 1995 sous le n 95PA00132, présenté pour le président du Gouvernement du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE par Me Y..., avocat ; le président du Gouvernement du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 1486/TAP/88 en date du 6 juin 1989 par lequel le tribunal administratif de Papeete l'a condamné à verser avec intérêts une somme de 1.210.342 F CFP à M. X... au titre du remboursement des loyers que ce dernier a supportés pendant son séjour en Polynésie française du 7 septembre 1985 au 30 août 1988 ;
2 ) de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Papeete ; VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 67-1039 du 29 novembre 1967 modifié par le décret n 85-1237 du 25 novembre 1985 ;
VU la délibération de l'assemblée territoriale n 85-1025 du 15 mars 1985 modifiée ;
VU les arrêtés interministériels du 6 janvier 1986 et du 24 juin 1987 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 1997 :
- le rapport de M. LIEVRE, conseiller,
- et les conclusions de M. LIBERT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la demande de remboursement de loyers présentée par M. X... concerne la période de son séjour en Polynésie française s'étendant du 7 septembre 1985 au 30 août 1988, pendant laquelle il a été détaché auprès du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE en qualité de chef du service équipement ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à cette demande en allouant à M. X... une indemnité calculée en application des dispositions du décret du 29 novembre 1967 pour l'ensemble de la période précitée ; que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE fait appel de ce jugement en demandant la réduction de cette indemnité ;
Sur la réglementation applicable :
Considérant que la demande de M. X... doit être examinée au regard des dispositions de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 dès lors que ce décret a été promulgué dans le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE en 1973 puis au regard de celles de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 précité, rendu applicable lors de la promulgation dans le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE de l'arrêté interministériel du 6 janvier 1986, soit le 22 février 1986, cet arrêté ayant été publié au Journal officiel de la Polynésie française le 20 février 1986 ; que, de même, il y a lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'arrêté interministériel du 24 juin 1987 modifiant le loyer plafond promulgué et publié au Journal officiel de la Polynésie française le 17 septembre 1987 ; qu'en revanche, il y a lieu d'écarter l'application des dispositions de la délibération du 15 mars 1985 de la commission permanente de l'assemblée territoriale de la Polynésie française qui a fixé un montant maximum du remboursement des loyers pour "les fonctionnaires de l'Etat en poste dans les services territoriaux de la Polynésie française", dès lors qu'aucune des dispositions de la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française qui attribue à l'Etat compétence en ce qui concerne la fonction publique de l'Etat ni de celles de la convention du 11 décembre 1985 conclue entre l'Etat et le territoire, n'autorisait ladite assemblée à se substituer au ministre d'Etat chargé de la fonction publique, au ministre des départements et territoires d'outre-mer et au ministre de l'économie et des finances, seuls habilités par les dispositions de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 à prendre un arrêté interministériel en la matière ; qu'il y a lieu, par suite, et bien que M. X... ait été détaché dans les services territoriaux, d'examiner les droits à remboursement de ce dernier au titre des périodes du 7 septembre 1985 au 21 février 1986 d'une part, puis du 22 février 1986 au 30 août 1988 au regard des seules dispositions du décret du 29 novembre 1967 modifié ;
Sur les droits à remboursement de M. X... au titre de la période du 7 septembre 1985 au 21 février 1986 :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 29 novembre 1967, portant réglementation du logement et de l'ameublement des magistrats et des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer seules applicables, ainsi qu'il vient d'être rappelé ci-dessus, pour la période susdéfinie : "Les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat mariés ayant la qualité de chef de famille, veufs, divorcés ou célibataires, en poste dans les territoires d'outre-mer et dont la résidence habituelle est située hors du territoire dans lequel ils servent, sont logés et meublés par le service qui les emploie" et qu'aux termes de l'article 6 dudit décret dans sa rédaction alors applicable : "Au cas où, faute de logement et d'ameublement administratifs, les magistrats et les fonctionnaires de l'Etat visés à l'article 1er seraient obligés de se loger et de se meubler à leurs frais, il seront admis, sur présentation de la quittance remise par le propriétaire au remboursement du loyer. Ce remboursement ne pourra toutefois pas excéder un montant maximum fixé par un arrêté conjoint du ministre d'Etat chargé de la fonction publique, du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'outre-mer et du ministre de l'économie et des finances. De ce remboursement sera déduite la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service" ;
Considérant que l'intervention de l'arrêté interministériel fixant le loyer plafond prévu n'est pas nécessaire à la mise en application des dispositions précitées qui ouvrent droit, au profit des fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer qui ne disposent pas d'un logement administratif, au remboursement des loyers acquittés par eux ; qu'ainsi la circonstance qu'aucun arrêté interministériel fixant ce loyer plafond n'est intervenu avant le 6 janvier 1986 n'est pas de nature à les priver du droit au remboursement qu'ils tiennent de l'article 6 du décret du 29 novem-bre 1967 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Papeete a, pour la période susindiquée, annulé le refus implicite du président du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE et condamné le territoire à verser à l'intéressé une indemnité correspondant, après déduction de la retenue prévue à l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 et des sommes déjà perçues par l'intéressé, au montant des loyers qu'il a acquittés ;
