(2ème chambre) VU la requête, enregistrée le 1er juin 1993 au greffe de la cour, présentée pour la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT, venant aux droits de la société Al Saoudi banque dont le siège est ... ; la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8907390/1 en date du 10 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Al Saoudi banque a été assujettie au titre de l'année 1983 et de la retenue à la source à laquelle celle-ci a été assujettie au titre des années 1981, 1982 et 1983 ;
2 ) de la décharger des impositions contestées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU la convention fiscale franco-brésilienne en date du 10 septembre 1971 ;
VU la convention fiscale franco-néerlandaise en date du 16 mars 1973 ;
VU la convention fiscale franco-saoudienne en date du 18 février 1982 modifiée ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 juin 1997 ;
- le rapport de Mme PERROT, conseiller,
- et les conclusions de M. MENDRAS, commissaire du Gouvernement ;
Sur l'impôt sur les sociétés :
En ce qui concerne la réintégration de crédits d'impôt :
Considérant qu'en vertu de l'article 22-2 c et d de la convention franco-brésilienne en date du 10 septembre 1971, les intérêts de toute nature de source brésilienne que perçoit une société résidente de France ouvrent droit à un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus ;
Considérant que, dans le cadre d'une opération de crédit consentie par elle, au cours des années 1982 et 1983, à la société brésilienne Pétrobras en vue de l'acquisition de produits pétroliers, la société Al Saoudi banque a fait appel à des établissements bancaires dits "sous-participants silencieux" dans le but soit de garantir soit de financer les prêts accordés par elle ; que, dans ce cadre, elle a conclu avec les établissements bancaires BIAO, BSFE et SEB, des contrats aux termes desquels ceux-ci se sont bornés à souscrire un engagement de caution destiné à garantir les risques de non-remboursement par la société Pétrobras ; que si, en vertu d'avenants auxdits contrats, ces établissements étaient en outre tenus d'effectuer auprès de la société Al Saoudi Banque, à titre de sûreté complémentaire, un dépôt d'un montant correspondant à l'importance de leur engagement dont ils n'étaient remboursés qu'au fur et à mesure des remboursements du prêt réalisés par la société Pétrobras, et si les commissions rémunérant leur caution ne leur étaient versées par la banque Al Saoudi qu'au fur et à mesure du versement par cette société des intérêts dus sur les sommes empruntées, il est constant que, conformément aux stipulations contractuelles, ils ne bénéficiaient aucunement, en intérêt ni en capital, de ces versements effectués par l'emprunteuse, mais percevaient seulement ces commissions, dont le taux était différent de celui dont bénéficiaient les sous-participants à titre de financement, et qu'ils n'avaient au demeurant inscrit dans leurs écritures comptables aucune opération de prêt mais seulement un engagement hors bilan ; que, dans ces conditions, le ministre de l'économie et des finances, qui n'allègue même pas le caractère fictif des conventions ainsi conclues, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que lesdits établissements auraient en réalité participé en qualité de prêteurs principaux à l'opération de financement susévoquée ; que, par suite, la société Al Saoudi banque, qui, en ce qui concerne les trois établissements bancaires précités, percevait ainsi pour son propre compte les remboursements et intérêts versés par la société Pétrobras, était en droit de déduire de l'impôt dû par elle les crédits d'impôt s'y rapportant ; que la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT, qui vient aux droits de la société Al Saoudi banque, est, en conséquence, fondée à demander, à concurrence de ces crédits d'impôt, la décharge du complément d'impôt sur les sociétés qui a été assigné à cette dernière au titre de l'année 1983 ;
En ce qui concerne la cession des titres Saudifin :
Considérant qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui ... possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités ..." ; que ces dispositions, sous réserve que l'administration ait établi l'existence d'un pouvoir de contrôle entre l'entreprise située en France et l'entreprise située hors de France ainsi que des majorations ou minorations de prix, ou des moyens analogues de transfert de bénéfices, instituent une présomption pesant sur l'entreprise passible de l'impôt sur les sociétés laquelle ne peut obtenir, par la voie contentieuse, la décharge ou la réduction de l'imposition établie en conséquence qu'en apportant la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu transfert de bénéfices ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Al Saoudi banque a, pour un montant de 19.732.017 F, cédé en septembre 1983 à sa société-mère Al Saoudi bank Holding Nv établie aux Pays-Bas la totalité des titres détenus par elle dans la société suisse Saudifin Corp. et dont la valeur comptable au bilan de l'exercice clos le 31 décembre 1982 s'élevait à 25.136.750 F ; que si l'administration a admis que la société ait pu régulièrement le 31 mai 1983, par la méthode dite "de l'actif net corrigé", procéder à une dévaluation des titres qu'elle allait céder, elle n'en a reconnu le caractère justifié qu'à concurrence d'un montant de 3.858.173 F et a réintégré la fraction de moins-value restante, soit 1.573.560 F, dans les résultats de la société ;