Sur les droits à remboursement de M. X... au titre de la période courant du 22 février 1986 au 30 août 1988 :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1er alinéa 2 du décret du 25 novembre 1985 modifiant l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 précité concernant le logement des magistrats et fonctionnaires de l'Etat en service dans les territoires d'outre-mer lorsqu'ils ne sont pas logés par l'administration, seules applicables, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à M. X... à compter du 22 février 1986, le loyer qu'ils paient effectivement fait l'objet d'un remboursement partiel ainsi défini : "Le montant du remboursement ne pourra pas excéder la différence entre le loyer effectivement acquitté, d'une part, et, d'autre part, la retenue que devraient verser les intéressés s'ils étaient logés et meublés par leur service, augmentée le cas échéant de l'un ou l'autre ou des deux éléments suivants : a) Une part égale à 25 % de la différence entre le montant de la retenue prévue à l'article 3 du décret susvisé et celui du loyer réel dans la limite du loyer plafond fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie, des finances et du budget, du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la fonction publique et des simplifications administratives ; b) Une part égale à 75 % de la partie du loyer acquitté qui excède le loyer plafond prévu ci-dessus" ;
Considérant qu'en retenant, pour déterminer la part du loyer acquitté restant à la charge des agents qui se logent par leurs propres moyens, des critères tirés du montant du traitement perçu, du coût du loyer versé dans la limite d'un plafond et de la retenue opérée sur le traitement des agents logés par l'administration, les auteurs du décret du 25 novembre 1985 n'ont pas édicté des règles qui seraient par elles-mêmes susceptibles de créer des disparités entre des agents se trouvant dans une situation comparable ;
Considérant que c'est à tort que, pour la période en cause, le tribunal administratif s'est fondé sur la violation du principe d'égalité de traitement des agents publics par le décret du 25 novembre 1985 et, par suite, sur son illégalité pour juger que M. X... avait droit au remboursement des loyers qu'il a acquittés sur le seul fondement des dispositions de l'article 6 du décret du 29 novembre 1967 dans leur rédaction initiale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué du tribunal administratif de Papeete doit être annulé sur ce point ; qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie du litige ci-dessus défini par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de M. X... devant le tribunal administratif de Papeete ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., la complexité des règles de remboursement des loyers instituées par le décret du 25 novembre 1985 n'est pas de nature à en rendre impossible l'application ;
Considérant que le moyen tiré de la violation du principe d'égalité de traitement des fonctionnaires est principalement dirigé contre le décret du 25 novembre 1985 ; que ce moyen a été écarté ; qu'il doit l'être pour les mêmes motifs en tant qu'il est invoqué contre les arrêtés des 6 janvier 1986 et 24 juin 1987, ce dernier arrêté étant applicable en Polynésie française à compter du 19 septembre 1987 ;
Considérant qu'il résulte des arrêtés interministériels du 6 janvier 1986 et du 24 juin 1987 que le loyer plafond a été successivement fixé à 3.400 FF et 4.900 FF ;
Considérant que la lettre selon laquelle le trésorier-payeur général de la Polynésie française déclare faire sienne la directive de la comptabilité publique en date du 26 juin 1986, en vertu de laquelle les fonctionnaires présents dans le territoire avant le 1er février 1986 continueraient à bénéficier du remboursement de leur loyer réel, est contraire au décret du 25 novembre 1985 ; que M. X... ne peut, en tout état de cause, s'en prévaloir ;
Considérant que, pour la période du 22 février 1986 au 18 septembre 1987, le loyer acquitté par M. X... et la retenue applicable de 15 % étaient supérieurs au loyer plafond de 3.400 FF alors en vigueur ; que le remboursement dû à l'intéressé doit correspondre à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 25 % de la différence entre ladite retenue et le loyer plafond et d'une somme égale à 75 % de la différence entre le loyer acquitté et le loyer plafond ; que, pour la période du 19 septembre 1987 au 30 août 1988, le loyer acquitté par M. X... était supérieur au loyer plafond applicable de 4.900 FF et que la retenue était inférieure à ce loyer plafond ; que le remboursement qui lui est dû doit correspondre à la différence entre, d'une part, le loyer acquitté et, d'autre part, la retenue de 15 % augmentée d'une somme égale à 75 % de la partie du loyer acquitté excédant le loyer plafond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour la période ci-dessus mentionnée, le tribunal administratif de Papeete a décidé que le rembour-sement dû à M. X... devait correspondre à la différence entre le loyer effectivement acquitté et la seule retenue de 15 % ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits se rapportant à la période précitée dans les conditions susindiquées, en tenant compte, éventuellement, des sommes déjà perçues par lui ;
Article 1er : L'indemnité que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE a été condamné à verser à M. X... en remboursement de ses loyers par l'article 2 du jugement n 1486/TAP/88 du tribunal administratif de Papeete en date du 6 juin 1989 est, en tant qu'elle se rapporte à la période postérieure au 21 février 1986, ramenée à la somme définie dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits dans les conditions susmentionnées pour la période du 22 février 1986 au 30 août 1988.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Papeete en date du 6 juin 1989 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE est rejeté.