Considérant que le contrôle de la société étrangère sur la société Al Saoudi banque étant constant et l'administration établissant l'existence d'un avantage a priori injustifié du seul fait de la décote susmentionnée enregistrée par le prix conclu par rapport à la valeur comptable des titres, il appartient à la société requérante de rapporter la preuve des faits dont elle se prévaut pour démontrer qu'il n'y a pas eu, malgré les apparences, de transfert de bénéfices réalisé par la société Al Saoudi banque au profit de la société mère implantée à l'étranger ; que, d'une part, si elle fait valoir à cette fin que le recouvrement de la créance détenue par la société Saudifin sur la banque d'Etat polonaise Handlowy était compromis, elle n'apporte aucun élément précis de nature à établir qu'à la date du 31 mai 1983, à laquelle elle a procédé à la dévaluation des titres en litige, le risque de non recouvrement de cette créance, déjà provisionnée à concurrence de 50 % au 31 décembre 1982, était passé à 100 % ainsi qu'elle l'a alors constaté ; que, d'autre part, la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT n'apporte aucune preuve de ce que la créance détenue par la société Al Saoudi banque sur la société SAFE aurait, à la même date du 31 mai 1983, perdu, ainsi qu'elle l'a estimé, 75 % de sa valeur hors intérêts ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a, par application des dispositions précitées de l'article 57 du code général des impôts, réintégré, à hauteur de la totalité pour la première créance et de 380.000 F pour la seconde, les sommes dont s'agit dans le bénéfice imposable de la société ;
Sur la retenue à la source :
En ce qui concerne les revenus distribués à une société résidant aux Pays-Bas :
Considérant, qu'aux termes de l'article 109.1-1 du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : tous les bénéfices qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital" ; que selon l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109.1-1 , les bénéfices s'entendent de tous ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés" ; qu'aux termes de l'article 119 bis.2 dudit code : "Les produits visés aux articles 108 et 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé à l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ..." ; qu'aux termes des dispositions de l'article 10 de la convention fiscale franco-néerlandaise du 16 mars 1973 : "1. Les dividendes payés par une société qui est un résident de l'un des Etats à un résident de l'autre Etat sont imposables dans cet autre Etat ... 5. A) Le terme "dividendes" employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires, à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales assimilés aux revenus d'actions par la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est un résident. b) Sont également considérés comme des dividendes payés par une société qui est un résident de France, le paiement brut représentatif de l'avoir fiscal visé au paragraphe 3 et les sommes brutes remboursées au titre du précompte visé au paragraphe 4, qui sont afférents aux dividendes payés par cette société ..." ; et qu'aux termes de l'article 22 de cette convention : "Les éléments du revenu d'un résident de l'un des Etats, auxquels les articles précédents de la présente convention ne s'appliquent pas, ne sont imposables que dans cet Etat." ;
Considérant qu'en conséquence de ce qui a été dit ci-dessus, l'administration fiscale a regardé les minorations de prix des actifs cédés par la société Al Saoudi banque à sa société-mère néerlandaise comme des revenus distribués au sens des dispositions des articles 109-1-1 et 110 précités du code général des impôts et a assujetti la société à la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du même code ;
Considérant que les stipulations de l'article 10 susmentionné de la convention franco-néerlandaise ne visent que l'imposition des dividendes définis par cet article au nombre desquels ne peuvent être inclus les revenus réputés distribués au sens du 1-1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, les distributions litigieuses, qu'elles aient ou non profité à des actionnaires, ne pouvaient, en vertu des dispositions de l'article 22 également susmentionné de la convention, être imposées en France à la retenue à la source visée à l'article 119 bis-2 du code général des impôts ; que, par suite, la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT est fondée à demander la décharge de la retenue à la source ainsi assignée à la société Al Saoudi banque au titre de l'année 1983 ;
En ce qui concerne les revenus distribués à des personnes résidant en Arabie Saoudite :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention fiscale franco-saoudienne du 18 mars 1982 modifiée : "1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat ... 3. Le terme "dividendes" employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus d'autres parts sociales soumis au même régime fiscal que les revenus d'actions par la législation de l'Etat de la société distributrice ..." ;
Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Al Saoudi banque, l'administration a effectué un certain nombre de redressements qui ont été acceptés par la société ; que les bénéfices se rapportant à ces redressements ont été considérés comme des revenus distribués, au sens des dispositions de l'article 109-1-1 , à des personnes résidant en Arabie Saoudite ; qu'aucune des stipulations de la convention précitée ne prévoyant le lieu d'imposition des revenus ainsi qualifiés, lesquels ne peuvent être assimilés aux dividendes visés à l'article 6 de la convention précitée, l'administration était fondée à soumettre ces revenus, entre les mains de la société Al Saoudi banque, à la retenue à la source prévue par les dispositions de la législation nationale contenues à l'article 119 bis du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT n'est fondée qu'à concurrence des décharges ci-dessus évoquées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : La BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT, venant aux droits de la société Al Saoudi banque, est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés auquel la société Al Saoudi banque a été assujettie au titre de l'année 1983 à concurrence d'un montant en droits et pénalités de 4.147.396 F.
Article 2 : La BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT, venant aux droits de la société Al Saoudi banque, est déchargée de la retenue à la source qui a été assignée à la société Al Saoudi banque au titre de l'année 1983 à concurrence d'un montant en droits et pénalités de 618.933 F.
Article 3 : Le jugement n 8907390/1 du tribunal administratif de Paris en date du 10 novembre 1992 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la BANQUE FRANCAISE DE L'ORIENT est rejeté.